Chapitre 13 : Celle qui sermonne mais qui pardonne tout

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Étant donné l'heure tardive à laquelle le duo s'était endormi, leur dimanche ne débuta pas avant midi. Les rayons du soleil traversaient déjà les fins rideaux de la chambre depuis longtemps lorsque Ethan se décida le premier à ouvrir les yeux, réveillé par des chatouilles d'oreilles de renard contre son menton. 

Esther et lui étaient complètement avachis dans une position des plus inconfortables contre la tête de lit, recouverts de popcorn. Alors qu'il n'osait pas bouger pour éviter de la réveiller, celle-ci commença doucement à émerger. Encore bien somnolente, la jeune divinité balaya la pièce du regard les yeux plissés jusqu'à faire face au jeune homme. Après s'être vigoureusement frotté les paupières, elle lui accorda un léger sourire. 
— Bonjour Ethan, le salua t-elle en se relevant pour s'étirer.
— Salut... 
— On a bien dormi on dirait...
— Vu l'heure il semblerait oui, répondit-il en enfonçant son visage dans un cousin d'exaspération après avoir scruté l'horloge sur l'écran de son téléphone.
— Tu avais prévu quelque chose pour aujourd'hui ? 
— Et bien, j'aurai aimé continuer à réviser, répondit-il la voix étouffée.
— Réserve toi ton après-midi pour travailler, je vais me balader en forêt le reste de la journée, j'ai besoin de me reposer. Reprendre ma forme animale pour gambader dans les bois, il n'y a rien de mieux pour que je puisse recouvrer mes forces. 
— Je suppose que je n'aurai pas à me faire du souci.
— En effet. 
— Enfin, je suis affamée ! Tu ne serais quand même pas contre un bon déjeuner avant de partir ? 
— Grand dieu, non, s'exclama t-elle en se levant d'un bond.
— Va te préparer dans la salle d'eau pendant que je m'occupe du repas, il serait temps que tu apprennes à te servir d'une brosse à cheveux, la somma t-il en désignant sa tignasse remplie d'épis. 
— Et toi il serait temps que tu essuies le filet de bave que tu as sur le menton, rétorqua t-elle en levant les yeux au ciel. 
Ethan s'empressa de passer le revers de sa manche contre son visage tandis que Esther se dirigeait vers la salle d'eau en traînant la patte. Elle eut presque du mal à reconnaître son visage dans la glace tellement elle trouvait sa mine affreuse. Des traits de cernes venaient assombrir son teint pâle et toute sa frimousse semblait s'être affaisser sous la fatigue. Conserver son apparence humaine drainait son énergie plus qu'elle ne le croyait. Bientôt, même le plus soyeux des rubans rouges ne pourrait contenir sa métamorphose.

Alors qu'elle se démenait pour dénouer ses mèches à l'aide de la brosse que lui avait acheté Ethan, une sonnette retentit. Ses oreilles se dressèrent d'un coup, en alerte. La mélodie retentit alors une nouvelle fois. 

Curieuse de deviner la provenance de ce son, Esther se rendit dans la cuisine pour avoir des réponses à ses questions de la bouche de Ethan. Malheureusement, le jeune homme semblait tout aussi médusé qu'elle. Il s'empressa de rejoindre la porte d'entrée pour regarder à travers l'œillère et savoir qui donc venait sonner chez lui un dimanche midi. 

D'abord stupéfait par sa découverte, il finit par se frapper le front avec la paume de la main en murmurant une injure. 
— Tout va bien, demanda Esther, légèrement inquiète quant à son changement soudain d'humeur. 
— J'avais oublié que ma mère devait venir me rendre visite aujourd'hui. Ou plutôt, j'avais oublié qu'elle venait me rendre visite tous les dimanches, lui chuchota t-il en baissant la tête, embarrassé.
— Comment !? 
— Disons que mon esprit était préoccupé ces derniers temps...
— Bon... Et donc, il y a un mal à ça ?
— As-tu une petite idée de ce qui peut passer à travers la tête d'une mère qui découvre que son fils héberge une jeune fille ? 
— Et qui dort dans le même lit ? 
— N'en rajoute pas s'il te plait... Bref, qu'est ce qu'on fait maintenant ? 

Esther s'empressa de lier son ruban rouge autour de son cou et de d'échanger son pyjama confortable pour un ensemble plus raffiné.
— Moi je m'occupe de retenir ta mère pendant que toi tu vas te préparer. Fais moi confiance, ajouta t-elle en lui adressant un sourire se voulant rassurant. 

Le jeune homme hésita un instant puis finalement céda sous la pression et s'enfuit dans la chambre. La jeune divinité quant à elle prit une grande inspiration avant d'enclencher la poignée. Elle fut d'abord frapper par la ressemblance entre Ethan et sa génitrice. Ce regard, ces tâches de rousseurs, ces lèvres fines... C'était son portrait craché au féminin. Cependant, elle n'avait jamais vu le jeune homme aborder une expression aussi irritée. 
La femme qui lui faisait face semblait fulminer d'impatience mais elle s'adoucit sans délai après avoir constaté que ce n'était pas son fils qui venait de lui ouvrir. 
— Bonjour, la salua Esther en lui adressant un petit sourire en coin, légèrement incommodée par ses deux yeux sondeurs.
— Bonjour, murmura Elisabeth en relevant un sourcil circonspect. 
— Ethan va arriver d'une minute à l'autre. Je vous en prie, entrez. Il y a quelques malentendus que je vais devoir dissiper. 
— En effet, répondit-elle d'un air peu convaincu en dépassant Esther pour s'engouffrer dans l'appartement. 

Déterminée à ne pas flancher une nouvelle fois face à l'hostilité qui se manifestait à chaque fois qu'elle essayait de sociabiliser avec un autre être humain, la jeune divinité referma la porte et s'élança d'un pas résolu vers la cuisine pour rejoindre Elisabeth. Sa fierté avait bien plus de valeur que ça. Que pourrait-elle face à des dieux millénaires si il lui était impossible de se dresser contre une femme d'une quarantaine d'années seulement ?

Celle-ci avait déjà pris ses aises et s'était installée sur l'une des deux seules chaises présentes autour de la petite table, la jeune divinité prit place sur l'unique restante. 
— Je vais nous préparer du thé, annonça finalement Elisabeth pour briser le silence qui s'était installé. 
— Laissez moi m'en occuper, après tout, vous êtes l'invitée, l'informa Esther en se levant pour se diriger vers l'une des étagères. 
— Comment vous appelez-vous ? 
— Esther madame, vous pouvez me tutoyer. Elisabeth c'est ça ? 
— Beth suffira. Je ne crois pas me rappeler t'avoir indiqué mon prénom.
— Ethan m'a parlé de vous. 
— Oh... En bien j'espère, demanda t-elle avec un faux sérieux. 
— Oui, en bien, répondit Esther en lui accordant un sourire mystérieux se remémorant les éloges que Ethan lui avaient faîtes inconsciemment à son sujet. 

Elisabeth était légèrement déstabilisée face à la jeune divinité. Son assurance paraissait infaillible alors même qu'elle la pensait dans une position délicate. Les rapports de force semblaient s'inverser.
— Et donc, puis-je en savoir un peu plus sur la nature de ta relation avec mon fils, demanda t-elle finalement en insistant bien sur les derniers termes de sa question. 
— C'est mon ami, répondit calmement Esther en plaçant devant elle une tasse fumante. 
— À d'autres ! Je me fais peut-être vieille mais je n'en deviens pas stupide pour autant. Ça ne me dérange pas que vous sortiez ensemble. J'aurai juste aimer qu'il me mette au courant de ce genre chose, déclara t-elle en lissant les bords de sa tasse avec son index, souriant tristement.

Ethan surgit brusquement dans la cuisine puis déposa une bise rapide sur la joue de sa mère. 
— Il n'y a rien entre moi et Esther, intervint-il en s'adossant contre le mur.
— Te voilà toi ! 
— Je suis ravi de te voir maman...
— Moi aussi mon chéri. 
Esther eut un petit rire attendrit devant cette alchimie mère fils qui ne passa pas inaperçu aux yeux du jeune homme qui la fusilla furtivement du regard. D'un côté elle l'enviait. Jamais elle n'avait eu ce genre de figure maternelle. Le mot parentalité n'avait aucun sens à ses yeux, ou du moins, elle n'en connaissait qu'une signification théorique, celle que l'on apprend dans les livres. 

— Mon amie, et j'insiste vraiment sur ce point, est venue m'aider pour réviser mon bac. 
— Ah oui ? Pourtant tu n'as jamais accepté ne serait-ce que je regarde ton agenda...
— Je me suis dit que pour un examen aussi important, recevoir le soutien de quelqu'un ne serait pas de trop, se justifia t-il. 
— Surtout si ce quelqu'un est aussi intelligent que moi, se vanta Esther en aspirant une gorgée de son thé. 
— Naturellement, murmura Ethan en roulant des yeux. 
— Mais quel âge as-tu Esther ? Je ne saurais le deviner, demanda Elisabeth en la scrutant tout entière, dubitative. 
— Quinze ans. 
— Tu es bien jeune pour aider un lycéen à réviser son baccalauréat...
— C'est bien assez d'années pour apprendre, répliqua la jeune divinité sur un ton de défi. 
— Apprendre quoi ? 
— Les sciences, les langues, la littérature, la musique, que sais-je ! À l'instant même où les yeux s'ouvrent, ils peuvent voir, à l'instant même où les oreilles peuvent entendre elles écoutent et à l'instant même où les doigts se délient ils peuvent aussi bien servir à l'écriture qu'à la pratique du piano. Donc, à l'instant même où l'on naît, on peut apprendre.

Après cette longue tirade, Esther accorda un fier sourire à Elisabeth en reposant sa tasse désormais vide. 
— Dois-je en conclure que tu sais également jouer du piano ? 
— Vous pouvez en conclure ce que vous voulez. 
— Je comprends pourquoi Ethan s'est entiché de toi finalement, il a toujours été un intellectuel, affirma t-elle en gloussant tout en jetant des œillades appuyées à son fils. 
— Et sinon, parlez moi un peu de vous, demanda promptement Esther pour sauver le jeune homme de l'embarras. 
— Je n'ai pas grand chose à dire si ce n'est que je suis professeure de danse classique ou de ballet plus précisément. D'ailleurs, je peux aussi t'affirmer que l'un de mes meilleurs élèves se trouve juste devant toi. 
— Ah oui, s'exclama Esther en se retournant vers Ethan qui soupirait d'exaspération. 
— Je ne suis pas premier danseur non plus, pas besoin d'en faire toute une montagne...
— Tu pourrais l'être si tu t'appliquais, rétorqua sa mère en levant les yeux au ciel. 
— Excusez moi madame mais... Est-ce que vous pourriez m'apprendre ? 
— Voyons... Tu n'es peut-être pas très grande mais tes jambes sont longues et élancées. Tu te tiens plutôt droite et ton corps semble aussi souple et flexible que le roseau donc je ne me fais pas trop de souci pour ton en dehors. As-tu déjà dansé auparavant au cours de tes quinze années d'apprentissage ? 
— Pas vraiment mais ne dit-on pas qu'il n'est jamais trop tard ? 
— Tu as l'air persévérante. Si tu aides mon fils, je peux bien te rendre la pareille. 

La jeune divinité était perplexe. Elle pensait les humains plutôt méfiants, rarement enclins  à faire confiance et voilà qu'après une brève conversation, on lui accordait une grâce.
— Vous avez vite baissez votre garde Beth, pourquoi, demanda Esther, curieuse de connaître les raisons qui l'auraient poussé à lui accorder autant de clémence après les soupçons qu'elle avait pu avoir à son égard. 
— Et bien... Je fais confiance à mon fils et mon fils te fait confiance. Ta réponse est toute trouvée. Je me ferais donc un plaisir de te revoir lors de l'une de mes leçons. Enfin bref ! Je meurs de faim donc, Ethan, si tu pouvais continuer à nous préparer ce chili con carne je serai ravie. 
— Moi aussi, enchérit Esther en accordant un grand sourire au jeune homme à la même que sa mère.
— Vous voilà deux points communs : la gourmandise et l'insolence, leur répondit-il en esquissant un sourire endurant. 

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