Ploc, ploc, ploc 1

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Malgré la douche froide prise le matin même, je transpire comme un porc sous ce soleil brûlant. Assise à une table dans le restaurant du bateau, je me demandais ce que je foutais dans une croisière en pleine méditerranée.

Le dernier semestre terminé, mon lit me chuchotait de le rejoindre, illuminé par des bougies parfumées, juste après une bonne et longue douche. Reposer mes muscles usés et mon pauvre cerveau lynché était mon seul objectif durant les vacances. Seulement, mes parents avaient une autre idée en tête.

A mon insu, mon pc entre leurs mains et une réservation en poche, je m’étais retrouvée sur le quai sans rien y comprendre.

Je ne leur en veux qu’à moitié. Après tout, mis à part cette chaleur insupportable, la chambre est plutôt cozy, il n’y a pas beaucoup de gosses et les femmes ont même droit à un bain de minuit dans un jacuzzi !

Même le restaurant donne cette ambiance de bien-être. Munie d’un milkshake framboise et un cheesecake oreo, je défile les reels sur Instagram, visionne-les story et like les publications intéressantes.

  • Raconte-nous ton voyage en Asie, Elyse !

Mon oreille sonne à l’entente de l’enthousiasme soudain d’une femme. Un groupe de filles s’installe à la table juste derrière moi. Leur discussion monte rapidement dans les aiguës, je sens déjà un mal de tête me menacer.

  • C’était au Kango, corrige ladite Elyse.
  • C’est du pareil au même !
  • Le Kango est en Afrique, s’éberlue une troisième fille.

A croire qu’elle n’ait jamais étudié. A force, le mythe prétextant que les américains sont tous nuls en géographie deviendra de plus en plus véridique. Le plus drôle dans tout ça, c’est que ce groupe ne m’est pas inconnu.

Voisines, puis amies et enfin de vraies inconnues, Elyse et moi. Nous nous sommes perdues de vue en grandissant. Elle, la fille autrefois invisible était devenue l’idole du collège et du lycée. Et moi, ne supportant pas le monde de la popularité, je n’avais gardé ma personne pour seule compagnie.

De longs cheveux de jais, de grands yeux noisette dont les cils étaient tellement qu’on croirait des faux – ce sont des vrais. Une bouche pulpeuse, un nez fin, une taille élancée, des dents parfaitement alignées, un grain de beauté juste en-dessous de sa lèvre inférieure…Bref, la femme parfaite, quoi. Mes amis la surnommaient « L’Idoine ».

  • Haha ! Je t’en prie, Elyse ! Avec ta beauté et tu es encore célibataire ? C’est l’hôpital qui se fout de la charité !
  • Je dirai que chacune a ses priorités.
  • Ce n’est pas tout le monde qui pense seulement aux hommes comme toi, Jade.
  • Tu dis ça parce que tu es déjà casée avec Chris, Chris.

Chris est une fille plus posée et tranquille que les deux autres. Sa vie ne se résume qu’à l’art et sous toutes ses formes. Sa passion l’a guidée par hasard aux bras de son petit copain du même nom ; Chris. C’était l’amour fou apparemment, au point de créer leur propre tableau afin d’officialiser leurs fiançailles. « C&C » était leur signature, posée délicatement au coin de la peinture.

Jade est plutôt folle ; ouverte d’esprit et aventurière. Elle n’a pas froid aux yeux et ose dire ce qu’elle pense haut et fort. Sa manie de changer d’hommes comme des chemises n’a vraisemblablement pas disparu. Et le farouche de son caractère et sa confiance en elle les attirent comme des abeilles qui, une fois piquées, tombent à ses pieds.

  • C’est toi, Mary ?
  • Bonjour, les filles.
  • Oh, ça fait tellement longtemps ! bondit Elyse de sa chaise, le regard enjoué.
  • Oui, très longtemps, réplique Chris avec un sourire aux lèvres.
  • Depuis le lycée, je crois…
  • Comment t’as réussi à te taper une croisière, toi ?

La remarque désobligeante de Jade attire les regards désapprobateurs des autres.

  • Ravie de te revoir, Jade.

J’accentue mon ton sarcastique pour qu’elle comprenne que son commentaire n’est pas du tout le bienvenu.

  • Faut croire que l’université change les gens, sourit-elle à la Signal.
  • Peut-être pas tout le monde.

Chris ricane et tente de se retenir en plaquant sa main sur sa bouche. Quant à Elyse, ses joues forment un creux pour empêcher de s’esclaffer. Une habitude qu’elle a depuis toute petite.

  • Franchement, ton manque de tact ne m’a pas du tout manqué. T’as un mec ?
  • Toujours avec cette histoire d’hommes ? rétorque Chris une fois calmée.
  • Chut la casée, je veux savoir ce qu’est devenue notre amie. Enfin, ancienne amie.
  • Votre « ancienne » amie doit prendre congé. Je vous souhaite une excellente journée.

Je tourne les talons et quitte la cafétéria.

Ce groupe-là, j’en faisais partie. Bien que des tas de choses nous séparent, on arrivait à s’entendre toutes les trois. Bien avant l’arrivée de Jade.

Une altercation avait eu lieu entre nous et depuis, quelque chose s’est brisée. Et contrairement à elle, qui préfère le crier sur tous les toits en tordant l’histoire, mon manque de confiance et ma peur de faire face à tous les jugements qui m’attendaient, j’ai préféré m’isoler et m’abandonner à la solitude.

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