Chapitre 5

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Une fois dehors, les deux jeunes femmes restèrent quelques minutes avant de fermer la porte du bar. Nullement fatiguée par sa journée, Kaylani n’était pas enchantée à l’idée de retrouver son studio sens dessus dessous. Ayant révisé tôt le matin même, elle avait oublié de ranger ses affaires, de ce fait, ses bouquins et polycopiés étaient éparpillés un peu partout dans sa chambre, ses habits sales n’étaient pas encore passés au lave-linge tandis que sa vaisselle du petit-déjeuner l’attendait dans l’évier. A contrario, Katherine se pressa de la saluer et de rentrer chez elle.

Ce fut en inspirant profondément qu’elle sentit le vent souffler, il était plus froid que les jours précédents. Kaylani leva les yeux vers le ciel et constata que les étoiles n’étaient plus visibles, camouflées par les nuages gris. Octobre touchait à sa fin et dans quelques jours, ils célébreraient Halloween. Loin d’être excitée pour cette fête traditionnelle, ce fut plutôt la semaine de congé que lui offrira l’université. Une semaine de pure détente et de relaxation. Par chance, vivant au cinquième étage, elle ne se fera pas déranger par les enfants déguisés en personnages soi-disant effrayants. Les films d’horreurs ne faisaient ni chaud ni froid à Kaylani, au contraire, elle les appréciait énormément.

Sortie de ses songes par une sonnerie de téléphone, la brune remarqua péniblement qu’elle était encore devant la devanture du bar. Soufflant un coup, elle empoigna son cellulaire tout en entamant son chemin vers son studio. Ses lèvres s’étiraient en un sourire tandis qu’elle lisait le nom de son copain s’afficher sur l’écran.

Mercredi, 1h12 du matin, bar Freddy

Quatre heures que Karen conversait avec ce client. Depuis le départ de ses amies, elle lui posait des questions concernant son travail de chocolatier. Malgré la discussion entrecoupée à cause des commandes d’autres consommateurs, ils gardaient le fil du dialogue et petit à petit, après plusieurs boissons alcoolisées, Alistair étalait sa vie personnelle à la barmaid. Cette dernière l’écoutait attentivement pour mieux lui répondre, si elle voulait fidéliser un client en une nuit, c’était la meilleure solution. Peut-être serait-elle récompensée avec une prime ?

« C’est pour ça que ma femme m’a trompée. Déclara le brun, complètement saoul. Elle disait que je passais trop de temps à l’usine et n’a pas attendu que j’ouvre la boutique pour tout quitter. Tu te rends compte ? Dix ans d’amour, six ans de vie commune et quatre ans de mariage pour qu’un homme plus friqué fasse son entré et fait tourner la tête de ma femme.

-D’après ce que j’avais compris, vous avez divorcés il y a maintenant deux ans. Dit Karen en remplaçant la bouteille de bière vide de son client par une nouvelle. Pourquoi vous acharnez-vous sur cette relation finie depuis des années au lieu de faire un pas en avant ?

-Ce n’est pas possible…Je n’arrive toujours pas à croire que toutes ces années ensemble n’ont aboutie à rien. Marmonna Alistair avant de boire sa bière.

-Vous savez ce que je pense ? Que vous vous prenez la tête pour rien et aussi que vous n’arrivez pas à oublier tout simplement parce que votre ego en a pris un coup. Clarifia Karen, accoudée sur le comptoir.

-Vous êtes psychologue maintenant ?

-J’aurai aimé…Répondit-elle sur un ton rêveur.

-Pourquoi vous ne l’avez pas fait ?

-Des complications, je vous serre une autre ? Proposa la barmaid en remarquant que sa bouteille était déjà terminée.

-Non…Non, je crois que je vais rentrer. »

Sur ces mots, Alistair se leva du tabouret et faillit trébucher si Karen ne l’avait pas retenu par le bras. Elle le rassit et alla appeler un taxi, vu son état, il était incapable de rentrer chez lui seul. La jeune femme appela Josh et ensemble, ils aidèrent l’homme saoul à rejoindre la sortie du bistrot. Le vent soufflait étonnement fort, vêtue d’une simple chemise, Karen ne tarda pas à claquer des dents, suivie de son ami. Alors que le taxi était à quelques mètres d’eux, le barman essaya tant bien que mal de faire cracher au client son adresse, mais ce dernier, bien trop sonné, ne lui répondait pas. Soudain, la jeune femme se rappela qu’Alistair lui avait donné sa carte visite ; se réveiller dans un lieu familier était bien mieux que dans une ruelle froide et humide, non ?

« Voici l’adresse. Dit Karen en tendant la carte au chauffeur. Josh va avec lui.

-Et abandonner mon poste ? Se rechigna le barman. J’ai pas envie que le patron enlève ça de mon salaire juste parce qu’un client s’est bourré la gueule !

-Soit un peu plus gentil. Concernant le directeur, laisse-moi faire, je l’amadouerai comme à l’époque quand tu séchais tes heures. En plus, tu auras peut-être une prime si ce client se souviendra de ta tête la prochaine fois. Plaisanta la jeune femme en ouvrant la porte du bar.

-Ce qu’il faut pas faire pour fidéliser les clients. Souffla Josh, résigné à raccompagner Alistair. »

Le barman, aidé du chauffeur, eurent du mal à faire entrer l’homme dans la voiture. Il persistait à leur dire qu’il n’avait besoin d’aucune aide et blablatait sur la puissance de ses muscles. Josh s’assit sur le siège avant, essoufflé par la lutte d’il y a un instant. Le véhicule démarra et tandis qu’ils roulaient dans cette nuit humide, le barman se promit de se venger de sa collègue.

Samedi, 15h30, bar Freddy

Assise à une table seule, Katherine scrutait la feuille blanche posée sur la table. Près de celle-ci, étaient déposés une tasse de cappuccino fumante et un cheesecake au citron et à la vanille. La jeune femme soupira une énième fois, elle n’était pas du tout inspirée et ce n’était pas en fixant la feuille qu’elle obtiendrait une étincelle. S’adossant au dos de la chaise, Son regard se tourna vers le mur noir où étaient jonchées plusieurs phrases, écrites par les mains des clients. Ses yeux tombèrent sur une qu’elle trouvait étrangement philosophique ; « Belles paroles et mauvaises actions trompent les sages et les sots ». En la lisant, Katherine se sentit visée et au lieu de se morfondre, elle sourit légèrement.

Combien de fois fut-elle trompée et dupée ? Elle n’avait pas compté, mais était certaine qu’elles ne se comptaient pas sur les doigts d’une seule main. Elle se souvint que ses compagnons ne tenaient pas plus d’une semaine avant de prendre leurs jambes à leurs cous, disparaissant de sa vie du jour au lendemain sans aucune explication. Mais bon, ces histoires faisaient partie du passé désormais, elle préférait de loin se focaliser sur sa carrière que sur sa vie amoureuse. Sur le point de détourner le regard, une autre phrase attira son attention et elle sentit son cœur pincer :

« Celui qui est capable de tromper une fois est traître pour toujours. Lit-elle à voix basse. »

Ces propos lui parurent tellement vrais, mais tellement tristes à la fois. Un infidèle serait toujours un infidèle ? Ou pourrait-il changer, un jour ? Absorbée par ses songes, Katherine ne remarqua pas la présence de Kaylani qui s’était assise en face d’elle, quelques minutes plus tôt.

« T’as été trompée ? Demanda soudainement la brune, prenant sans scrupule le registre de son amie et le feuilleta. Waw ! Ce sont les tiens ?

-Plusieurs fois et oui, ces dessins m’appartiennent. Répondit la blonde avant de prendre une gorgé de son cappuccino. Tu aurais pu demander la permission avant de le prendre…

-Haha ! Désolée, j’ai tellement l’habitude avec Karen. S’excusa la serveuse en remettant le registre à sa place

-Que ça ne se reproduise plus. Sourit-elle en lui tendant le cahier, elle s’habituait peu à peu au caractère spontané de la brune. »

Kaylani sourit de plus bel et reprit son survol des pages. Elle ne s’attardait pas plus de trois secondes sur un dessin jusqu’à ce qu’elle tombe sur un qui attira son attention. C’était un dessin grossier d’un tournesol, à voir les gribouilles, elle supposa qu’il était soit raté, soit pas encore terminé. Constatant que la brune fut intéressée par ce croquis, Katherine lui annonça que le résultat final se trouvait sur une des pages après celle-ci. Ni une ni deux, Kaylani le chercha rapidement et ne put s’empêcher de lâcher un long « waw » devant sa beauté.

« Il est magnifique ! S’exclama la serveuse, rapprochant le registre près de son visage, histoire de bien contempler le dessin.

-Merci, mais ce n’est qu’un piètre tournesol. N’exagérons rien.

-Piètre ou pas, ça reste un beau tournesol, Karen apprécie particulièrement cette fleur.

-Vraiment ?

-Oui ! Regarde ça ! Dit Kaylani en se penchant vers elle pour lui montrer une broche en forme de tournesol. C’est elle qui me l’avait offerte, il y a quelques mois. Elle aussi en a un. Ah tiens ! Il faut que je lui dise de t’en apporter un autre !

-Oh, non ! Ça ira, ne la dérange pas pour si peu.

-Elle ne sera pas dérangée, ne t’en fais pas. Après tout, tu fais partie de la clique, maintenant.

-La clique ?

-Ba oui ! On se côtoie depuis quelques jours, même si on se connait à peine, je t’apprécie beaucoup. »

Kaylani la gratifia d’un de ces sourires où on pouvait apercevoir les dents de sagesse. Heureuse, ses paroles mirent un baume au cœur à la jeune blonde. Cette dernière, encore émue, lui rendit un sourire timide, le rouge aux joues. Ça faisait combien de temps qu’elle n’avait pas été considérée comme une amie ? Ou plutôt comme une personne ? Très, très longtemps. Même dans sa famille, elle était synonyme de boulet parce qu’elle ne maîtrisait pas les chiffres comme son frère, n’avait pas son sens de responsabilité, ni son sérieux. Justement, Katherine le trouvait bien trop sérieux à son goût ; il ne riait jamais, ne plaisantait jamais, elle n’avait jamais vu ne serait-ce qu’un tout petit sourire dessiné sur son visage. Le portrait craché de sa mère, celle-ci aussi était dotée d’une froideur hors du commun.

Les heures s’écoulèrent rapidement. Les jeunes femmes passèrent leur temps à discuter de leurs études, de leurs vies respectives…Kaylani lui avait même appris quelques commérages qui tournaient autour du personnel du bar. Par exemple, on disait que Karen et Josh étaient en réalité des amants, mais puisque le barman était de nature discrète, ils avaient gardé leur relation secrète. Katherine aurait pu la croire si la brune ne lui avait pas assurée que ces deux-là ne seraient jamais ensemble.

Ce fut aux environs de 17h30 que la blonde salua son amie et entama une marche vers le supermarché ; il était temps de faire les courses. Arrivée, elle empoigna un chariot et se promena entre les divers rayons. Même si elle en avait assez de manger des pâtes, elle en racheta quand même, ainsi que plusieurs paquets de féculents, de lentilles et d’haricots. Elle ne tarda pas à enchainer l’achat des viandes et des poissons, elle aura besoin de protéines et d’énergies durant les jours à venir.

Arrivée au pas de la porte, Katherine posa les lourds sachets sur le planché vernis, se massa les mains avant de fouiller dans son sac pour en sortir les clés. Son appartement était spacieux pour une seule résidente, mais ça ne l’avait jamais gêné. C’étaient ses parents qui le lui avaient loué, le temps qu’elle finisse ses études en peinture. Elle alluma la lumière du couloir et se dirigea directement à la cuisine –sans remarquer une valise posée dans le couloir, pour déposer les sachets sur la table à déjeuner. Tapis dans l’ombre, la jeune femme ne remarqua la présence d’un homme blond derrière elle que lorsqu’elle se retourna. Elle sursauta en lâchant un cri de frayeur avant de calmer son cœur qui risquait d’exploser.

« Que fais-tu ici, Cédric ? »

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