Chapitre 31 : "Comme avant"

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(Changement de couverture)

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Des remords en proue, Alex tenait son téléphone entre ses paumes, le regard cloué sur les détails du tapis. Dans ses mains l’appareil disparaissait. Il aurait souhaité faire de même. De manière générale, l’adolescent prenait de la place par sa taille. Ce cadeau de mère nature comportait de nombreux avantages qui n’incluaient pas la capacité de se faire tout petit.

La conversation avec Sky l'avait secoué. Il comprenait le véritable enjeu derrière ce divorce. Ce n’était pas seulement les parents de son pote qui se séparaient, mais bien le couple de la plus puissante famille Richess. Il garda ceci dans un coin de sa tête avec le fait que sa mère crevait encore d’amour pour Chuck Ibiss. Cette dernière en parlait peu. Alex ne savait si c’était pour le préserver ou par pure fierté, mais il ne s’agissait pas de sa principale préoccupation.

Blear n’avait pas bougé d’un poil. Elle restait droite, coincée dans ses pensées. Quel magnifique regard clair elle possédait. Il fut désolé d’y avoir installé autant de troubles, car si elle restait d’apparence impeccable, un bouleversement intérieur l’animait. Il était lisible sur sa figure qu’elle n’en revenait pas, mais Alex ne lut pas cette réaction avec joie.

Il s’en tint responsable :

  • Madame Makes… l’interpella-t-il en s’écrasant les lèvres, et ce avec succès, car elle le fixa en un coup. Je tiens à m’excuser.

D’un œil avisé sa mère l’observait en silence. Elle devinait à la façon dont il glissa ses doigts sur sa nuque qu’il était sincère.

  • … Pourquoi ? lui demanda Blear d’une mince voix.
  • Ce qu’il a dit. Je suis désolé que vous ayez eu à l’entendre.
  • Pourquoi ? répéta-t-elle, cette fois avec plus d’agitation.
  • Parce que, répondit-il du tac au tac, son front se plissant. Comme je viens de vous le dire…

Il s’interloqua face à sa montée de larmes. Blear étouffa un sanglot en appuyant ses doigts sur sa bouche, embarrassée :

  • Je suis… désolée, dit-elle en essuyant ses yeux. Je ne fais que pleurer. Je gâche tout.

La prise de Katerina sur son genou la réconforta au nom des trois femmes. Cette simple attention permis à Blear de lâcher prise :

  • C’est complètement fou… Il… Il croit que je ne l’aime pas, mit-elle en mots, d’un souffle. Alors que je pensais que c’était lui… qui me détestait.

Son intonation laissait entendre qu’elle était autant heurtée dans ses sentiments que soulagée.

  • Blear… Si je peux me permettre, l’interpella Eglantine, est-ce que je peux te demander pourquoi tu pensais ça ?
  • Car j’ai été trop stricte avec lui, répondit-elle d’un ton évident. Au final, je n’ai que ce que je mérite. Quand on se voit, c’est à peine si on se regarde, expliqua-t-elle à contre-coeur. Si l’on se salue le matin… Et quand nous parlons, on finit toujours par se crier dessus. Je sais que c’est parce qu’il m’en veut de toutes ces différences avec Billy et Lysen et si j’y réfléchit… Je ne peux que le comprendre, conclut-elle, son regard s’évaporant dans le vide.

Elle se vit face à son fils. Face à ce garçon qui ne voyait pas l’amour que sa mère lui portait. Comment guérir cette blessure ? Elle craignait la complexité de cette tâche et l’idée que leur lien fragile s’effrite davantage. Depuis sa place, Marry émit un petit rire qui la sortit de sa torpeur :

  • Qu’en penses-tu maintenant ?
  • … Que je… Que c’est faux, se raidit Blear. Qu’il se trompe. Je l’aime. C’est mon fils. Comment peut-il croire le contraire…
  • Un conseil Blear, sors toi de ça. N’essaye pas de trouver un milliard de raisons. Tu sais déjà ce qui ne va pas, ajouta-t-elle quand elle la vit se tendre. Vous le savez tous les deux. Maintenant il est temps que l’un de vous fasse un pas vers l’autre et je crois que c’est à toi de faire le premier.
  • Elle a raison, appuya Katerina. Cela peut te paraître injuste car vous êtes en conflit, mais rappelle-toi de comment nous étions durant notre adolescence, de comment… on aurait crevé pour l’amour de nos parents.

Alex guetta les réactions. La tristesse qui s’en dégageait le rendit mal à son tour. Il avait de la chance d’avoir une mère telle que la sienne. À son tour, Blear prit connaissance des expressions de ses amies. Eglantine la persuada d’un mouvement léger de paupières. Bien sûr qu’elle s’en souvenait. La différence étant que ses parents ne l’aimaient vraiment pas. Impossible. Elle ne pouvait laisser Sky penser de cette manière. Dans le regard qu’elle remonta, il y avait autant d’appréhension que de détermination.

  • Vous avez raison. Je vais m’en occuper, déclara-t-elle. Il va comprendre… que je tiens à lui… grogna-t-elle avec douceur.
  • Alors je vous conseille de vous accrocher, lâcha Alex qui petit à petit découvrait de la lumière dans ses prunelles.
  • … Alex… dit-elle en tournant la tête et en retenant d’une main sa chevelure qui se mouvait avec grâce.

Elle le détailla avec amusement et retenue. Quand elle lui rendit un sourire, l’arête de son nez se plissa doucement en même temps que ses pommettes s’arrondirent. Cette vision valait autant qu’un séjour avec chambre d’hôtel donnant sur la mer : elle était magistrale.

  • Merci, lui souffla Blear reconnaissante de son geste.

Sous le charme, Alex décocha un signe de tête. Depuis son plus jeune âge, il s’était forgé malgré lui une opinion sur chacun des Richess. Blear Makes lui était toujours apparue comme étant la plus sérieuse d’entre tous. Les fois où il l’avait aperçue à la télévision et à l’occasion dans la vie réelle, il n’aurait cru la voir porter un jour un sourire aussi ravissant. Cela lui fit l’effet de vouloir lui en donner des milliers. Il aimait ça. La beauté d’une femme transpirait par sa joie.

Il se recula dans le fauteuil, chassant son émerveillement, car il était gêné de trouver de l’inspiration chez une femme du double de son âge. Ce que cela lui inspirait ? Passion, amour, séduction… Plus particulièrement, douceur et fascination, concernant une femme aussi froide. Il était étonnant que son sourire l’ait fait fondre. Il voulait décorer ses impressions. Il voyait Blear dans un décor épuré, une brise de vent dans les cheveux, un parfum doux s’en émanant…

  • Pas de problème, répondit-il crûment.

Marry remarqua l’étrange comportement de son fils. Elle le devina touché par la jolie personnalité de son amie. L’envie de l’embêter la piqua. Elle le retint de partir quand il se leva du fauteuil :

  • Oh, si tu veux bien Alex…Reste encore un peu, j’aimerai avoir ton avis sur quelque chose, fit-elle accompagné d’un mouvement qui le poussa à se rasseoir. Katerina, ce serait bien qu’on y regarde maintenant…
  • Ah oui… se redressa cette dernière. Ou peut-être que non ? répondit-elle à l’égard de Blear.
  • C’est vrai, souffla celle-ci. Vous étiez déjà ensemble avant que j’arrive… Qu’aviez-vous prévu ? Je suis désolée, je vous ai coupées dans vos plans.
  • Ne le sois pas. Il y avait plus important, lui lança Kat, suivi d’un clin d'œil. En fait, nous… Je peux ? interrogea-t-elle Marry qui acquiesça. Nous travaillons sur un projet.
  • Un projet ?? s’en alla Eglantine, soudainement enjouée. Et pouvons-nous savoir de quoi il s’agit ?
  • Raconte-leur, je vais chercher mon carnet, lança sa partenaire en quittant la pièce d’un pas pressé.

Dans le salon, tout le monde attendait les nouvelles, Alex se demandant dans quelle situation il s’était empêtré.

  • Je vous ai dit qu’Armin m’avait mené la vie dure après le divorce, reprit Katerina.
  • … Qu’a-t-il fait ? s’inquiéta Blear qui se remettait de ses émotions.

Katerina leva les yeux au plafond, ses narines se gonflant sous une forte inspiration.

  • Il s’est allié à mes parents pour me retirer l’entreprise.
  • Pardon ?! lâchèrent les filles en même temps.
  • … Il n’a quand même pas réussi, j’esp…

L’air sombre qui traversa la Richess permit à Eglantine d’obtenir une réponse. Elle croisa les bras de colère tandis qu’un sourire pinçant s’étala sur les lèvres de Katerina.

  • Ils ne m’ont jamais légué l’entreprise. Nous étions partenaires, mais ils ont gardé la tête. Dans le futur, j’aurai peut-être pu en hériter, mais…
  • Vous avez divorcé et tu t’es remise avec Elliot, la compléta Blear.
  • Tout juste, dit-elle en claquant des doigts. C’est lui qui m’a permis de stabiliser la situation, mais aujourd’hui… Je vous rassure, je suis loin d’être sur la paille, mais je n’aurai bientôt plus de travail. Or, je ne vous apprends rien concernant mes diplômes puisque nous avons toutes quitté l’école en même temps pour reprendre les entreprises familiales. Il me reste au moins mon statut, mais s’ils croient que je ne compte pas m’en servir… Ils se trompent. Il est hors de question que je ne reste à rien…
  • Selim ne m’a rien dit, la coupa Alex.
  • …C’est normal, répondit-elle après un temps. Je lui ai demandé de le garder pour lui tant que je n’avais pas trouvé de solution, donc… Rassure-toi. Il me parle souvent de toi maintenant, devint-elle plus douce.
  • … Je comprends.
  • … Est-ce que tu lui en veux… ?
  • Nan. J’ai juste pas pu être là pour lui…

Cette douce déclaration gagna un peu plus le cœur des mères. Marry débarqua, une sacoche sous le coude, telle une diva. Elle amena son bras le long de l'arche du salon et battit des cils :

  • Aaah, Dieu soit loué, mon fils est parfait, exagéra-t-elle à lui en tirer une grimace. Passons aux choses sérieuses. Puisque Armin a décidé de se retourner contre Katerina… Eh bien, moi je lui ai conseillé d’aller de l’avant. Adieu beau mâle ! Tu avais beau cul, mais que ton âme repose en enfer pour avoir osé tromper ma copine !
  • Marry, rit cette dernière en levant les yeux au ciel.
  • Quoi ? C’est vrai, non ? En tout cas, voici ce à quoi nous avons pensé toutes les deux, dit-elle en sortant un long carnet, balançant la sacoche sur Alex. Tiens chéri. Je ne vous apprends plus que vous avez devant vous la plus grande créatrice de mode de tous les temps, continua-t-elle son numéro qui les rendait hilares. Du moins, pour le moment… Mais là n’est pas la question ! Puisque la première ligne que j’ai sortie concernait des vêtements de tous les jours, expliqua-t-elle en cherchant dans ses pages. J’ai pensé à me diriger vers quelque chose d’un peu plus osé pour la suite. C’est Elliot qui m’a contacté… parce que Madame ici était trop fière, lui jeta-t-elle une pique.
  • Je peux toujours me retirer du projet.
  • Et je te donnerai une pièce dans la rue.

Alex fit les gros yeux face à leur amour vache.

  • Argh ! Ça suffit, je veux savoir ! s’exclama Eglantine qui trépignait d’impatience.
  • Elle nous fait mariner exprès, ajouta Blear qui ne se lassait pas de cette situation.
  • Moi, tout autant que vous…
  • Très bien ! Mesdames… Jeune homme, je ne vous fais plus attendre. Voici donc les premières ébauches de ma marque de sous-vêtements en collaboration avec Katerina Hodaïbi, dit-elle en leur tendant son carnet ouvert au milieu de la table.

Chacune se pencha dessus avec excitation, à l’inverse d’Alex qui resta de marbre. Katerina principalement se saisit du carnet, entourée de Blear et Eglantine. Elle détailla les lignes d’un soutien gorge noir de jais. La forme du bonnet était de prime abord classique, mais le tissu sous le galbe du sein était transparent. Il y avait également des lanières descendantes sur les côtes et qui entouraient celles-ci de manière entrecroisées. Marry se courba pour pointer les différentes variantes du sous-vêtement. Elle fut ravie de reçevoir des compliments et se lança dans des explications quand Blear la questionna intelligemment :

  • Tu l’as pensé pour Katerina ? avait-t-elle deviné.
  • Tout à fait. Je crois même que je ne pouvais rêver mieux comme collaboratrice, car nos deux images collent parfaitement à ce que je souhaitais à la base. J’avais prévu de lancer ma propre ligne de lingerie avec un concept en duo et des produits aux antipodes l’un de l’autre et donc d’engager plusieurs mannequins, mais… Elliot m’a contacté afin de savoir si je n’avais pas de solutions pour Katerina. En discutant toutes les deux, nous en sommes venues à la conclusion que nous devrions unir nos forces pour ce projet. Elle n’a pas été facile en affaires cela dit…
  • C’est vrai ça ? Tu ne t’es pas laissée faire ? la taquina gentiment Eglantine.
  • … Je n’étais pas très à l’aise avec l’idée de poser moi-même pour les photos.
  • En bref, elle a fait sa mijorée.
  • Hé !
  • Qu’est-ce qui t’a convaincu alors ? lui demanda Blear.

Katerina réfléchit un temps.

  • … Mon mari m’a trompé. Ma fierté en a pris un coup, dit-elle avec une pointe d’amertume. Elliot m’a encouragé… car cela fait un moment que je ne suis pas satisfaite de l’image que je renvoie au public. Je veux que le monde voit que je reprends ma vie en main. Ce projet s’annonce comme un challenge, annonça-t-elle ensuite. Mais je suis rassurée de collaborer avec toi, s’adressa-t-elle à Marry. Je sais que cela m’ouvrira de nouvelles portes pour l’avenir et puis, il faut bien que j’assure mes arrières dans le cas où mes parents continueraient à essayer de me racketer, dit-elle avec ironie.
  • Tout est encore à réfléchir, poursuivit Marry en reprenant place dans le plus grand sofa. Pour le moment j’ai imaginé ce haut, avec la petite culotte qui va avec, bien sûr, dit-elle en reprenant le cahier pour en tourner la page. On aurait d’un côté la gamme sombre avec Katerina en effigie et une autre plus solaire, que je représenterai. Je n’ai pas encore de nom de concept, mais il y a une dualité, un jeu de lumière dans ma tête…
  • Solaire, réfléchit ouvertement Blear. C’est vrai que tu es rayonnante, alors que Katerina… Tu es plus sombre, plutôt comme la nuit. Une nuit d’été, précisa-t-elle, les deux femmes se regardant avec complicité.
  • C’est ça ! s’exclama-t-elle en attrapant son bic en main et en tapant le bout contre la table. Je pense qu’il y a quelque chose à creuser dans ce sens là…Créer deux univers différents où chacune à son propre éclairage. Ce serait intéressant de pouvoir les relier par quelque chose…
  • C’est une éclipse quoi.

Le bras étendu au dossier, Alex s’étonna de voir les quatre têtes se tourner vers lui. Épris d’un ennui éternel, il avait stoppé Marry dans ses explications passionnées. Ses gestes en suspens, elle plissa les yeux en même temps que sa mâchoire se serra.

  • Une éclipse… C’est que tu es un génie toi… C’est parfait, déclara-t-elle tandis qu’il levait les deux sourcils. Il faut que je le note, dit-elle en s’exécutant, et dis-moi ce que tu en penses par la même occasion. J’ai besoin d’un point de vue masculin.

En lui adressant le cahier, le bic à côté roula sur la table jusque dans les mains Alex. Il l’avait récupéré par réflexe. En tombant sur le croquis, il préféra d’abord opposer une petite résistance :

  • Je peux savoir en quoi mon avis est important… ?
  • Tu es jeune, mais tu es le seul homme que j’ai sous la main. Et puis, ça t’apprendra à te faufiler dans nos conversations pour nous espionner !
  • … J’ai inventé ça au téléphone, tenta-t-il de noyer le poisson.
  • C’est ça, bien sûr. Tu ne me le feras pas, c’est moi qui t’ai pondu mon petit lardon ! Alors ne soit pas timide.

Du bout des doigts, Alex ramena le cahier davantage vers lui, tout en soupirant. A l’aide de son pouce, il cliqua plusieurs fois sur l’enclencheur de la mine du bic. Il finit par se prendre au jeu et analysa le dessin en prenant de la hauteur tandis que Marry l’observait lui.

  • Mouais… Pas mal, lâcha-t-il d’un ton nonchalant.
  • Pas mal ? répéta sa mère dont les yeux s’agrandirent.
  • … J’aurai pas fait ça comme ça, dit-il en faisant aller le bic entre ses phalanges. Je pense que… - son pied se mit à gigoter - ... C’est pas le plus adapté pour vous, enchaîna-t-il en continuant de fixer le dessin, mais en faisant référence à Katerina.
  • Tiens donc, et qu’est-ce que tu y connais toi à la lingerie ? le chercha Marry en croisant les bras.
  • … Ah. Hum, sourit-il doucement. Tu m’as demandé mon avis, non ? Moi, je n’aurai pas mis le transparent en dessous de la poitrine. Ça donne un côté… Un peu trop sportif, comme une brassière.
  • Je suis partie sur l’idée de garder une image de confort malgré le côté sexy des lanières…
  • Je ne trouve pas ça sexy, la coupa-t-il. Non, je trouve que ça donne un côté trop lisse et simple. J'enlèverai les lanières ou alors je les ferai moins longues, détailla-t-il en s’accoudant à la petite table et crayonnant sur le dessin.
  • Eh bien, je t’en prie… Je rigole, l’arrêta-t-elle en le voyant lever le bic de la feuille. Toute proposition est bonne à prendre, mais j’ai confectionné ce modèle pour qu’il soit en accord avec le style de Katerina.
  • Raison de plus.

Depuis le fauteuil opposé, avachi vers l’avant, Alex releva son regard sur Katerina.

  • Pour vous, il faut quelque chose de plus…

Il devint perçant quand il détailla chaque partie de son corps. De sa longue chevelure noire à ses jambes allongées et du grain de sa peau claire à ses lèvres. Il s’arrêta sans aucun tact sur sa poitrine.

  • ...De plus séduisant. Il y a quelque chose chez vous d’assez… enivrant. C’est vrai que vous êtes sobre au premier abord, mais j’imagine très bien pourquoi un homme rêverait de voir ce qu’il y a là en dessous.

Une violente rougeur s’étala sur les joues de la concernée. Décidément, ce gamin ne pesait pas ses compliments. Blear et Eglantine se lancèrent des signaux, surprises.

  • Alex… Voyons, le reprit gravement Marry, embarrassée.
  • Ça va. Je ne fais que donner mon avis, balança-t-il en griffonnant. Je ne peux pas penser à des sous-vêtements prévus pour une femme en particulier sans observer ce qu’il y a d’exaltant chez elle. Autant ne rien dire, dans ce cas. Je crois que ce serait mieux de faire traverser le transparent au milieu du bonnet. Donc, suivre la courbe et se serait magnifique de croiser des lacets en…Comment ça s’appelle déjà… ? Ah oui, en soie, au-dessus de la partie transparente. Personnellement, ce qui m’attire dans la lingerie, c’est le fait de voir le strict nécessaire.
  • … Que veux-tu dire ? demanda la confectionneuse qui voyait son dessin prendre une toute autre tournure.
  • …J’aime voir ma partenaire dans un bel ensemble, parce que… dit-il en imitant le mouvement d’une silhouette, ça fait partie du jeu de séduction. En cachant les parties convoitées et en sublimant les courbes, forcément, je vais vouloir la rejoindre et découvrir ce qu’il y a au-dessous. Dans ce sens là, je trouve qu’il manque de la dentelle et que les bretelles sont trop simples. J’ajouterai quelque chose. Pour une belle femme comme vous, revint-il à Katerina, il faut quelque chose de sombre, ouais, mais qui attrape l’oeil directement. Quelque chose de sophistiqué… Enfin, voilà… Ou… pas…

Soudainement ramené à la réalité par le mutisme de son auditoire, Alex lâcha le bic. Il prit un recul important, une sensation de malaise grandissant dans son ventre. Il n’aurait jamais dû divaguer autant. Marry gardait une mine sévère.

  • Intéressant. Bien, fit-elle en décrocha ses doigts de son menton pour refermer le carnet. Je veux trois idées pour le week-end prochain, enchaîna-t-elle en le plaçant entre les mains de son fils, telle une patronne.
  • … Quoi… ?
  • Tu as carte blanche, mais essaye de t’inspirer du concept. Il y a des livres sur les sous-vêtements sur le bureau de mon atelier si tu as besoin de précisions, l’invita-t-elle à se lever d’un geste. Je compte sur toi.

Debout, le cahier sous le bras, Alex la dévisagea, les traits serrés. Il resta figé de longues secondes. Le doigt sur la tempe, Marry leva ses yeux bleus mesquins sur lui.

  • Je te conseille de profiter de ton après-midi pour commencer à bosser dessus… Ou en serais-tu encore au stade de l’ado qui ne se contrôle pas face à la vision d’un simple soutien-gorge ?

Juste un instant, le nez d’Alex se rétracta. Elle verrait. Mais c’est précisément ce qu’elle cherchait : découvrir l’étendue de son potentiel. Plus indirectement, de sa poésie. À la manière dont il se retira, scannant subtilement son modèle une dernière fois, elle fut convaincue qu’il avait au moins la fibre.

  • C'est quelque chose, ton fils… lâcha Katerina qui avait l'impression de s’être enfin libérée des filets d’une plante carnivore.
  • Un vrai Stein ! s'en alla joyeusement Eglantine.
  • Oh ça ! À qui le dis-tu ? plaisanta Marry en retour. Il doit en faire craquer des dizaines…
  • Tout comme sa mère, ajouta Blear. La femme qui aura même fait succomber Chuck Ibiss.
  • Ah… ça, répondit-elle en enroulant une boucle autour de son doigt, un sourire incontrôlable, mais infime se glissant sur ses lèvres. Dis-moi, Blear… L’idée m’avait traversé l’esprit, mais que dirais-tu de te joindre à nous pour ce projet ? Je crois que j'adorerai avoir un partenariat avec les bijouteries Makes pour cette collaboration. Qu’en penses-tu, Kat ?
  • Je n’y vois aucun problème. C’est même une idée fantastique. Trois Richess sur le même projet, il ne manquerait plus qu’Eglantine pour que cette collab soit parfaite. Ne peut-on pas lui trouver une petite place ? proposa-t-elle en cherchant la complicité de sa meilleure amie.
  • J’aurai été ravie, annonça cette dernière. Mais pour être honnête, je préfère me consacrer entièrement à mes projets actuels.

Sa réponse, pleine de sous-entendu, interpella les trois Richess. Elle fut déviée par la prise de parole de Blear vis-à-vis de Marry. Elle avait déjà fait le point dans sa tête.

  • Je pense que cette proposition tombe à pic, j’accepte avec plaisir, mais à une condition…
  • Je t’écoute… ?
  • Il se passe quelque chose avec Chuck, non ? demanda-t-elle d’un grand sourire qui montrait qu’elle avait déjà tout compris. Oh, Marry ! Tu mens ! s’exclama-t-elle quand cette dernière nia en déviant son regard. Je t’ai vu sourire il y a quelques secondes !

Cette dernière cacha sa honte passagère dans ses mains. Elle ne résista pas longtemps aux regards curieux de ses copines.

  • Nous avons… peut-être… remis le couvert, avoua-t-elle en chassant sa chevelure dorée.
  • Quoi ! s’en allèrent Katerina et Blear qui s’en levèrent de leurs sièges.
  • Ce n’est pas possible, lâcha Kata. Ne sois pas si fière !
  • Je ne le suis pas ! dit-elle en rigolant.
  • A peine… !
  • … Et où en êtes-vous ? demanda Blear qui n’en revenait pas.
  • C’est… compliqué. Nous ne nous sommes plus revus…

Pendant qu'elle débutait ses explications, Katerina remarqua qu’Eglantine n’avait pas été si surprise que cela. Elle la trouva étrange et chercha dans ses yeux la réponse à son état.

  • Tu ne dis rien… ? l’interrogea-t-elle, curieuse. Tu t’en doutais ? demanda-t-elle quand elles se sourirent mutuellement.
  • Oh non, ce n’est pas ça. C’est juste que… Je remarque que nous en sommes… plus ou moins au même point qu’il y a quinze ans.
  • … Que veux-tu dire ? poursuivit Katerina, attirant l’attention de Marry et Blear.

La façon dont son amie poussant ses lèvres l’une contre l’autre lui mit la puce à l’oreille.

  • Avec Michael… ? Vous aussi… vous… ?
  • Oui.

Alors que cette fois Marry s’ajoutait à la surprise, entourant le bras de Blear, les traits de Katerina se serrèrent :

  • Tu plaisantes, j’espère ?

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