Chapitre 42 : Havre de paix

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 Nous avions apparemment dormi pas moins de quinze heures, nous apprit Kaya à table. Une journée sur Orfianne faisant environ vingt-sept heures, cela nous laissait encore un peu de temps pour en profiter.

 Les Komacs qui nous avaient accueillis le premier soir prirent de nos nouvelles : « Comment vous sentez-vous ? », « Notre nourriture vous convient-elle ? », « Tenez, je vous ai cueilli des fruits ce matin, ils sont bourrés de vitamines ! » nous offrit Shirin, l’amie d’Avorian. « Et moi, je vous ai préparé une tarte aux mirinès tous frais ! », dit la jeune maman en nous tendant une pâtisserie aux baies violettes.

 Nous ne savions comment les remercier. Jamais je n’avais rencontré des gens si prévenants, si généreux. Je me sentais presque gênée de recevoir toutes ces attentions, sans rien pouvoir leur offrir en retour.

– Vous êtes tellement adorables ! Comment pouvons-nous vous remercier ? leur demandai-je.

– Votre présence est une bénédiction pour nous. Je suis si heureuse de vous retrouver ! me répondit Shirin.

– Shirin, Avorian m’a appris que vous m’aviez allaitée. Sans vous, je n’aurais pas survécu. Je vous dois tellement !

– Que tu sois en vie et en parfaite santé est largement suffisant pour moi, ma petite Nêryah.

 Avorian avait effectivement prédit la réponse de Shirin.

 Je me levai de mon banc, m’approchai d’elle pour la prendre dans mes bras, les larmes aux yeux.

– Merci… pour tout, lui soufflai-je à l’oreille.

– Si nous pouvons vous aider en quoique ce soit, n’hésitez pas, renchérit Avorian à l’attention de nos bienfaiteurs.

 Nous nous rassîmes pour prendre un petit-déjeuner, composé de toutes ces belles offrandes. Je goûtai la fameuse tarte aux « mirinès ». Gustativement, cela ressemblait à des myrtilles. Ces baies étaient forts juteuses, un véritable délice !

 Je réalisai lors de ce repas que nous n’avions toujours pas rencontré la mère de la charmante Kaya. Ils n’en parlaient pas. Son père, le chef de la tribu, apparaissait toujours seul. Sa femme était peut-être décédée. Je n’osais pas aborder ce sujet délicat.

 Merian n’était pas à table, à mon grand regret. Et je n’avais toujours pas vu son jumeau facétieux.

 Avorian décida de rester quelques jours auprès du peuple du désert afin de nous permettre de recouvrer nos forces.

 En fin de matinée, Kaya me proposa d’aller nous baigner à l’oasis. Elle me prêta des sous-vêtements, – de couleur rouge, bien évidemment. Une fois sorties du long tunnel, je m’étirai en soupirant, profitant de la lumière du jour. Des enfants du village jouaient au bord de l’eau, pendant que leurs mères cueillaient des fruits.

 Nous plongeâmes dans l’eau, ravies de ce moment de détente. J’admirais le corps fin de Kaya, dont la peau hâlée rayonnait sous le soleil. Les milliers de paillettes constituants son épiderme lui donnaient l’allure d’une sirène.

 Kaya s’amusa à m’éclabousser. Ce jeu me fit penser à la petite fée Liana, lorsque nous étions à la mer, juste avant d’arriver à la Grotte des Feux Sacrés.

 Je ne pouvais m’empêcher de regarder alternativement son nombril, légèrement plus large que chez un humain, puis le mien. Tout comme lui, sa peau prenait la forme d’un mini escargot. Sauf que celui de Kaya scintillait : on pouvait y observer un filament doré s’enroulant en une petite spirale. J’avais remarqué la même chose sur le ventre des fées. Avorian m’avait expliqué que cette lumière montrait notre connexion à l’énergie d’Orfianne. Mon séjour sur Terre m’en avait apparemment privé. Et malgré mon passage à la Grotte, je ne possédais toujours pas de dorure, comme si je n’étais pas encore digne de ce lien si spécial.

 Elle remarqua mon regard pointé sur son ventre :

– Ah… je vois que tu n’as pas encore fusionné avec la magie d’Orfianne. Ne t’inquiète pas, cela viendra !

 Elle avisa l’expression triste de mon visage, m’adressa un grand sourire pour me réconforter, puis, sans prévenir, me bouscula gentiment, histoire de m’aider à chasser mes inquiétudes. Je répondis à ses taquineries, et cela se révéla plus compliqué que prévu : à peine avais-je effleuré la belle Gardienne que deux Komacs se lancèrent dans notre direction, leurs visages menaçants. Lorsque je tentai de la faire tomber dans l’eau, ils m’attrapèrent pour m’immobiliser. Je reconnus immédiatement Merian, à ses beaux yeux sépia, et ses cheveux bruns mi-longs lui arrivant aux épaules, retenus par un bandeau grenat. Le deuxième devait être son jumeau : il lui ressemblait comme deux gouttes d’eau. Avec comme seule différence ses cheveux coupés plus courts, en bataille, pour ne pas dire complètement emmêlés...

 Ils devaient être un peu plus âgés que moi.

 Je les trouvais magnifiques, comme tous les Komacs, d’ailleurs. Leur peau légèrement pailletée reflétait harmonieusement les rayons du soleil.

– Eh ! interpellai-je, ce n’était qu’un jeu ! Je ne voulais pas lui faire de mal !

Impossible de me dégager de leur poigne : ils étaient plus grands et plus forts que moi.

– Je crois qu’ils veulent tout simplement jouer avec nous, me rassura Kaya.

– Quelle drôle de manière de s’incrust… aaah !

 Le jumeau de Merian me poussa subitement dans l’eau, sans aucune délicatesse. Je ripostai en l’attrapant par la jambe, Kaya m’aida, et ainsi, une bataille fut engagée. Les frères usèrent de leurs muscles pour nous faire tomber – quels crâneurs ! Mais nous nous montrâmes plus malines qu’eux, agrippant leurs chevilles. Peine perdue ! Mérian me souleva et me jeta à l’eau en un clin d’œil. Son frère fit exactement la même chose avec Kaya.

 Je remontai facilement à la surface. La jeune Komac et moi sortîmes promptement du bassin, criant – ou plutôt riant – d’une fausse rage, et décidâmes de battre en retraite. Je secouai mes cheveux trempés. Les milliers de gouttelettes qui s’en échappèrent formèrent de jolis dessins dans le sable ambré.

 À la fin de cette joute amicale, nous dégustâmes les fruits fraîchement cueillis par notre intrépide Kaya, au bord de l’eau, à l’ombre des palmiers – une vision paradisiaque !

– Comment t’appelles-tu ? demanda le frère de Merian.

– Nêryah, et toi ?

– Ishaam. Je suis le jumeau de Merian, mais j’imagine que tu l’as déjà remarqué.

 Il m’adressa un clin d’œil doublé d’un sourire enjôleur. Assise entre lui et Kaya, je trempai mes pieds dans l’eau et battit des jambes pour me donner contenance.

– Et sans l’aide de mon cher frère, qui t’a, rappelons-le, littéralement sauvé la vie ; tu ne serais pas là à te baigner tranquillement, continua-t-il sur le ton de la réprimande.

Tranquillement ? songeai-je. Quel toupet !

– J’imagine que c’est une invitation à me confondre en remerciements ? dis-je d’un ton cynique.

– Exactement, ma belle, fit Ishaam en me relevant le menton.

 Je repoussai brutalement sa main, l’air dédaigneux, et feignis un salut pompeux, courbant mon torse si bas que ma tête se retrouva sous l’eau. Je me redressai enfin, dégoulinante, les cheveux à moitié sur mon visage, souriant de toutes mes dents, et m’adressai à son jumeau pendant que les deux autres gloussaient :

– Ô, mon cher et noble vaillant Merian, je ne sais comment vous remercier vous et Kaya de nous avoir sauvés des griffes de la mort ! Que puis-je faire pour vous ? Comment vous montrer ma gratitude ?

 Le désigné pouffa de rire, puis reprit rapidement son sérieux :

– En acceptant de me rejoindre ici ce soir, répondit Merian d’une voix douce, son regard pénétrant le mien d’une façon absolument délicieuse.

– Bien joué frérot, fit Ishaam en l’applaudissant. Tu vas vite me voler le beau rôle, si tu continues comme ça !

– Tu es jaloux peut-être ? le rabroua Kaya. Tu aurais préféré être à sa place pour sauver la belle Nêryah, c’est ça ?

– Non, rassure-toi, ma douce et tendre, je te suis totalement dévoué. Tu m’as soudoyé par tes charmes, je ne puis te résister ! fit Ishaam à l’adresse de celle-ci, prenant un ton exagéré.

 Kaya rougit. Je me mis à rire.

 J’observais un peu plus loin un jardin aménagé.

– C’est un potager ? demandai-je aux autres en désignant l’endroit du regard.

– Oui, nous y cultivons nos légumes et nos céréales. Grâce à la présence de l’eau ici : une source qui alimente aussi nos grottes.

– Tu as encore faim, Nêryah ? se moqua Ishaam.

– Ishaam, par Héliaka, tu veux bien la laisser tranquille ? le réprimanda Kaya.

 Grâce à mes nouveaux amis, l’espace d’un instant, j’oubliais un peu plus ma vie sur Terre, ainsi que l’étau qui se refermait dangereusement sur moi.

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