Chapitre 68 : La lumière oubliée

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 Tout le monde demeurait silencieux, le regard hésitant.

 Je passai tendrement mon bras autour des épaules d’Orialis.

 Cette dernière me sourit. Elle lança fièrement :

– On a réussi à régénérer le royaume des Guéliades, alors pourquoi pas vaincre cette Ombre ? Si Nêryah a vu juste, c’est peut-être bien elle qui commande les Métharciens et m’a fait enlever !

– L’Ombre ne peut pas agir toute seule, à part sur son territoire, dans l’obscurité. Elle a peut-être conclu un pacte avec eux pour accomplir ses projets. Dans ce cas, cela signifierait qu’elle garde un œil sur nous depuis un moment…

– Ce n’est pas étonnant. Nous sommes les seuls capables de contrecarrer ses plans, renchérit Swèèn.

– J’espère qu’il n’est rien arrivé à Asuna…, m’inquiétai-je.

– Pas de halte pour la nuit, alors ? risqua la Noyrocienne.

– Non. Quittons cet endroit au plus vite.

 Nous poursuivîmes notre route dans la forêt, en nous tenant la main, cette fois, pour ne pas nous séparer. Ce geste nous rassurait. La nuit tombait, nous avancions à l’aveuglette.

 Je ne distinguais plus les arbres, ni même où je posais mes pieds. Mais nous ne pouvions pas nous permettre de nous éclairer.

– Avorian, murmurai-je, comment arrivez-vous à vous repérer ?

– Swèèn voit très bien dans le noir. Je tiens son aile : c’est lui qui nous guide.

– On peut tout aussi bien tourner en rond et faire demi-tour sans nous en rendre compte, remarqua Orialis.

– Peut-être, mais dans ce cas, Swèèn nous le dirait. Pas vrai, Swèèn ? lui lançai-je.

– Évidemment ! Voyager de nuit est un jeu d’enfant pour moi. Et je ne vais certainement pas faillir à ma réputation ! D’ailleurs, tournez légèrement sur votre gauche, et attention à l’arbre…

 Mes yeux commençaient à s’habituer à l’obscurité. Je pouvais maintenant entrapercevoir le contour des conifères, ce qui me permit de ne plus foncer dedans involontairement.

 Swèèn nous prévenait lorsque nous rencontrions quelques racines ou buissons. On entendait sa voix double troubler l’angoissant silence : « Orialis, ne posez surtout pas votre adorable petit pied sur cette racine, je ne pourrais supporter de vous voir choir ». Il tentait de détendre l’atmosphère, mais cela ne fonctionnait guère.

 Malgré la fatigue due à cette marche peu coutumière, la peur me réveillait complètement. Je n’osais penser à ce qui pourrait nous arriver si la créature revenait. Héliaka ne s’était sans doute pas levée cette nuit ; je n’apercevais plus la forme des arbres. Nous avancions à tâtons. Swèèn continuait à nous prévenir lorsque des obstacles encombraient notre chemin. Mais parfois, il oubliait d’anticiper, car son don de nyctalopie lui semblait tellement évident qu’il en négligeait notre « cécité » temporaire. Nous percutions ou trébuchions alors sur quelque chose. Le plus effrayant était que nous ne pouvions savoir sur quoi, exactement.

– Avorian, attention, tu es sur le point de te cogner contre un ...

 BOOM !

 Le Guéliade poussa un « aïe ».

– … arbre ! acheva-t-il. Merci de m’avoir prévenu, mon cher.

Légèrement trop tard, certes, lui répondit Swèèn, mais c’est l’intention qui…

 Un hurlement déchira le silence oppressant de la forêt. Tout le monde se figea sur place. Je ne m’étais même pas rendue compte que je venais de lâcher les mains d’Orialis et d’Avorian.

– Ne bougez pas ! ordonna ce dernier.

– L’Ombre ! tressaillit Orialis, d’une voix apeurée.

– Ne faites plus un pas ! répéta Avorian. Nous ne devons pas nous séparer, c’est ce qu’elle cherche à faire.

– Vous avez lâché vos mains ! gronda Swèèn, qui voyait tout, lui.

– Orialis, Nêryah, êtes-vous toujours à côté de moi ? demanda le mage d’une voix forte et assurée.

 Je m’apprêtais à répondre « oui », lorsque quelque chose me tira en arrière. Je poussai un cri strident, tentant d’alerter mes amis. J’avais l’impression que mes pieds ne touchaient plus le sol.

 Avorian criait au loin : « Non ! ».

 Je me retrouvai seule, dans le noir complet. Quelque chose me soulevait dans les airs, tel un fil invisible. Cette sensation s’arrêta d’un coup sec, ce qui me fit retomber brutalement, et me donna mal au ventre. Je toussai, cherchant à retrouver ma respiration. Je ne voyais absolument rien. Mais soudain, tout près de moi, j’aperçus les deux globes d’un rouge flamboyant sortir de l’ombre. Prise de panique, je voulus m’éclairer. Mais pour voir quoi ?

 Comme si je l’avais ordonné, une lumière turquoise phosphorescente jaillit de ma main gauche pour former une boule au creux de ma paume. Je tressaillis, totalement effrayée, puis réalisai qu’il s’agissait de l’un de mes pouvoirs.

 Je perçus enfin la chose. Elle n’avait pas vraiment de visage, ni de corps. Elle ressemblait à un nuage de ténèbres, avec d’étranges rubans noirs immatériels ondulant autour de sa masse sombre. Un halo violet dessinait le contour de cette étrange créature de taille humaine.

 L’Ombre m’observait sans bouger. J’étais comme pétrifiée, incapable de réfléchir à une solution pour m’en sortir. Ce monstre, aussi terrifiant que la vision du Modrack, semblait être la matérialisation du néant lui-même.

 Ce corps évanescent remua, s’apprêtant à me rejoindre, mais il se détourna soudain pour regarder derrière lui. Quelqu’un venait d’arriver. Avorian ?

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