CHAPITRE 24

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CHAPITRE 24


Pas un seul des vingt-neuf n'avait souvenir de s'être déplacé jusqu'ici et, tous regardaient avec dégoût ce cadavre à leurs pieds. Pas un seul d'entre eux n'avait idée de la nature et de la présence de ces créatures difformes et racornies. Soulagée, toute l'assistance se leva pour ovationner les héros. Les applaudissements crépitaient, mais le Prince ne les recevait pas, trop affligé et penché sur Blanche-Prudence, toujours étendue sous l'autel.

Depuis le fond de l'église, les murmures montaient : " La jeune fille n'a pas repris vie... Qui est cette jeune fille ? Est-elle morte ? "

— Une bouffée de vinaigre devrait suffire à la revigorer ! tonna une voix forte de femme, campée sur le parvis et brandissant un flacon dans sa main.

C'était mère Gontrande ! Inquiète, elle avait délaissé ses cuisines pour apporter son aide. Le cheveu ébouriffé et le tablier tâché de sauce au vin, elle avait écarté la foule amassée dans l'allée centrale, puis elle s'était frayé un chemin jusqu'au Prince éploré. D'un geste ferme, elle avait retiré le bouchon de liège et tendu sa fiole en précisant :

— Après son remède avalé, cette petiote devrait se ranimer en reniflant ce vinaigre fait maison !

Le Prince releva la nuque de la jeune fille et plaça le flacon sous ses narines. L'odeur piquante et acide lui titilla les sinus et retrousser le nez.

— Dieu soit loué ! s'écria le Prince. Vous voilà revenue !

— Prince... murmura la jeune fille en ouvrant un peu les yeux. Comme je suis heureuse... de vous voir...

— Moi aussi... Si vous saviez, combien moi aussi j'en suis heureux... J'ai eu si peur en croyant vous perdre...

— Je suis là maintenant... dit-elle, les paupières mi-closes. Tout va bien aller...

— Chère Blanche... Ma très chère Blanche...

— Prince... Cher Prince...

À quelques mètres, Anophèle et l'herboriste se félicitaient de leur collaboration et se serraient la main.

— Merci de m'avoir indiqué le potager du château mon garçon. Nous avons bien fait de bifurquer par ce jardin. Il regorge d'espèces aux vertus insoupçonnées et bien utiles dans ce type de situation.

— Sans vous, je n'aurais pas su que la nature possédait de telles armes pour se battre et se défendre.

— Ce savoir n'est que le fruit d'une très longue expérience et le résultat d'une transmission de maîtres m'ayant précédé et enseigné, avoua humblement l'herboriste. Je ne suis qu'un simple passeur de savoirs, rien de plus. Vous, en revanche, vous m'impressionnez jeune homme. D'où provient cette poudre d'une efficacité redoutable qui a foudroyé ce monstre en un clin d’œil ? Et comment en avez-vous connu l'effet radical ?

— Ma mère et moi habitions au bas d’une moyenne montagne, dit Anophèle. Nous avions un ruisseau d’eau douce qui coulait à travers notre champ et ma mère ramassait régulièrement les algues qui se développaient et proliféraient à l’intérieur. Elle les faisait sécher et les broyait, car elle avait remarqué que cette poussière d'algues éloignait les rampants et tuait les insectes qui infestaient notre maison humide. Pour moi, cette poudre était très spéciale, parce que rare et puissante. J'en avais stocké dans une boite à la mort de ma mère, en pensant qu'un jour je pourrais peut-être l'échanger en contrepartie d'argent, de nourriture ou d'autre chose.

— Comme vous avez bien fait ! Cette poudre est incroyable et, il m'est avis jeune Anophèle, que s'il vous en reste encore nous pourrions nous entendre et traiter affaire ensemble.

Blanche-Prudence reprenait des couleurs. Visage contre visage, le Prince l'interrogea :

— Comment se fait-il que l’essaim qui planait dans votre chambre ne vous ai pas attaqué ? Un de mes hommes y a laissé la vie.

— Certainement mon parfum... répondit la jeune fille d'une voix minuscule.

— Votre parfum ?

— Oui, l'odeur des quelques gouttes de lavande... que je mets quotidiennement... dans mes cheveux et dans mon décolleté... a dû repousser cette colonie... mortelle. Oui, mortelle... comme ce monstre y avait fait allusion...

— Dieu soit loué ! Non seulement vous êtes bonne et talentueuse, mais vous êtes aussi une jeune fille coquette. Cela n’est pas pour me déplaire, d'autant que ce parfum de lavande qui vous habillait et flottait dans mes appartements longtemps après que vous m'ayez quitté, vous a sauvé la vie. Ce parfum vous sied à merveille jeune demoiselle.

— Merci...

— Restez près de moi ma Blanche... Toujours...

— Toujours ?

— Je vous aime.

Encore faible et étourdie, Blanche-Prudence murmura :

— Je crois bien que... moi aussi...

Les dames s'éventaient, la main sur le cœur et la paupière détendue. Les hommes eux, faisaient la queue aux boissons pour satisfaire leurs épouses, leurs sœurs et leurs filles, les rafraîchir et leur permettre de revenir à leurs sens. Dans ce brouhaha confus, au milieu des rires nerveux, un cri strident figea la salle. À peine remis de leurs émotions, tous tremblèrent et sursautèrent.

— Qui êtes-vous ? cria une femme au bord de l'apoplexie.

— Nous sommes les frères de Blanche-Prudence ! lui fut-il répondu dans un fort accent du terroir.

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