CHAPITRE 22

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CHAPITRE 22

En parallèle, dans la chapelle royale, la messe qui unirait Philibert-Armand du Pays de Providence à Berthe-Conteuse du Pays de Maux s'annonçait pour bientôt. Qu'ils aient fait bonne chère à la table commune ou mangé dans leurs chambres, les convives rejoignaient la paroisse attenante au château. L'endroit, habituellement sobre et austère, était embelli de brassées de roses pastel et de voiles de tulle blanc qui enrobait les hautes colonnes de marbre noir. Le lieu de culte se remplissait, mais il y faisait chaud. Très chaud. C'était une chaleur étouffante qui faisait s'agiter les éventails sur les gorges des dames. Certaines, congestionnées dans leurs corsets, accablée de superpositions de jupons, le visage en-crémé, la gorge alourdie de bijoux et la perruque épaisse, avaient le teint si pâle qu'elles semblaient sur le point de tourner de l’œil. Heureusement, des domestiques veillaient aux quatre coins de la chapelle. Plusieurs avaient des carafes d'eau fraîche et de la glace à disposition pour éviter les syncopes et les suffocations. D'autres aéraient l'assemblée ruisselante avec des bouquets de plumes d'autruches.

Chaque chaise était nominative. Les capitonnées disposées à l'avant et de chaque côté de l'autel étaient attribuées aux membres du clergé et aux souverains. Les autres avaient des chaises paillées rehaussées d'une galette de soie. Certaines dames avaient fléchi le genou sur un prie-Dieu molletonné. Elles méditaient en courbant leur tête ornée de fleurs et de rubans, pendant que tête baissée, l’évêque assis dans un fauteuil, sa croix pectorale sur le torse, sa mitre sur la tête et sa crosse à la main, priait et se concentrait sur sa liturgie.

À ce moment de la journée, les nouveaux-venus s'impatientaient. Berthe-Conteuse qui ne s'était pas encore rendue visible était au centre de toutes les discussions, alors que le Roi et la Reine ayant chargé Pierrot-Guillou de faire le relais entre le Prince, la salle des gardes, Anophèle — mère Gontrande étant trop occupée à gérer son équipe en cuisine — et eux, attendaient les nouvelles fraîches. L'heure tournait et l'inquiétude grandissait chez les souverains. Soudain, le valet de pied vint leur délivrer un message.

— Les gardes sont rentrés... chuchota-t-il à l'oreille du Roi. Ils ont ramenés l'herboriste et l'ingrédient manquant. Le Prince est au courant de leur arrivée et Anophèle, le marmiton, termine la préparation du remède.

— Dieu soit loué, dit le Roi qui répéta l'information à son épouse. Il nous reste à prier que la petite demoiselle se rétablisse vite et bien, et que notre plan se déroule tel que nous l'avons envisagé. Merci Pierrot-Guillou. N'oubliez pas de nous tenir informé de la suite des événements.

— Bien votre Altesse.

En cuisine, c'est du coin de l’œil que mère Gontrande regardait son apprenti faire bouillir la menthe poivrée dans un peu d'eau, puis l'ajouter à sa préparation en attente dans un récipient de terre avant de repartir d'un pas pressé.

Sans se laisser distraire et détourner, Anophèle arriva devant les appartements du Prince, où avertis de sa venue, les gardes lui ouvrirent les portes en grand. Aussitôt entré, il bifurqua dans la chambre du Prince où un curieux petit homme, pas plus haut que trois pommes, tâtait le pouls de la malade.

— Voici le remède transmis par Blanche-Prudence, annonça le marmiton en rougissant.

— Ah ! Fort bien, dit l'herboriste en le prenant. Et quelle est sa composition ?

— De la menthe poivrée infusée, cinq feuilles dans vingt centilitres d'eau, une poignée de clous de girofle réduit en poudre et quatre cuillerées d'huile de pépins de raisin.

— Fort bien ! Cette demoiselle a de l'or dans les mains et de la suite dans les idées. Malgré son jeune âge, elle est douée, intuitive et créative en matière de plantes médicinales et de thérapies nouvelles. Elle ira très loin si elle se rétablit.

— Si elle se rétablit ? interrogea le Prince. Se peut-il que ce mélange ne donne pas de résultats.

— Tout est possible votre Altesse. Nous ne sommes pas tous faits du même bois et ce qui fonctionne sur l'un, ne fonctionne pas forcément sur un autre.

— Eh bien, espérons qu'elle soit faite du meilleur bois qui soit et se réveille enfin de cette léthargie.

— Prince... voulez-vous bien soulever sa tête afin que je parvienne à lui faire avaler le contenu du récipient ? Quant à vous, jeune garçon, ouvrez-lui la bouche à chaque gorgée.

La célébration du mariage était imminente. Berthe-Conteuse ne tarderait pas à apparaître dans sa robe de noce sur le parvis de la chapelle endimanchée. Plus question de reculer. Comme promis, le Roi l'attendait dans le hall pour la conduire jusqu'à l'autel, tandis que son épouse devait se rendre à l'office sans son fils à son côté. Les mains moites et le cœur battant la chamade, la Reine s'avança dans la maison de Dieu pleine à craquer et se plaça debout au premier rang. Le coiffeur de la future mariée, désigné pour être son témoin, arriva en se dandinant sous l’œil amusé des invités et s'installa à gauche du siège nuptial. Quelques minutes plus tard, les violons jouèrent l'introduction de la marche nuptiale et toutes les têtes se tournèrent.

Celle que tous attendaient était là ! Belle ! Incroyablement belle et presque irréelle.

L'assemblée avait les yeux rivés sur elle. Sublime dans sa robe gris perle parsemée de pierres de nacre, sa coiffure en buisson de roses pastel, elle foulait le tapis de roses pastel au bras du Roi du Pays de Providence. La mariée se tint debout face à l’ecclésiaste et devant l'autel. Son témoin à ses côtés, nerveux et dansant d'un pied sur l'autre, elle resta digne et stoïque. Les secondes s'écoulèrent sans que le Prince ne franchisse le seuil de la chapelle. Peu à peu, les murmures remplacèrent le silence. Tous se demandaient pourquoi le marié tardait autant.

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