(2/5)

5 minutes de lecture

— Comment ça s’est passé ? demanda Arthur.

Bastien haussa les épaules. L’économie était la matière où il excellait habituellement, mais à présent, une heure après la fin de l’épreuve, cela n’avait plus guère d’importance. Depuis décembre dernier, sa vie avait basculé du tout au tout et le bac blanc était le cadet de ses soucis. Sa rencontre avec Arthur avait profondément changé sa vision des choses. Une nouvelle vision dont il faisait les frais avec son camarade.

Il lui était impossible de revenir en arrière, les découvertes qu’il avait faites l’avaient éloigné de ses amis, de Mathieu entre autres, et du handball, son sport favori. Refuser de refaire partie de l’équipe lui était apparu comme une évidence qu’Arthur n’avait pas eu besoin de souligner. Arthur, avec qui il passait le plus clair de son temps libre... quand ce n’était pas avec sa sœur, qu’il préférait d’ailleurs éviter. Il vivait à présent continuellement dans la peur. Alors le bac...

Bastien frissonna : si le soleil illuminait de ses rayons la cour, un vent hivernal se glissait encore entre les blousons et les manteaux.

— On va au foyer ? proposa Arthur, resserrant contre lui les pans de sa veste.

Bastien acquiesça avec ferveur et tous deux se dirigèrent vers les escaliers qui menaient directement au foyer des lycéens.

Arthur vit Bastien faire la grimace. Il aperçut un grand blond, assis seul à une table et plongé dans un livre. Il comptait parmi les rares personnes se trouvant là pendant la pause-déjeuner, la plupart préférant manger en ville malgré le froid. Il s’avérait qu’il fallait slalomer entre les tables pour atteindre une des deux tables de libres situées au milieu de la pièce… et qu’il fallait donc obligatoirement passer à côté du blond.

— Tu préfères aller ailleurs peut-être ? suggéra Arthur, devinant que le malaise venait du fait qu’il s’agissait d’un gars que Bastien ne tenait pas à croiser.

— Non, c’est bon, répondit ce dernier après un temps d’hésitation.

Arthur remarqua toutefois que ses traits s’étaient crispés.

Alors qu’ils passaient devant la source de nervosité de Bastien, celle-ci ne daigna les remarquer que par un bref coup d’œil par-dessus son livre avant d’y replonger avidement. « Ça ne lui ressemble pas, ce genre de lecture », songea Bastien en avisant le véritable pavé que Florian lisait. Ni l’absence de potes à ses côtés d’ailleurs.

— Ça y est, là il fait beaucoup plus chaud, non ? demanda Arthur, une fois assis.

Bastien acquiesça distraitement, les yeux perdus dans le vague.

— Qu’est-ce qu’il y a ?

— Fatigué…

— Il est dans ta classe ? s’enquit Arthur. C’est l’intello, non, si dès la sortie de l’épreuve, il se met à réviser pour la prochaine sans prendre le temps de décompresser.

— Lui, l’intello ?! Et aujourd’hui, c’était la dernière épreuve.

— C’est vrai, j’avais oublié, c’est plutôt toi l’intello du service, sourit Arthur.

— Aha, très drôle.

— Je sais, moi je suis le comique.

Bastien ne put s’empêcher de sourire. Avec Arthur, il avait l’impression de vivre à nouveau dans la normalité et il appréciait la manière dont il prenait les choses, sans tragédie ni complexité.

— Je finis à 16h et je suppose que toi tu n’as pas cours. Du coup, on pourrait peut-être…

Arthur fut interrompu par des disputes du côté de la chaîne stéréo.

— Mais vas-y, là, qu’est-ce que tu fais ? C’était encore à moi, je viens juste de commencer !

— Mais j’ai touché à rien, la fréquence est brouillée !

En effet, la radio avait commencé à grésiller. La voix du chanteur était à présent indiscernable au milieu du crachotis ambiant.

— Y a aucune chaîne qui marche, c’est pas possible, elle débloque ou quoi ? cria le lycéen qui avait commencé à troubler la quiétude du foyer.

— Elle est peut-être cassée, supposa une fille qui l’avait rejoint tandis qu’il faisait défiler les fréquences et n’obtenait pas le moindre résultat.

Ils étaient à présent cinq agglutinés autour du poste, chacun diagnostiquant un problème et une solution correspondante.

Arthur et Bastien observaient la scène avec l’intérêt d’un public qui n’a rien de mieux à faire. Soudain, Arthur agrippa le bras de Bastien pour attirer son attention :

— Eh, y a ton pote qui n’a pas l’air bien du tout.

Le regard de Bastien dériva à la table de Florian qui se tenait raide sur sa chaise, le corps parcouru de tremblements, le visage blanc comme un linge et les yeux étrangement écarquillés.

Bastien bondit de sa chaise et se précipita vers Florian, suivi de près par Arthur. Tous deux se saisirent chacun d’un bras de Florian pour l’entraîner hors du foyer sous le regard inquisiteur des élèves qui considéraient que cet évènement était décidemment beaucoup plus captivant qu’un vieux poste détraqué. Florian se révélant incapable dans l’instant de gravir correctement les escaliers, ils l’adossèrent directement contre le mur extérieur du foyer. Dans un état semi-comateux, le garçon ne réagit pas à leur volonté de l’en faire sortir, malgré le secours de ceux venus à leur rescousse.

— Il faut peut-être lui donner des claques, suggéra une rousse.

— Ou lui balancer de l’eau à la figure. C’est toujours efficace.

Bastien mourait d’envie de leur crier d’aller voir ailleurs avec leurs conneries, mais l’expression d’Arthur l’en dissuada.

— C’est bon les gars, on s’en occupe, lança celui-ci d’une manière beaucoup plus orthodoxe. Si quelqu’un pouvait juste prévenir un surveillant, ce serait sympa.

La fille rousse se porta gentiment volontaire tandis que les autres élèves s’éparpillaient dans la cour ou rentraient dans le foyer. Le surveillant ne tarda pas à arriver et Florian fut rapidement emmené à l’infirmerie, de même que ses affaires.

— Ça fait quand même la deuxième fois que tu sauves quelqu’un. À ce train-là, tu auras bientôt ton diplôme de secouriste, plaisanta Arthur.

Bastien ne renvoya qu’un faible sourire à cette allusion. Il n’était pas vraiment certain que ce soit justement une bonne chose.

— Il faut que j’aille en cours, soupira Arthur en consultant sa montre. On se retrouve à 16h devant la grille, d’accord ?

— Ça marche. Maintenant, j’ai deux heures à tuer.

— T’as qu’à aller voir comment s’en est sorti ton copain.

Bastien fit la grimace.

— Non, pour cela, je préfère t’attendre. Et puis, on ne peut pas dire que ce soit vraiment mon copain.

— Ouais, je vois. Un conseil, tu ferais mieux de passer l’après-midi avec un de tes potes plutôt qu’avec moi, sinon, avec ma réputation, tu vas vite passer pour un associable et un fêlé dans ce lycée.

— Je crois que c’est déjà le cas, et je n’en ai rien à faire de ma réputation, répliqua Bastien. Et si tu es fêlé, je crois bien qu’on est deux à présent.

Arthur lui sourit franchement.

— Pas faux. On devrait former un club.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Cagou0975 ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0