chapitre 34

5 minutes de lecture

Après s’être accordé quelques heures de sommeil, à Florence, les deux vieilles dames entrèrent en même temps dans la chambre où Évelyne lisait :

— Paulette ! Mais… comment ? Adelina, c’est toi qui… ?

Intreloquée, Evelyne les fixa tour à tour.

— Vous êtes sûres que personne ne vous a suivies ?

Immobile, raide comme la justice, Paulette ne laissait transparaître aucune émotion, sous l’attention admirative d’Adelina. Elle exigea :

— Évelyne, dis-nous ce qui s'est passé cette nuit-là.

Visiblement ébranlée par leur froideur, celle-ci obtempéra. Son regard plongea dans le vide. Une faible voix s'éleva :

— Il était tard. J’écoutais de la musique. Cécile est passée me voir à l’improviste.

Evelyne releva les yeux vers Adelina, elle expliqua :

— Cécile est...

— Je sais qui est Cécile. je suis allée en France, J'ai parlé avec Etienne, avec les Quenaille et avec Paulette. Comme elle, j'attends que tu t'expliques. Pas parce que tu me le dois, mais comme une marque de confiance.

Evelyne s'affaissa.

— Cécile n’en pouvait plus de ses parents, elle est sortie en cachette de chez elle. Ça arrivait quelquefois. Ils n’aimaient pas qu’elle traîne avec moi au château. LP m’avait laissé un peu d’héro pour le soir. On a partagé, mais on n’en avait pas assez, on voulait s’éclater.

La honte s'afficha sur le visage d'Eveline. On aurait dit qu'une douleur la traversait. Avant Qu'Ade réagisse, elle se reprit :

— Je savais où il cachait la came. Et la clef aussi. J’ai pris un flacon de LSD. Je me suis dépêchée de tout refermer. Avec les cachets, on a tout de suite compris que quelque chose n’allait pas. C’était trop tard. Quand je me suis réveillée, j’étais à Piombino. Elle était morte et j’étais recherchée par la police.

— Qui t’a dit cela ?

— Je ne sais plus, quelle importance. Vincent, je suppose. C’est le seul que j'aie revu ensuite. Avec toi, Ade.

— Oui, mais moi je ne savais rien de tout ça. Ce que je sais maintenant en revanche, c'est que tu es enterrée dans un sarcophage, dans la chapelle du château de Lascours, et que personne ne te recherche, puisque tu es morte d'une overdose.

Pauvre Évelyne, elle parut assommée, incapable d'appréhender ce qu'elle venait de lui dire. Adelina aurait dû prendre des gants, mais elle était trop énervée pour cela.

Elle laissa les deux femmes en tête à tête, descendit se cloisonner dans son bureau. Son premier appel fut pour Elizabeth.

— Allo ?

— Elizabeth, ici Adelina Sanpierri. Dites-moi, qu’est-il écrit dans l’acte de décès exactement ?

Elizabeth lui en donna lecture :

— ... décès constaté à 6 h 25 au château de Lascours, Laudun, par le docteur Mouton…

— Répétez-moi cette partie s’il vous plaît, je note.

— Mais qu’est-ce que…

— Je vous expliquerai en temps voulu. Maintenant, réfléchissez bien. Étiez-vous au courant de l’accident avec son amie Cécile, avant qu’Évelyne ne vous en parle elle-même ?

— Adelina, que se passe-t-il ? Comment savez-vous cela ?

— Répondez s’il vous plaît.

— Non ! Non bien sûr que non. C'est Evelyne qui m'a raconté...

Elle se rendit compte de sa maladresse et entreprit de s'expliquer :

— Madame Sanpierri... Adelina... je ne pouvais rien vous dire. Elle m'a raconté tout cela alors que nous étions saoûles, à Cecina avant Noël. Je suis désolée...

Adelina la coupa :

— Là n'est pas la question.

— Qu’est-ce que cela change ? Elle va bien ?

— Elle va bien.

— Vous me faites peur. J’arrive !

Elles raccrochèrent en même temps. Elle venait, elle aussi. Soit.

Le second appel fut encore plus rapide :

— Vincent, c’est moi. J’ai besoin que tu me rejoignes à la maison. Oui, tout de suite, c’est urgent. Non, je ne veux rien te dire au téléphone. À tout à l’heure.

Elle était consciente de l’avoir affolé, mais elle n’avait pas la patience de mettre les formes.

Elle essayait de concevoir l’histoire telle qu’on la lui avait racontée : Évelyne et Cécile perdant connaissance après avoir pris… quoi ? Qu'est-ce que c'était que ces cachets au goût bizarres dont avait parlé Evelyne ?

À propos de ce qui était arrivé ensuite, les versions divergeaient. Celle des Quenaille : Louis-Paul trouvant Évelyne morte, appelant le médecin. La rumeur à Lascours : Cécile en fuite, coupable de la mort de la Comtesse. Paulette : les Quenaille, tuant Évelyne pour l’héritage… Enfin, l’explication que Vincent lui avait fournie l’année précédente : Louis-Paul avait découvert Évelyne inconsciente et l’avait appelé pour qu’il vienne la chercher et il la fasse soigner.

Y avait-il une personne enterrée dans la chapelle du château, une personne qu’on aurait fait passer pour elle ? La fameuse Cécile ?

Adelina remonta dans la chambre. Sur le lit, Paulette tenait la tête d’Évelyne au creux de son épaule. Sans entrer, elle les prévint :

— Elizabeth est en route, Vincent aussi. Retrouvons-nous à deux heures au salon. Mimi a préparé une collation, que vous prendrez où bon vous semble d’ici là. Je serai dans le bureau du comte. Je souhaite qu’on ne me dérange pas.

Elle passa à la cuisine pour demander à être servie au bureau et décrocha une troisième fois le combiné. La voix de Mario retentit :

— Comtesse ! On découche ? Mon ami de Nice m’a rapporté que tu n’avais pas mis les pieds dans son hôtel, contrairement à ton chauffeur. Je suis sûr qu’il avait préparé champagne et corbeille de fruits à ton intention, en échange de quoi il espérait que tu lui accordes une photo. Une véritable aristocrate pour trôner sur son mur, au milieu des starlettes de cinéma. Qu’est-ce qui t’amène ma belle ? Je te le dis, en fançais, « Je suis ton  chevalier servant. »

Adelina patienta, habituée à sa logorrhée, et résista à la tentation de minauder.

— Je vais te raconter une histoire…

— La nôtre, j’espère. Enfin !

— … une histoire qui devra rester entre nous. Et te demander ce que tu en penses. Et si tu crois pouvoir m’aider. Tu es prêt ?

— Je me pâme d’avance devant tes talents de conteuse, Comtesse des mille et une nuits. Juste le temps d’attraper mon carnet pour noter… Voilà. Je suis tout ouïe.

Elle lui fit part de ses maigres découvertes, lui raconta comment les événements s’étaient enchaînés, jusqu’à la confrontation imminente qui se préparait chez elle.

— Bonne idée, Miss Marple !

Elle se surprit à rire.

— Très bien, ris. Détends-toi un peu, tu me sembles à bout de nerfs. Si je récapitule, tu me dis que ta protégée et son amie ont fait une overdose. L’amie est morte. Évelyne a été emmenée en Italie et soignée. On a fait passer l’amie pour elle.

— Ce n’est pas ce que j’ai dit !

— Mais c’est ce que tu imagines… et c’est la déduction la plus logique, sweet Marple !

— Il me semble, oui.

— Bon. Si tu veux savoir ce que j’en pense comme ça, à chaud, il me semble qu’ils ont super mal joué leur coup. Ils auraient dû appeler la police, un bon avocat aurait plaidé l’accident, elle aurait fait un peu de prison, mais pas beaucoup. Là, avec un corps qui n’est pas le bon, la fuite, les probables faux-témoignages… sans compter la bourde du médecin qui n’a pas déclaré la bonne morte, ça fait beaucoup ! Je vais réfléchir, mais vraiment, je ne vois pas trop ce que tu pourrais faire pour rescussiter ta prtégée. Je vais fouiner un peu de mon côté. Tiens-moi au courant, Adelina mia.

L’entretien avec Mario l’avait soulagée. Elle se sentait l’esprit plus clair. Miss Marple, en effet. Elle attaqua son repas froid avec appétit.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 6 versions.

Vous aimez lire carolinemarie78 ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0