Chapitre 7

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Vendredi, 21h48, appartement de Katherine.

« J’y vais. »

Adossée à l’encadrement de la porte, Katherine salua son frère avec un hochement de tête et lui souhaita une bonne route. Cédric l’avait informée qu’il avait été envoyé par son patron pour régler une affaire de dette ; une agence avait emprunté un peu d’argent à la société, mais n’avait toujours rien remboursé. Il lui avait également dis que cette histoire se clôturerait facilement, cependant, il ne s’attendait pas à ce que l’emprunteur soit aussi borné. Son séjour de trois jours devint donc un séjour de presque une semaine, un cauchemar pour la jeune peintre qui avait de plus en plus de mal à supporter la présence de son frère chez elle.

Lorsqu’il sortit de l’appartement, Katherine se précipita sur sa fenêtre qui donnait sur la route. Elle aperçut rapidement la silhouette de Cédric qui attendait son chauffeur en pianotant sur son téléphone. Après ce qui semblait être une éternité pour la jeune femme, la voiture arriva enfin et elle resta scotchée à sa fenêtre jusqu’à ce que le véhicule disparaisse dans un tournant. Sans crier gare, elle courra presque dans sa chambre et se changea à une vitesse grand V. La blonde prit ses clés et son sac, ferma la porte de son appartement et longea les rues londoniennes. Sa destination ? Le bar Freddy.

Vendredi, 18h34, bar Freddy.

Presque une semaine qu’elle n’avait pas mis les pieds dans ce bistrot, presque une semaine qu’elle n’avait pas vu ses amies. Katherine eut du mal à se l’avouer, mais Kaylani et Karen lui manquaient atrocement, elle s’était habituée à leurs présences et ne plus les avoir autour d’elle, à l’écouter se plaindre, avait étrangement créé un vide dans son cœur.

Ce fut en inspirant un plein poumon qu’elle pénétra à l’intérieur du bar et elle fut à peine entrée qu’une odeur d’alcool vint chatouiller ses narines. La musique battait déjà son plein, c’était logique, après tout c’était un vendredi. La majorité des clients présents sur la piste de danse était de jeunes étudiants, qui se déhanchaient d’une manière que Katherine n’arrivait pas à expliquer. Les tables, toutes complètes, étaient prises par des personnes un peu plus âgées ; des trentenaires ou quarantenaires. Katherine ne s’attarda pas sur eux et se dirigea machinalement au comptoir où elle eut du mal à se trouver une place. A peine s’était-elle mise à l’aise que Josh lui sauta dessus :

« Une revenante ! Cria-t-il pour qu’elle puisse entendre. Ça fait un bail qu’on t’a pas vu dans le coin, où t’avais disparue ? »

Face à tant de familiarité, Katherine le regarda d’un air outré ; depuis quand étaient-ils proches, lui et elle ? A ce moment, Josh ignora son expression et se contenta de lui annoncer que Karen était occupée de l’autre côté du bar et qu’il gérait ce côté-ci.

« Qu’est-ce que tu bois ? Demanda le barman.

-Je ne sais pas. Répondit la jeune blonde, toujours inconfortable par le ton employé du jeune brun. Je ne suis pas venue boire quoi que ce soit, mais puisque Karen est occupée, je reviendrais demain.

-Quoi ? Mais attend, t’enfuis pas comme ça. Ma compagnie est si malaisante que ça ?

-Hum…Je n’aime pas le fait que vous soyez si familier avec moi alors que nous nous ne connaissons même pas. Hésita-t-elle.

-Désolé, mais j’ai du mal à vouvoyer les gens. Je m’appelle Josh Stevenson, maintenant que tu connais mon nom, je ne suis plus un inconnu.

-Katherine, Katherine Leavy, enchantée monsieur Stevenson.

-Arrête, j’ai l’impression de jouer dans un film qui date du 17 e siècle. Tu sais, ceux qui portaient un accoutrement collant et que si, moi je le porte, je m’arracherai la peau tellement ça gratte. »

La jeune femme le regarda un instant avant de pouffer en mettant sa main sur sa bouche. Maintenant que Josh réussit à détendre l’atmosphère, il lui demanda une nouvelle fois ce qu’elle désirait boire, Katherine lui répondit qu’elle voulait quelque chose de nouveau, mais pas trop fort.

« J’ai ce qu’il te faut. »

Le jeune homme s’en alla un peu loin pour concocter la collation de la bourgeoise. Cette dernière le regarda faire et fut impressionnée par son jeu de mains, il jouait avec la bouteille d’alcool comme si ce n’était qu’un vulgaire jouet. Si Karen était surnommée « la psychologue », Josh était « l’enchanteur ». En effet, le barman jonglait avec les verres et les bouteilles, divertissant ainsi ses clients. Le jeune homme revint vers Katherine et lui tendit un verre emplit d’un liquide étrangement bleu.

« Une de mes créations, je n’ai pas encore trouvé un nom adéquat. Dis-moi ton avis là-dessus. Oh et j’ai prévenu Karen de ton arrivée, elle te rejoindra bientôt.

-Merci.

-Une revenante ! S’écria une voix aigüe derrière elle. »

Katherine n’avait pas besoin de se tourner pour reconnaître la voix de Kaylani. Cette dernière avait la moitié du visage caché sous son écharpe rouge et ses yeux la transperçaient. Sachant pertinemment la raison de ce regard menaçant, Katherine s’excusa sur le champ et invita son amie à s’assoir auprès d’elle.

« Mon frère a passé quelques jours chez moi à cause du travail. En fait, c’était prévu qu’il ne reste que trois jours, mais il y avait eu des complications.

-Mais qu’est-ce que ton frère à avoir avec nos sorties ? Demanda la brune, perplexe, mais surtout avait du mal à entendre Katherine à cause de la musique forte. »

La jeune peintre hésita quelques secondes et se demandait si c’était raisonnable d’étaler sa vie personnelle. Certes, elle l’avait informée de ses déceptions amoureuses, mais ce n’était point la même chose, on parlait d’un cas de famille. C’était bien plus profond et délicat, néanmoins, Katherine ne voulait pas paraître hypocrite en dévoilant la moitié de la vérité. Et si Kaylani ne la croirait pas et cesserait de lui adresser la parole ?

« Et bien…Hésita-t-elle devant le regard insistant de son amie. C’est un peu difficile à expliquer, mais en termes plus simples, mon père m’a instaurée un couvre-feu à respecter et puisque mon frère est venu sans prévenir, il n’a pas accepté le fait que je rentre tard chez moi.

-Ca existe toujours ce genre de mentalité ? S’intrigua Josh qui avait écouté toute la discussion.

-Depuis quand tu t’intéresses à la vie de tes clients, toi ? Dit Kaylani d’un air blasé.

-J’étais juste de passage. Se défendit le jeune homme en levant ses mains en l’air.

-M’ouais…Mais je partage son avis, je peux comprendre que tu fasses partie d’une famille de riche, mais tu trouves pas que c’est abusé ? Tu as quel âge ? 22 ans ? Tu es majeure et vaccinée, t’as plus besoin de tes parents pour vivre !

-Ils restent ses parents. Retentit la voix de Karen qui venait d’apparaître près du barman, ayant entendu les propos de la brune.

-Et aussi, ce sont bien mes parents qui paient le loyer et m’envoie de l’argent chaque fin du mois. Alors si, j’ai besoin d’eux pour vivre.

-Tu ne veux pas travailler ? Tu sais, on pourrait parler au proprio pour te trouver une place. Suggéra Kaylani.

-Mes parents sont contre l’idée qu’une femme puisse travailler…Enfin, ils préfèrent un métier qui peut se faire à la maison. Poursuivit-elle en voyant l’expression étonnée des employés de Freddy. »

Kaylani soupira en levant les mains en l’air et abandonna l’idée d’essayer de comprendre la vie de la pauvre Katherine. La brunette jeta un regard vers ses collègues qui le lui rendirent ; ils étaient d’accord sur le fait que les parents de la blonde étaient non seulement stricts, mais encore renfermés et frustrés. Ne trouvant rien à dire pour égayer l’atmosphère, Josh pris congés et partit servir les nouveaux arrivants. Quant à Karen, elle prévint les deux jeunes femmes qu’elle aura une pause dans plusieurs minutes et pourront ainsi finir leur discussion.

Tandis que la barmaid voguait à ses occupations, Katherine et Kaylani discutaient de leurs examens qui approchaient à grand pas, mais aussi de la semaine de répit qui les aiderait à se reposer. Cependant, Katherine informa la brune qu’elle serait obligée de retourner chez elle parce que, à chaque festivité, sa famille organisait un dîner suivis d’une soirée.

« Ça doit être amusant !

-Pas du tout. Protesta la blonde. Je n’aime pas m’y rendre, l’ambiance hypocrite qui y règne me donne la nausée, surtout si ma famille de France y participe.

-Ta famille de France ? Demanda Kaylani d’une voix sceptique.

-J’ai des cousins éparpillés un peu partout en Europe, notamment la France. Mon frère est même fiancé à une de nos cousines éloignées qui vient de Slovaquie. Nos grands-parents insistent à nous marier entre nous afin de préserver le gêne familial.

-Waw ! J’ai l’impression de lire un livre qui date du 15e siècle. Donc…Qu’arrive-t-il à ceux qui se marient à des « intrus » ? Ils sont méprisés, héhé ?

-Reniés de la famille et n’auront plus aucun droit d’héritage.

-Ah carrément ! Franchement, j’aimerai pas faire partie de ta famille.

-Haha ! Crois-moi, il y a seulement ma famille qui aime ma famille. Plaisanta Katherine en riant, suivie de la brune. Toutefois, elle s’arrêta sec en se souvenant d’une scène épineuse. Ou peut-être pas…

-Katherine, ça ne va pas ? »

La concernée leva ses yeux vers Kaylani qui avait une mine inquiète. Ce fardeau qu’elle portait depuis quelques mois sur ses épaules, devait-elle le lui avouer ? C’était plus facile avec Karen, puisqu’elles se connaissaient depuis longtemps, la blonde n’avait pas du mal à tout lui raconter. Mais avec Kaylani, c’était différent. Elle se demandait toujours si elle pouvait lui faire confiance, si elle ne tournerait pas ses plaintes contre elle un jour.

Ce fut en posant une main sur celle de Katherine que cette dernière chassa rapidement ses doutes. La brune la gratifia d’un sourire rassurant et lui faisait comprendre avec un simple regard qu’elle ne cherchera pas plus loin. Oui, Kaylani était persuadée que la jeune peintre viendra à elle en temps voulu, et ce jour-là, elle lui ouvrira grand les bras.

Lesdeux amies changèrent rapidement de sujet avant d’être rejointes par une Karen épuisée. Cette dernière leur annonça sa pause et les invita à la suivre à l’arrière-boutique. Passant par la cuisine, la barmaid prit quelques encas avec elle, invitant Katherine et Kaylani à faire de même ; le chef était un très bon ami à Karen, il lui laissait toujours des plats de côté au cas où elle aurait une soudaine envie de manger, gloutonne comme elle est.

Arrivées derrière le bar, Katherine fut surprise de découvrir une table nappée d’une toile rouge clair, où était posé un petit bougeoir en métal qui supportait une bougie jaune. Karen posa les plats sur le meuble et l’alluma à l’aide des allumettes mises en-dessous de la table. Noyée dans sa contemplation, Katherine ne remarqua pas Kaylani déposer une brique à côté d’elle ainsi qu’à côté de Karen.

« Oh ! Fit la barmaid en se rappelant soudainement d’une chose et se tourna vers la blonde. Je vais te ramener une chaise.

-Pardon ? Répondit simplement Katherine en sortant de sa léthargie et comprenant ce qu’elle insinuait, elle l’arrêta. Je t’en prie, ce n’est pas un crime si je m’assois sur une brique.

-Dis-toi que c’est une expérience. Plaisanta Kaylani, prête à entamer son dessert au chocolat. »

Karen haussa les épaules et regarda la jeune peintre essayer de soulever la brique pour la rapprocher de la table, en vain. Elle ne put s’empêcher de rire face à la faiblesse des bras de la bourgeoise et s’approcha d’elle, lui demandant de la laisser faire. Katherine obtempéra sans dire un mot. La tête baissée et les joues en feu, elle détourna la tête, puis remarqua des outils de maçonnerie. Intriguée, elle observa les murs de l’arrière-boutique et vit qu’ils étaient à moitié bâtis.

« Le bar est en plein renouvellement, le directeur voulait un peu de changement. Déclara Karen avant d’enfourner une bouchée de son plat salé. »

La blonde ne dit rien et se contenta de rejoindre ses amies.

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