CHAPITRE 3

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CHAPITRE 3

Heureux comme des Rois, les parents de Philibert-Armand se hâtèrent d'organiser les noces. Ils voulaient offrir aux tourtereaux un mariage somptueux, joyeux et cosmopolite, où les nobles de la Cour du Pays de Providence se mélangeraient aux nobles des Cours étrangères ainsi qu'à des notables, des commerçants et quelques paysans représentatifs de leurs corporations et choisis sur le volet. C'était aussi cela le Pays de Providence ; un accueil simple et identique pour les plus riches comme pour les plus modestes.

Ainsi, partout dans le Pays de Providence et dans les Royaumes gouvernés par des souverains de même lignée, la date de cérémonie fut annoncée. Le messager royal reçut l'ordre d'atteler son cheval et d'apporter l'information aux têtes couronnées et à leur progéniture. En parallèle, un décret général fut diffusé dans les campagnes par les "Porteurs de Haute-Voix", qui à l'époque transmettaient de vive voix les événements à venir dans le Pays de Providence et communiquaient les nouvelles importantes, les arrêtés et les lois, les avis de recherche et tout ce qui devait se dire, s'entendre ou se savoir sur les places publiques, à jour et heure donnés.

Dans le communiqué lu par "Porteurs de Haute-Voix", fut stipulé que pour les épousailles du Prince Philibert-Armand, le Roi et la Reine souhaitaient la présence de trente représentants du peuple élus par leurs pairs. À savoir, dix notables désignés par leurs pairs, dix commerçants et dix paysans, hommes ou femmes âgés de seize à quatre-vingt-dix-neuf ans. Ils précisaient que les votes se feraient au sein de chaque corporation et qu'ils n'interviendraient d'aucune manière dans ce choix collectif. De plus, concernés par la maladie de leur fils, les Souverains précisaient que les infirmes ou les malades chroniques — pour peu qu'ils soient transportables et n'exigent pas de soins particuliers — pouvaient prétendre à l'élection et seraient bienvenus.

À la toute fin, le "Porteur de Haute-Voix" avait précisé que les élus séjourneraient au château six jours avant la cérémonie afin que les couturières royales aient le temps de leur coudre des habits sur mesure, selon leurs préférences. Par cette annonce, les souverains souhaitaient que notables, commerçants ou paysans participent au mariage princier en étant à l’aise au milieu des nobles et des têtes couronnées qui partageraient avec eux ce moment unique et mémorable.

Dans les maisons du Pays de Providence, ce fut l'effusion, le branle-bas de combat, l'effervescence puisqu'il s'agissait d'élire des personnes talentueuses et représentatives de chaque communauté. Ce n'était pas rien. Le mariage de Philibert-Armand dont chaque habitant du Pays de Providence déplorait le pauvre état depuis la naissance, était l'événement le plus attendu et le plus heureux depuis des décennies. Le choix devait donc se faire avec sagesse et discernement. Dès le lendemain de l'annonce, les familles, les associations et toutes les confréries se rassemblèrent entre eux pour réfléchir aux candidats potentiels.

Ainsi, les notables votèrent pour les notables. Les commerçants en firent autant et les paysans, de même. D'évidence, dans chaque groupe, les avis étaient partagés et les prétendants ne faisaient pas l'unanimité. Les différences d'opinions générèrent quelques discordes, mais les huissiers du Pays de Providence réalisèrent des tableaux de notation permettant de sélectionner les candidats selon leurs motivations, leurs caractéristiques, leur savoir, leur loyauté, leur réputation, leur statut, leur investissement associatif, leur participation active dans la cité, leurs initiatives locales ou leurs innovations.

Les postulants étaient nombreux à s'inscrire pour être élus, mais beaucoup ne répondaient pas aux critères demandés. Notée au-dessous de la moyenne, la majorité fut éliminée au premier tour. Au deuxième dépouillement, les trente personnes les mieux classées obtinrent le droit de demeurer six jours durant au Château et prendre part aux festivités. Trente chanceux, dont un tiers étaient des femmes, s'apprêtaient à vivre un moment exceptionnel. Les habitants du Pays leur organisèrent des banquets pour les féliciter et les fêter dignement. Ce fut l'occasion pour les trente bienheureux d'entendre mille recommandations sur les us et coutumes du château et d'apprendre les règles du savoir-vivre à la Cour.

Parmi les trente élus, une paysanne de dix-huit ans fut choisie pour sa personnalité et son savoir-faire médicinal. Blanche-Prudence, de son prénom, concoctait depuis ses quatorze ans des traitements préventifs et curatifs à base de produits naturels. Cette passion pour les thérapies ancestrales et les médecines douces à base de décoctions, de macérations et d'infusions profitait aux habitants du Pays de Providence qui pour certains, y avaient eu souvent recours et en étaient fort satisfaits. Le tempérament de Blanche-Prudence l'avait aussi servie pour sa sélection et sa nomination.

Blanche-Prudence s'exprimait d'une voix douce et posée. Ses gestes étaient calmes et elle avait un visage si pur, une bouche si enfantine et des yeux si clairs, que d'un seul regard les anxieux s'apaisaient, les gamins se consolaient, les vieillards s'égayaient et les malades espéraient. Par sa nature et son physique, Blanche-Prudence était déjà un remède à elle toute seule.

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