CHAPITRE 1

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CHAPITRE 1

Aux temps anciens, à une époque où Comtes, Barons, Marquis, Ducs, Princes et autres nobles avaient tous des ancêtres communs, arriva de nulle part une Princesse dans le Pays de Providence. La damoiselle se faisait appeler Berthe-Conteuse, Princesse du Pays de Maux situé en arrière des hautes rocheuses et distant de trois mois de cavalcade à travers des passages escarpés et dangereux. Elle s'était présentée au Roi et à la Reine du Pays de Providence en tenue de cavalière, sans une servante à ses côtés ni même un garde pour l'escorter.

Elle expliqua aux souverains avoir chevauché de longues semaines pour fuir les bêtes féroces qui se multipliaient sur ses terres. Des bêtes sanguinaires qui avaient tué ses parents régnant sur le Pays de Maux puis décimé une grande partie de la population. Elle disait avoir vingt ans et s'être fait voler sa caissette d'or et de bijoux par des bandits de grand chemin. Les cheveux décoiffés et le visage couvert de boue, bien que sans attrait particulier au premier abord, Berthe-Conteuse avait toutefois un je-ne-sais-quoi dans le regard et le sourire qui plut tout de suite aux souverains. Immédiatement, ils la prirent sous leurs ailes et la présentèrent en tant que Princesse du Pays de Maux à l'ensemble de leurs sujets, ainsi qu'à leur très cher fils, le Prince Philibert-Armand.

De taille élancée, un visage harmonieux et des traits fins, le Prince était bel homme malgré son apparence souffreteuse et sa toux qui ne le lâchait pas. En voyant son teint pâle et ses yeux veinés de rouge, Berthe-Conteuse se dit qu'il devait être de santé fragile. De son côté, le garçon d’un an seulement de plus qu’elle, avait jaugé l'étrangère de la tête aux pieds. Svelte, de magnifiques yeux sombres et une crinière noire aux reflets bleutés ondulant sur ses épaules, le Prince Philibert-Armand trouva que Berthe-Conteuse avait un certain charme. Et bien qu'habillée d'étrange manière, d'un pantalon de peau bouffant et resserré aux mollets, d'un veston de crin couleur d'ébène et d'une longue redingote de fourrure brune, il pensa néanmoins qu'elle était belle. Cependant, à l'inverse de ses parents, le Prince ne perçut chez Berthe-Conteuse rien de captivant ni même d'attachant. Au contraire, la jeune femme ne lui inspirait rien de bon. Il la trouva bizarre et presque... dérangeante. Ainsi, quand Berthe-Conteuse fit un sourire en lui tendant la main pour qu'il la baise, le Prince Philibert-Armand toussota derrière son poing et la salua brièvement.

Ce peu d'intérêt à son égard offusqua Berthe-Conteuse. Épaules en arrière, sa poitrine se souleva, sa bouche se crispa, ses narines se dilatèrent et ses pupilles se firent plus ténébreuses. Mais alors que le Roi et la Reine ne remarquèrent aucunement ce changement d'attitude, le Prince Philibert-Armand eut un frisson mêlé de peur et de dégoût face à la noirceur de son regard. Par répercussion, cela lui déclencha une nouvelle quinte de toux qui l'obligea à rapidement prendre congé et quitter la pièce, un mouchoir sur la bouche.

Désolés du départ précipité de leur garçon, le Roi et la Reine l'excusèrent en expliquant à Berthe-Conteuse que depuis l'enfance, le malheureux souffrait d'intolérances multiples. La jeune fille semblait dubitative. Son visage fermé et sa moue renfrognée incitèrent donc les souverains à apporter plus de détails.

Et c'est le Roi qui commença :

— Les uns disaient " C'est la saison nouvelle et ses pollens ! " Mais hélas, quand la saison nouvelle était finie, l'allergie persistait.

À cela, son épouse acquiesça, puis rajouta :

— Les autres prétendaient " C'est la poussière des lieux qu'il faut éliminer ! " Mais hélas, alors même que les femmes de chambre avaient nettoyé le château de fond en comble, et que chaque escarbille, chaque résidu, chaque saleté, chaque mouton avaient été scrupuleusement chassé et enlevé, l'allergie subsistait encore.

Haussant les épaules, le Roi prit le relais :

— Certains médecins avaient recommandé à notre fils de ne pas s'approcher des bêtes à poil ou à plume. D'autres lui avaient imposé un régime alimentaire spécial — écartant au fur et à mesure les produits supposés responsables des plaques rouges sur sa peau —, avant de lui interdire les aliments susceptibles de déclencher de l'urticaire. Certains encore l'avaient engagé à s'épargner les gros efforts et les fatigues inutiles, lui proscrivant toutes inquiétudes ou tensions inutiles. Cela pouvant être la cause de cette toux sèche qui l'épuisait. Malheureusement, malgré ces prescriptions et toutes ces précautions, l'allergie allait en augmentant et notre pauvre Philibert-Armand allait de mal en pis.

La Reine soupira longuement et intervint de nouveau :

— Pourtant, étonnamment et sans explication médicale ou environnementale, il lui arrivait parfois de respirer sans tousser et de ne plus se gratter. Lors de ces périodes de mieux-être, notre fils pouvait aller et venir dans les jardins en fleurs sans voir son corps se boursoufler. Il pouvait aussi manger sans se restreindre et sans que sa gorge n'enfle comme un ballon de baudruche. Pendant ces temps de répit, nous organisions de grandes réceptions. Ainsi, il lui était permis de danser avec les nobles damoiselles sans suffoquer, puis savourer les mets délicats sans étouffer et tomber en syncope. Malheureusement, l'accalmie ne dépassait guère plus d'une saison. Inévitablement, les crises revenaient en force, obligeant le Prince à s'isoler par protection.

La larme à l'œil, les souverains précisèrent à la jeune fille qui écoutait sans sourciller, que pas un docteur n'avait réussi à l'apaiser de ces maux qui l'obligeaient à s'enfermer dans ses appartements et qu’ils en étaient terriblement affligés.

L'explication convint à Berthe-Conteuse qui, la main sur le cœur, remercia le Roi et la Reine pour leur accueil si chaleureux, puis versa quelques larmes en narrant dans les détails son périple et sa très grande souffrance d'avoir perdu les siens. Touchés par son histoire et admiratifs de tant d'épreuves vécues et traversées si vaillamment, le Roi et la Reine décidèrent de l'installer dans l'une des plus belles chambres du château. D’un même élan généreux, ils mirent à son service deux soubrettes dévouées ainsi qu'un valet de pied de bel allure ; lui firent confectionner de somptueuses tenues aux reflets moirés teintées de nuit — selon ses goûts — et lui offrirent de magnifiques colliers assortis.

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Berthe-Conteuse appréciait d'être ainsi choyée et honorée. Il lui plaisait d’avoir les privilèges d'une Princesse de haut rang et elle comptait bien en profiter largement... et pour longtemps...

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