Chapitre 38 : Questions d'avenir.

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Les heures de cours qui suivirent furent les plus pénibles que la classe des cinquièmes B eut à supporter depuis le début de l’année scolaire. Ce fut une épreuve de retourner en cours après la grande épopée qu’il y avait eu sur le temps de midi. Chacun était dans ses petits souliers, pour diverses raisons.

La gymnastique en fin de journée fut la bienvenue quand il devint question de s’aérer l’esprit. Heureusement qu’il s’agissait de courses à pied pour les filles, car un sport d’équipe n’aurait pas fait bon ménage avec l’ambiance qui régnait entre les girl’s Richess.

En tête de file sur le terrain d’athlétisme, Kimi courait en flèche, les écouteurs dans ses oreilles. Elle sentait les muscles de ses cuisses se contracter et se relâcher, sa poitrine se soulever au rythme de sa respiration saccadée. Le sport. Elle savait faire. Voilà encore une chose qu’elle se gardait pour se donner fière allure.

Non loin derrière, Faye tenait également la route. Elle essayait de rattraper son amie, mais elle dut attendre qu’elle ait fini son tour pour se hisser à ses côtés. Essoufflée, le chignon défait, la grande rousse chercha le regard de sa copine. Kimi la foudroya sur place. Elle détestait être coupée une fois concentrée sur sa musique :

  • Quoi ? lâcha-t-elle, agressivement, en retirant une oreillette.
  • Ça va ? lui demanda-t-elle d’un ton si intéressé que la blonde s’apaisa.
  • … À ton avis ?
  • Tu veux en parler ? chercha-t-elle à la comprendre, tout en tapant la pointe de ses baskets sur le sol.

Kimi grimaça. L’intérêt de sa copine lui fit du bien après ce qu’il s’était passé avec Laure.

  • De quoi exactement ? De Sky qui se prend pour un Dieu ou de Laure qui me… C’est bon, ça sert à rien, dit-elle en passant ses deux paumes sur son visage. On continue, ensemble ? l’invita-t-elle à la suivre. Sauf si…

Elle jeta un œil furtivement dans son dos : Laure et Nice trottinaient toutes les deux côte à côte. Comme une gazelle, Jena passa devant tout le monde, sa longue queue de cheval s’en allant de droite à gauche. Malgré le conflit avec Kimi, cette dernière n’avait aucunement hésité à lui passer sous le nez. Elle n’était pas du genre à s’occuper des détails entourant les disputes. Si elle voulait courir devant la fille qui lui avait fait le reproche d’être à leur table, elle ne s’en privait pas. L’idée n’était pas de l'ennuyer, mais bien de respecter le tracé de son propre chemin.

Ce ne fut pas compliqué de lire dans l’expression de Kimi son mécontentement et son envie de la dépasser. Elle le prenait comme un défi personnel. La tristesse qui avait gagné son coeur quelques heures plus tôt la refreina.

Faye clarifia sa pensée :

  • Je voulais plutôt parler d’elle… chuchota-t-elle en montrant d’un geste vif la brune, puis en reprenant le pas.
  • … Pourquoi ? Elle m’a rien fait.
  • C’est vrai, répondit Faye en réajustant sa crinière. Mais quand même, ça se comprend que tu sois un peu perturbée par… son arrivée ?
  • Je ne m'y attendais pas. C’est clair.

Le baiser avec Sky brûlait ses lèvres.

Ses paupières se plissèrent.

  • Nous, on la connaissait déjà d’avant. Te tracasse pas trop. C’est vrai que… elle sera sûrement là, de temps en temps, parce qu’avec Sky… Voilà, expliqua-t-elle en cherchant son regard plusieurs fois.
  • Forcément, répondit-elle sèchement.

Ce n’était pas évident de discuter avec Kimi quand elle était dans cet état.

Seulement, Faye s’interrogeait :

  • … Et toi, avec Ulys ?
  • Quoi, avec Ulys ?
  • Il n’y a vraiment plus rien ? tenta-t-elle un sourire.
  • Je l’ai déjà dit. C’est plus du tout comme ça entre lui et moi. De toute façon, lui aussi il…

Kimi ne voulait pas laisser échapper les vilains mots qui lui traversaient l’esprit, mais elle n’en pensait pas moins de la bêtise de son ami. Elle leva les yeux au ciel. Une bien mauvaise idée quand le geste la fit tomber sur l’objet de sa haine discutant avec l’objet de sa tristesse. Entre l’espace délimitant les deux terrains de sport, Sky et Jena discutaient. Ce dernier l’avait interpellée. Bien qu’elle ne les entendissent pas, cette vision agaçait la blonde. Plus encore, elle l’inquiétait, au numéro que lui offrait Jena. Cette fille ne cessait de se tortiller comme un ver. Cela ne dura pas longtemps. Ils devinrent plus sérieux, proches en discutant en toute intimité. Kimi détailla la manière avec laquelle Jena déposait ses mains autour de sa fine taille en hochant de la tête sérieusement. Elle portait un long jegging et une courte brassière qui montrait son ventre super plat. La silhouette de rêve… Kimi n’avait pas grand chose à envier de son côté, mais elle se sentit comme une moins que rien en comparaison.

Ils se quittèrent en bons termes. Elle les suivit discrètement du regard. Du moins, c’était ce qu’elle croyait, car Faye l’observait faire. Après la dispute avec Sky, ainsi qu’avec Laure, et puis son questionnement concernant son ex, elle n’osait pas lui poser de question supplémentaire. Cela ne changeait rien au fait qu’elle pensait depuis un petit moment déjà que Kimi devait avoir le béguin pour le dénommer roi de Saint-Clair.

***

Toc Toc.

L’index déposé sur la porte, Sky attendit derrière, les cheveux encore légèrement mouillés de sa douche.

Jena lui ouvrit, démaquillée, un bandeau relevant sa chevelure en arrière et un ensemble tout doux en guise de pyjama. Les manches tombaient sur ses fins doigts. Elle lui en présenta un, tandis qu’elle gardait l’autre main sur la poignée :

  • Ce n’est quand même pas trés classe de déranger une dame à cette heure-ci…
  • T’abuses, il est vingt-heures.

Il se permit de continuer son chemin jusqu’à l’intérieur de sa chambre.

  • C’est mauvais pour la peau d’être contrariée le soir, déclara-t-elle en refermant derrière elle.

Sky prit connaissance des lieux en ne l’écoutant pas. La pièce manquait encore d’un peu de décoration, mais le lit était déjà recouvert des draps qu’elle avait ramenés de sa maison. Presque tous ses vêtements étaient déjà rangés dans les armoires et les livres mis en place sur le bureau.

  • Tu as pas eu de mal à t’installer à ce que je vois, dit-il en enfournant ses mains dans la poche principale de son sweat.
  • Autant faire les choses rapidement quand on le peut.
  • … Ouais.
  • Installe-toi où tu veux, l’invita-t-elle à prendre place tandis qu’elle s’occupait encore de quelques détails. Tu m’excuses, mais j’ai envie que tout soit à sa place dès aujourd’hui… Dis-moi ? poursuivit-elle en lui tournant le dos pour déposer quelques décos sur sa bibliothèque. Ah, c’est mieux comme ça…

De haut en bas, Sky la parcourut. Il se laissa tomber les fesses en premier sur le bord du lit. Dans sa poche, il triturait ses doigts.

  • Tu voulais me parler de quoi ? se tourna-t-elle à nouveau vers lui, des points d’interrogations dans les yeux.

Il entrouvrit la bouche, puis se pinça doucement les lèvres en réfléchissant. Jena devint plus sérieuse. Elle fit quelques pas vers lui et déposa un regard plus doux sur le dessus de sa tête qu’il garda bien basse.

  • Tu dois t’en douter, mais… j’aimerais bien qu’on discute un peu… de nous, dit-il en se grattant la peau des ongles. Je sais que tu viens d'arriver et que tu aimes bien… prendre ton temps, sauf qu’il faut vraiment qu’on en parle. C’est important.

La poitrine de sa prétendante se gonfla comme une Montgolfière prête à décoller.

  • Comme tu viens de le dire, j’aime prendre mon temps ! Plus que ça, j’aurais bien aimé pouvoir m’installer totalement et profiter pleinement de mon arrivée avant même de devoir parler mariage ou… couple.. Je ne sais pas comment tu vois les choses.
  • Je sais bien, mais…
  • Ma valise est encore ouverte, Sky, lui montra-t-elle d’un geste. Ce n’est pas que je ne veux pas discuter avec toi, mais je viens tout juste de revenir à Saint-Clair.
  • Je sais, dit-il encore d’une voix mi-plaintive, mi-essoufflée.
  • Alors quoi ? Tu t'en fiches ? Parce que tu as décidé qu’on devait en parler maintenant, je dois me… Allez ! s’agaça-t-elle en tapant ses mains sur ses cuisses. Je dois suivre tout ce que tu veux ?
  • Non, mais…
  • Avec moi, il n’y a pas intérêt à ce que tu te prennes pour un roi.

Il n’y avait aucun jugement dans sa voix, simplement un ton qui lui donnait de quoi le mettre en garde. Sky détourna le visage. Il rougissait.

  • T’as honte, hein ? en profita-t-elle pour le vanner.
  • Arrête, se couvrit-il du dos de sa main.
  • Bah, il y a de quoi, mongole.
  • Arrête, je te dis… C’est déjà assez la honte comme ça.
  • Je suis Sky Makes, dit-elle en prenant des grands airs. Et je suis le roi de Saint-Clair ! Agenouillez-vous ! s’exclama-t-elle en faisant de grands gestes et en tournant sur elle-même au milieu de la chambre.
  • Jen ! S’il te plaît !

Morte de rire, elle se laissa tomber au sol et s’installa en tailleurs, près de ses pieds. Elle chipota au lacet de sa basket avant de relever la tête.

  • Qu’est-ce qui t’a pris ? lui demanda-t-elle, toujours en souriant, mais sincèrement.
  • Elle m’agace, laissa-t-il échapper.
  • Kimi, alors ?

Il y eut un silence.

Dès lors, Jena réunit ses lèvres en un cœur, pensive.

  • Tu vois… Moi je crois qu’avant même de parler de nous, de notre avenir, tout ça, lâcha-t-elle en faisant une grimace pour détendre l’atmosphère, qu’il faudrait peut-être que tu me parles d’elle.
  • Hein ? Pourquoi ? se redressa-t-il.

Elle battit des cils plusieurs fois en le fixant.

  • Bah Sky… C’est bizarre. Je connais pas du tout ta relation avec elle, mais…
  • Qu’est-ce que tu racontes…
  • Oh, je vais pas te le faire par quatre-chemins ! Je veux savoir s'il y a un truc entre vous !
  • Non.
  • Réponse trop rapide, décréta-t-elle en gesticulant la tête.
  • T’es chiante.
  • Parce que t’es pas chiant toi peut-être, mister le roi ?
  • Arrête, rougit-il à nouveau.

Sky avait extrêmement honte du comportement qu’il avait eu au réfectoire. Il ne savait pas lui-même ce qui l’avait poussé à réagir de manière aussi démesurée. Jena croisa les bras.

  • J’attends une réponse.
  • Je te dis qu’il y a rien…
  • Et tu me prends pour une cruche. Écoute… Toi et moi, on sait très bien que notre avenir est tout tracé. C’est limite écrit, dit-elle en haussant les épaules, on va se marier, quoi… Dans trois ans ? On est pas ensemble pour le moment et tu as raison, c’est bien d’en discuter, surtout que ça fait longtemps qu’on ne s’est pas vu, mais… Mais pour ça, il faut qu’on se dise les choses… et de manière honnête. Parce que dans tous les cas, on finit ensemble. Alors si entre temps, tu as encore envie de profiter de tes années ici… Moi, je suis pour.
  • Et toi alors ?
  • J’ai pas besoin de mec moi, Sky. Une relation c’est juste un plus, répondit-elle avec une facilité qui le déstabilisa.
  • … Tu pourrais tomber amoureuse…
  • Je ne m’accorde pas ça. Je sais où je vais, déclara-t-elle.
  • Alors pourquoi tu me dis de profiter et de me mettre avec quelqu’un d’autre…
  • Parce que… tu n’es pas moi ? On ne pense pas forcément pareil. C’est simple. Et puis… Tu interprètes les choses comme tu veux.

Il soupira un grand coup.

  • Je suis pas amoureux.
  • Ok. Je veux bien te croire. Mais il y a eu un truc entre vous ?
  • Pourquoi tu…
  • Parce que je veux pas qu’on me prenne pour une conne… Pas encore.

Sky baissa la tête. Il connaissait des choses sur Jena que personne d’autre ne savait. Elle avait souffert en amour, si fort que… Le recul qu’elle avait par rapport à ce sujet en devenait compliqué.

  • Depuis toutes les années que je te connais, et pourtant, t’es vraiment chiant, lui décrocha-t-elle un fin sourire, je ne t’avais jamais vu t’énerver de cette manière. Votre dispute avec Kimi… J’ai senti que c’était fort et…
  • Dis pas ça. C’est juste qu’elle me sort par les trous de nez.
  • … Pourquoi ? lança-t-elle sa question comme une bouteille à la mer. Tu sais que je suis apte à comprendre. Et si pour le moment t’es en conflit de cette façon avec une fille alors que potentiellement demain on se met ensemble… Je veux savoir. Pas pour t’ennuyer, ni pour te faire une crise de jalousie, juste pour que je comprenne ce qu’il se passe. Je ne veux pas me sentir bête. Ça, non, je peux plus.

Si elle s’ouvrait à lui de manière si honnête, Sky ne pouvait que lui dire la vérité. Il se pourlécha les lèvres.

  • On s’est embrassés…

Elle hocha de la tête, acceptant l'information.

  • Deux fois... Tu n'es pas obligée de me croire, mais je t’assure que la première fois, ce n’était pas pour… une raison “romantique” ou quoi que ce soit.
  • Ok, acquiesça-t-elle. Du coup, la deuxième fois, c'était le cas ?

Il se sentit soudainement bête. Sky eut du mal à répondre, mais il ne montra pas sur son visage son embarras.

  • C’était dans le feu de l’action.
  • … Et si demain, dans le feu de l’action... Tu voulais l’embrasser alors qu’on est ensemble, tu le ferais ?
  • Non !
  • Réfléchis moins vite, ça fait peur à entendre.

Jena entoura ses deux genoux de ses bras. Elle s’égara un instant, au croisement de souvenirs douloureux. Les deux finirent par se regarder longuement. Sky se perdit dans la peine qui envahissait ses billes sombres.

  • Non. Je ne te ferai pas ça.
  • D’accord, dit-elle en se relevant. D’accord, mais… Qu’est-ce que tu veux ? Entamer une relation avec elle ? le questionna-t-elle en s’asseyant à ses côtés.

Il prit le temps de penser avant de répondre. Kimi l’avait rejeté. Ils s’engueulaient de plus en plus fort. Son avenir était déjà mis en place depuis longtemps avec Jena : à quoi bon se faire souffrir inutilement ? Et puis, il n’y avait pas de signe du côté de Kimi qui montrait qu’elle l’aimait bien en retour. Cette pensée lui fit plisser le front.

  • Je t’avoue que… je ne sais pas vraiment quoi penser de tout ça. Pour moi, ça n’a pas d’intérêt. C’était juste comme ça… Et je veux voir avec toi comment on voit la suite… Donc, non. Et puis on parle de nos vingt ans, mais tu me vois arriver d’ici trois ans et te dire, bon ok Jena, maintenant on se met ensemble et on fait un bébé ? Déjà, rien que pour ça… Il faudra qu’on s’y prenne un peu avant…
  • Hey ! Secoue pas le cocotier trop vite ! s’exclama-t-elle en lui claquant sa main sur sa cuisse pour le réveiller. Je suis d’accord, mais on n'en est pas encore là. Je t’ai dit que je devais prendre le temps aussi d’y réfléchir. Puis, toi aussi. Prends-le temps de penser à tout ça. Faut que tu sois au clair…
  • Mais…
  • S’il te plaît.
  • … Ok…
  • Casse-toi, maintenant. J’ai autre chose à foutre que regarder ta bête tête.
  • Quoi ? éclata-t-il de rire. Mais je voulais que tu me racontes un peu ton voyage à Tokyo…
  • Oh…

***

“C’était génial ! “, la même expression sortie de la bouche de Faye qui s’allongea dans le lit comme une crêpe. Un drap recouvrait son corps nu.

  • Toujours avec toi…

Alex se pencha pour l’embrasser. Il était encore plus craquant après l’amour, ses mèches volages devant ses beaux yeux bleus. Il ne se rendit pas compte par contre du mal qu’il pouvait lui faire avec certains mots. En tirant un peu plus le drap sur sa poitrine, la rousse évita doucement ses lèvres.

  • Parce qu’il y en a d’autres ? fit-elle en le toisant d’un regard à la fois coquin et chercheur de malice.

Son amoureux savait comment pallier à ses incertitudes. Il glissa un doux baiser dans son cou et remonta ensuite son nez jusqu’au sien.

  • Impossible. J’ai là, dit-il en déposant ses mains sur sa taille au-dessus du drap, la plus belle créature qui puisse exister. Comment même… Est-ce que je pourrai être bête au point d’aller chercher mieux ailleurs… Sachant que ça n’existe pas !
  • Pfff, t’es bête ! le repoussa-t-elle d’abord pour le récupérer entièrement dans ses bras la seconde d’après.
  • Je peux même te le prouver, lui chuchota-t-il au creux de son oreille.

Il ne se lassait jamais du contact de son corps sur le sien, de la peau nue de ses bras l’entourant, du galbe de sa poitrine s’écrasant contre son torse. Alex adorait attraper sa chevelure pleine de boucles, embrasser ses joues, ses lèvres et son nez malicieux, ainsi que de sentir ses doigts à elle se planter dans ses épaules. Il la contemplait comme si elle était le plus beau bijoux au monde. La bagarre dans le lit, qu’ils démarraient par des chatouillis, les amenaient toujours à d’autres guilis. Par le jeu des yeux, ils se comprenaient sur la notion du “encore”. C’était intense. Faye non plus ne voulait jamais y mettre un terme. Elle menait ce combat avec plaisir.

Après le deuxième round, ils se douchèrent pour effacer toute preuve du crime. À la sortie, Faye rassembla ses cheveux mouillés dans un essuie, quand la lucidité d’après ébats la frappa :

  • Je suis quand même inquiète pour le groupe en ce moment, avoua-t-elle, en venant s’installer au bord du lit.

Elle vit à la réaction d’Alex que c’était aussi son cas. Il ne parlait pas inutilement, alors elle attendit sa réponse sans rechigner. Il se rejoua la scène.

  • … Kimi était bizarre, aujourd’hui.

Pourquoi est-ce que parmi tout ce qu'il pouvait mettre en avant, ce fut d’elle qu’il parla ?

  • J’ai l’impression que le retour de Jena la…
  • Bah bien sûr que ça l'a bouleversée !

Alex fut surpris. Elle le vit. Peut-être qu’elle avait répondu de manière un peu rapide et excessive, mais parfois… Elle n’aimait pas tellement la manière dont il parlait de Kimi. Il semblait lui porter un intérêt qui la rendait mal à l’aise. Pourtant, elle avait fait le même constat que lui. En mettant sa jalousie mal placée de côté, elle devait bien avouer qu’en effet, Kimi avait agi d’une drôle de manière.

  • Je peux la comprendre, estima-t-elle alors qu’elle changeait de place pour s’installer au bureau de son chéri.

La longue chevelure de Faye tomba en cascade en même temps qu’elle défit l’essui de sa tête. Cela lui donnait un côté femme fatale pour lequel Alex craquait. Il se leva pour la rejoindre et prit sa main.

  • Comment ça ? la questionna-t-il sur la raison.

Elle se demanda si elle pouvait en parler, mais c’était son amoureux. Puis, inconsciemment, elle avait envie de fermer des portes qui n'avaient pourtant pas lieu de l’être. Juste pour se rassurer.

  • Quand tu craques pour un gars et que tu apprends qu’il est déjà promis à quelqu’un d’autre… C’est un peu comme nous au final, dit-elle le cœur lourd. Nous ne devrions pas…
  • Je veux pas parler de ça, la coupa-t-il. Je n’aime pas.

Faye rougit. Cela la confortait dans son amour pour elle. Gênée, elle se mit à chipoter aux cahiers qu’il y avait sur le bureau.

  • Je n'en suis pas sûre à cent pour cent, parce qu'elle l'a jamais dit, mais j’ai l’impression qu’elle l’aime bien.
  • Qui ? demanda-t-il en jetant nerveusement un œil au cahier.

Dedans, il y avait les premiers essais pour son projet en commun avec sa mère et celles de ses copains.

  • Kimi… avec Sky, ils se chamaillent tout le temps, l’arrivée de Jena l’a rendue…

Elle s’arrêta lorsqu’elle eut tourné les pages qui révélaient des corps de femmes en croquis. Faye se tendit sur la chaise et ouvrit complètement le grand carnet à dessin. Sur leurs formes s’épousaient des sous-vêtements. Alex essaya de rattraper une page qu’elle arracha doucement pour le rapprocher de son visage, comme si elle avait mal vu.

  • C’est… quoi ? lui demanda-t-elle en relevant ses yeux dans les siens.
  • Euh… C’est…
  • Tu as dessiné, ça ? dit-elle d’un ton moins dur qu’il ne l’aurait imaginé, plutôt emplie de curiosité.

La surprise l’avait gagné.

Est-ce que cela voulait dire qu’il pouvait lui expliquer ?

La peur qu’elle ne comprenne pas le rongeait.

  • Mais c’est quoi vraiment ? Dis-moi Alex ? l’accueilla-t-elle avec un sourire, toute étonnée.

Il lui raconta. Faye perdit son sourire. Longuement, elle observa les dessins. Elle les passa ensuite en revue en tournant les pages plus agressivement. Alex, pourtant grand gaillard, commença à se faire tout petit.

  • Ce n’est pas comme tu penses… essaya-t-il de se justifier. Je n’ai pas dessiné ça en me basant sur un modèle devant moi ou…
  • Comment ça, c’est pas ce que je pense ?? C’est pire encore ! C’est Katerina ! Ma belle-mère ! Et tu lui dessines des sous-vêtements ? Pour un projet à la con ?? entra-t-elle dans une fureur.
  • Faye…
  • T’es répugnant, balança-t-elle le cahier à terre en même temps qu’elle prit le chemin de la porte. Vraiment, tu… tu te rends pas compte de ce que tu me fais !!
  • Arrête, je te dis que ce n’est pas…
  • Tu m’énerves. T’as aucun respect… Avec Katerina, quoi. Je veux plus te voir.

Le claquement de la porte l’obligea à se taire. Désappointé, il ne chercha pas à la rattraper. Il prit plutôt la peine de ramasser ses croquis. Une longue douleur lui traversa le torse. Forcément, elle n’avait pas compris. Si pour lui cela représentait l’objet d’heures de recherches pour en venir à l’aboutissement d’une création, pour Faye, ce n’était qu’une autre manière de le voir se rapprocher des femmes. Elle ne pouvait pas l’envisager, alors que lui s’y voyait bien y faire tout un métier.

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