Celui qui ne dit rien

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Énième soirée de beuverie avec Iblis, qui ne veut toujours pas se sortir la tête du seau. Jésus s’est pointé, solidaire, même avec son tigre qui lui rugit dans le crâne sans arrêt depuis l’autre soir. Parfois, c’est comme s’il lui parlait, le tigre. Il l’engueule. Il entend souvent des « réveille-toi », dans toutes les langues qui existent et pas que ça. Il entend aussi « aide-moi » et « reviens » et « je veux être près de toi » et « tu m’as laissé tomber » et « je te hais » et « je t’aime ». Beaucoup, beaucoup des deux derniers, surtout. Mais bon, il enchaîne tellement de soirées, de cocktails, de pilules qu’il serait difficile de dire d’où pourraient venir les mots décousus qu’il entend.

Ce soir on est chez Damian, un ami que Iblis s’est fait à la fac, il y a un moment maintenant. Un mec qui a des idées. Plein d’idées, mais toujours pas le courage de leur faire voir la lumière du jour. Un mec que tout le monde aime bien, sans savoir vraiment qui il est. Bizarrement, c’est ça que Jésus apprécie chez ce type. Ce côté mystérieux sans le vouloir, discret par défaut, juste parce qu’il n’est pas exubérant, lui. Contrairement à ce ramassis d’abrutis désabusés qui se croient drôles, avachis qu’ils sont sur les canapés fatigués de Damian… Il les entend vociférer des idioties pseudo-ironiques sur les femmes qui cherchent une indépendance « ça cache forcément quelque chose, tu ne crois pas ? », sur le sort de la Terre « de toute façon c’est peine perdue, on sait qu’on va tous crever d’un cancer métastasé alors autant fêter ça au MacDo »… Mais qu’est-ce qu’ils foutent ici, ces gens ? Il comprend à travers sa brume personnelle que ce sont juste des gens. Ce sont des gens, c’est tout. Le genre de personnes avec lesquelles il traîne tous les soirs, dont il écoute l’affligeante bêtise se déverser du gosier sans broncher. Sans participer, mais sans rien dire, pour contester, protester, s’énerver. Là, c’est peut-être le moment.

« Bande de paumés. Cracher sur les cadeaux qu’on a toujours considérés comme acquis, vous savez, c’est le vrai piège.

  • Qu’est-ce qu’il raconte, l’autre ? »

La question chargée de mépris émane d’un petit mec bouclé, qui ressemble à ce qu’on pourrait imaginer de Dorian Gray après son vœu de jeunesse éternelle : la même candeur de surface, les mêmes yeux divins, pleins d’une méchanceté mondaine et tolérée. Jésus respire lentement, le tigre feule et crache… Jésus crache. Il crache au visage de cet énergumène qui fait honte aux anges et, tout près de lui, répète dans un vénéneux murmure :

« Cracher sur les cadeaux qu’on a toujours considérés comme acquis, c’est le meilleur moyen de se reprendre son crachat en pleine gueule, quand le vent tourne. »

Le mec est resté stupéfait. Il n’a même pas essayé d’essuyer la salive qui coule maintenant sur sa joue lisse. Il reste pétrifié pendant quelques instants, tenu en joue par le regard de Jésus, et ce qu’il y voit n’appelle pas de riposte. Il se lève sans bruit, lentement, avec des mouvements d’automate et sort en laissant la porte de l’appartement ouverte. La musique se déverse dans l’escalier à sa suite.

Personne n’a bougé. En vérité, personne n’a fait attention. Tout le monde est trop occupé à regarder son téléphone, son verre, sa ligne blanche sur la table de verre, son nombril. Tout le monde sauf Damian, qu’il voit le regarder d’un air préoccupé. Tremblant de rage, le tigre dans sa tête prêt à bondir de nouveau, Jésus se précipite vers la porte également. Il faut qu’il sorte, qu’il quitte la pièce, la rue, la ville. Il faut qu’il rentre chez lui. Il faut qu’il parte.

Damian essaie de le retenir, arguant qu'il est bien trop ivre pour rentrer même à pied, qu'il peut rester, qu'il n'y a pas de problème tu sais, t'inquiète mec, tu peux prendre le canapé. Éclat.

« Mais bien sûr que si, y’a un problème ! C'est toi, le problème. C'est vous. C'est vous tous. Je veux plus vous voir. Personne. T'avais raison, Iblis, tout le monde devrait lire ton bouquin de fin du monde et se tailler les veines ensuite. On devrait avoir honte d'être ce qu'on est. Mais c'est trop tard, maintenant. Comme pour Van Gogh, c’est trop tard. On a atteint le point de non-retour, et on n’a rien dit. On peut plus rien faire pour nous. Je peux plus rien faire pour nous. J'ai rien fait jusque là, c'est pas maintenant qu'il est trop tard que je vais commencer… C'est peut-être ça qu'il voulait, papa, je sais pas. Que je fasse quelque chose. Que je dise quelque chose. Mais j'ai rien dit ! J'ai rien dit…»

Il est déjà sur le palier. Les yeux baissés, les mains tremblantes de rage contenue, il reste là, comme vissé au sol. Tout le monde s’est tourné quand il a commencé à hurler et le regarde avec l'air éveillé du dixième cocktail à 4h du matin. Iblis, prostré dans un coin et entouré de toutes les filles qui voudraient remplacer Lucie, a levé la tête en entendant son nom et ajoute son regard orange à celui du troupeau, loup camouflé dans la bergerie. Plus personne ne rit, plus personne ne danse, plus personne ne parle. Même la musique assourdissante est sans paroles.

Puis le son s'arrête. Le silence soudain sort Jésus de sa torpeur. Il leur lance un dernier regard empli d'une vraie haine recouverte d'un désespoir plus vrai encore, d'une vérité terrible et effrayante. Un effroi irrationnel. Le genre qu'on ressent sans se l'expliquer. Et Jésus disparaît dans les escaliers. Lorsqu'il atteint la rue, il sent leurs regards accrochés aux fenêtres de l’appartement, qui le suivent jusqu'à ce qu'il soit hors de leur portée. A-t-il fui, encore ?

Non.

C'est vrai après tout, il avait tout vu, tout entendu. Il savait. Il avait essayé d'apprendre à accepter, à tolérer, voire à comprendre tout ce qui n'allait pas dans ce monde malade, nécrosé jusqu'au noyau. Mais quoi ? Qu'est-ce qu'il avait fait pour que ça change ? Lui qui passait son temps à l'ouvrir pour tout et rien, qu'est-ce qu'il avait dit contre le bordel qu'ont foutu les hommes sur Terre ? Hum ? Rien. Il n'avait pas dit le mal. Dire, c'est déjà faire, mais même ça il n’avait pas su l’assumer. Il voulait pas entendre, pas voir, mais c'était déjà trop tard. Il avait voulu s'éloigner de ce qu'on attendait de lui, pour vivre une vie à lui, avancer tout seul comme-un-grand, la belle affaire ! Au milieu de tout ça, putain ! À quoi bon ? Hein, à quoi bon ? Il ne sait pas vraiment ce qu'il a fait, mais il n'a pas fui. Ce soir, en tout cas, il n’a pas fui. Il est parti avec une intention. Il ne sait plus laquelle, mais sans se l'expliquer il a la certitude qu'il va la retrouver chez lui. Il laisse déferler en lui ce torrent de rage jusque-là contenu, contre lui-même et contre le monde entier et contre tout ce qu'il y a autour et au-delà. Il laisse le barrage péter et se rend vaguement compte que quelque part, dans la rue, zigzagant entre les crottes de chien sur un trottoir en pleine nuit… il est en train de parler tout seul comme un clochard défoncé, laissant les rares passants, souvent ivres eux aussi, déconcertés, voire effrayés par la brutalité de son ton, de ses mots, quand ils sont intelligibles. Il est déchiré, il le sait. Enfin, il le savait déjà. Mais il prend pleinement conscience de l'envergure de son ivresse au moment où il se retrouve assis par terre au croisement juste avant sa rue, sans avoir eu le souvenir de cesser de marcher. Sa tête hurle, le tigre feule, il entend, il entend, ça presse là-haut, là-dedans, cette douleur qui ne l'a pas quitté depuis des mois, si forte maintenant. Laborieusement, il se redresse en s'accrochant au pare-chocs d'une voiture. D'abord sur les genoux. Déjà à ce niveau-là, le monde tourne sévèrement, et peut-être pas rond. Un dernier effort, appuyé de tout son poids sur le capot de la voiture, le remet sur ses jambes. Et puis subitement, un spasme, puis un second, d'une violence inhabituelle, le secouent et il finit par vomir ses tripes sur le trottoir. Plusieurs minutes, plusieurs spasmes passent. Des larmes perlent à ses paupières, de petits vaisseaux roses ont éclaté autour de ses yeux, là où la peau est si fine, là où l'âge se voit en premier, quand on lui en donne le temps. Le temps. Il n'a plus le temps ! Il halète, une de ses mains toujours agrippée au capot, retenant à elle seule tout son corps lourd d'inconsistance, au bord de l'inconscience. L'ivresse a ses réflexes : il essaie de prendre de grandes inspirations, pour calmer son cœur qui bat jusque dans sa gorge, et retombe à genoux, secoué de nouveaux haut-le-cœur. Mais plus rien ne sort de lui. Il reste au sol, recroquevillé sur lui-même et le front appuyé contre le bitume, les bras ramenés le long de son corps hoquetant. La posture de l’enfant, ils appellent ça, les allumés qui font du yoga. Il se dit qu’il aimerait bien retrouver l’enfant qu’il a perdu quelque part en lui, et aussitôt éructe d’une voix inintelligible « Il est mort, cet enfant ! Je l’ai laissé crever, j’ai étouffé toute sa soif d’être, toute son envie de vivre et de créer. Il est mort et en plus, il a souffert ! Merci, le monde. Merci… » Ses derniers mots sont mouillés de larmes chaudes, rageuses, ils sont pleins de bile. Ils sont la fin de sa nuit. Ils sont…

« Lève-toi, Jésus. »

Abasourdi, il lève péniblement ses yeux rougis, rétrécis par l’alcool en direction de cette voix. Cette voix si insupportablement familière. Cette voix qui gronde avec cette indestructible et irritante noblesse, qu’il n’a pas entendue depuis des années. Mais lorsqu’il voit qui se tient devant lui, à quelques pas seulement de sa silhouette pathétique, avachie sur le sol sale…

« Debbie ? »

Il n’en croit pas ses yeux. S’il y a bien une personne qu’il ne s’attendait pas à voir, ce soir, c’est Déborah. Déborah qui tend la main vers lui, ses yeux laiteux fixant un point flou autour de lui. Plus flou qu’il ne l’est. Déborah qui ne répond d’abord rien, sa main simplement tendue, ferme douceur dans le geste qui l’invite à obéir. La lumière du lampadaire derrière elle illumine sa couronne de cheveux blé, plongeant son visage blanc, ses lèvres pourpres dans une pénombre où il a envie de plonger. Une apparition, pour de vrai. Un ange.

« Ça fait trop longtemps qu’on t’attend, Jésus. Lève-toi, et marche. »

La voix est sourde, contenue. Comme si elle cherchait à étouffer un timbre trop puissant sans vraiment y parvenir. Écarquillant les yeux, Jésus tend la main vers elle et, lorsqu’il atteint celle de Déborah, dans un seul geste d’une surprenante force, le reste de son corps resté immobile, son ancienne petite amie le remet sur pied.

Il n’a plus rien à dire. Qu’est-ce qu’elle fait ici ? Pourquoi ? Comment… « Je sais où te trouver ». Elle le lui avait dit…

C’était déjà énervant avant, cette tendance qu’elle avait à avoir toujours calmement raison. Mais ce soir, c’est juste insupportable. Le rouge dans son cœur explose en volcans désordonnés, discordants. Il hurle, traîné qu’il est par cette main qui est à elle et pas vraiment. Pas celle qu’il connaît. Qu’il croyait connaître. Il hurle et pleure et crache et feule, le tigre furieux se jette contre les parois de son corps. Tout se passe en lui, maintenant. Il la hait de l’avoir trouvé dans cet état. Il se hait de s’y trouver. Et il se laisse mener, crachant, pleurant, feulant mais suivant. Suivant l’ange aveugle qui guide le saint patron des abrutis.

Forcée un nombre incalculable de fois, la porte de son immeuble n'a plus de verrou depuis si longtemps… Déborah s’arrête devant le bâtiment et le laisse avancer. Il pousse le battant, avance dans le couloir d’un pas chancelant et monte l'étage en glissant le long du mur, qui laisse des traînées de plâtre et de salpêtre sur la manche et le dos de sa chemise noire imprégnée de sueur. Il se bat avec la serrure pendant un temps inavouable, son crâne lui faisant l'effet d'une boule de bowling en pleine course vers les quilles. Il se retourne un moment. Deborah n’est plus là, elle ne l’a pas suivi… Mais aujourd’hui, qui le ferait encore ?

Quand, victorieux, il arrive à ouvrir la porte de son appartement, il trébuche et tangue jusqu'à son lit où il s'étale, sans cérémonie.


*


Putain papa, qu'est-ce que tu fous là ? S'il y a bien quelqu'un que j'avais pas envie de voir là tout de suite, c'est toi. Désolé hein, mais je suis trop paumé pour que tu viennes tranquillement poser ton cul au milieu de ma vie après tant d'années. Tu pouvais sûrement pas plus mal choisir ton moment. Bah ouais ! C'est quoi, cette tête ? Je la vois pas bien, ta tête. T'es surpris ? T'es contrarié ? Tu croyais quand même pas que j'allais crier au miracle et te sauter dans les bras en pleurant de bonheur, j'espère ! Et puis c'est quoi, toute cette lumière autour de toi ? T'es à contre-jour. Éteins-moi ça, ça me flingue les yeux ! Tu veux pas ? Bon, je te regarde pas, alors. Tu sais pas à quel point j'ai mal au crâne en permanence en ce moment. Je t'entends pas, tu sais. T'as jamais perdu cette foutue habitude de marmonner dans ta barbe, j'espère que t'as pas fini par tuer maman d'exaspération avec ça. Non, je t'entends pas. En plus y'a de l'écho quand tu parles, alors même si j'avais envie de t'écouter, je peux te dire que ce serait pas une partie de plaisir ! Tu…

Alerté par un son étrange, il s'interrompt et tend l'oreille. Des gémissements sourds, des raclements répétés. Derrière lui. Il se retourne vivement et reste médusé. Il sent son corps se crisper encore davantage en balayant des yeux le spectacle qui s'offre à lui : au delà de l'espace illuminé à l'excès par la lueur émanant du père, tout est plongé dans l'obscurité la plus totale. Un noir si parfaitement homogène. À l'intérieur de la lumière apparaissent progressivement des silhouettes qui semblent sortir des ténèbres opaques. Lorsqu'il cherche à distinguer de qui il s'agit, instinctivement il recule d'un pas, saisi d'horreur. Aucun des corps formant les foules qui maintenant s'amassent devant lui, baignés de cette lumière sans pitié, leurs voix suppliantes venant d'il ne sait où et pénétrant directement, insidieusement dans sa tête, aucun d'eux n'a de visage. Des faces sans formes, sans pleins ni creux, sans yeux, tournées vers lui comme une seule. Ils l'appellent par son prénom et lui demandent de les aider, d'avoir pitié, de les aimer. Tous à la fois. Leurs mots sont inintelligibles, mais leurs émotions le coupent comme autant de rasoirs.

Très vite, il les reconnaît et l'effroi laisse place à la colère :

Ah, vous. Tiens, j'ai un sale goût acide dans la bouche quand je vous vois. Je sais pas bien ce que vous faites là, vous non plus. Non, vous non plus, je ne vous entends pas. Vous vous êtes tous donné le mot pour me mettre hors de moi ou… ? Chaque fois que j'ai l'impression d'avoir atteint le point de non-retour, vous accomplissez un nouveau miracle en me poussant plus loin encore dans mon exaspération.

J'ai vécu des choses merveilleuses. Des plaisirs magnifiques et des moments de grâce. Des bonheurs simples, des émerveillements grandioses. Des beautés égoïstes… et même, même des mélancolies et des tristesses transcendantes. Et quand j'avais ma gratte dans les bras, je vivais très exactement tout ça à la fois, des vagues d'émotions trop diverses, épuisantes, addictives.

Néanmoins, malgré la conscience aiguë que j'ai du privilège qu'a parfois su être ma vie, malgré tout ça, les horreurs du monde ont pénétré mon univers, les malheurs de l'humain, causés par l'humain… Je tiens plus, je peux plus, vous… Vous me dégoûtez. Je vous hais désormais aussi fort que je vous ai aimés jadis. Et c'est d'autant plus terrible que j'ai jamais choisi de vous aimer. C'était une sorte de pulsion insidieuse, viscérale, incontrôlable. Un devoir. Avoir pitié ? avez-vous pitié, vous, quand vous infligez à d'autres la tâche de subir vos échecs et de nettoyer derrière vous sans jamais apprendre de vos erreurs ? Pire : parfois vous choisissez de les ignorer. Ensuite, vous pleurez… c'est toujours plus facile. Mon Amour était réquisitionné par les gens, partout, en dépit de mes efforts pour devenir le plus égoïste possible. J'ai jamais su m'en garder, je me disais aussi que ça pouvait me faire du bien. Mais quand vous cherchez l'amour, c'est seulement pour vous rassurer. Vous avez peur, tout le temps, peur d'être seuls à l'intérieur de vous-mêmes et vous faites quoi ? Vous allez chercher l'autre, lui extirper la sympathie, l'amitié, la pitié, toutes les formes d'amour tordues dont vous êtes capables, l'amour sous conditions, lyophilisé, plastifié, imperméable à la crudité effarante des vrais sentiments. Vous êtes immunisés contre la brûlure d'une émotion pure, celle pour laquelle on vous a créés, pour laquelle vous êtes faits. Vous avez eu peur, une fois de plus, c'est peut-être même la première fois que vous avez eu peur, celle qui a engendré toutes les autres et qui vous a poussés à devenir des abominations, des êtres contre nature. Ce qui me dépasse, c'est la raison pour laquelle vous êtes aussi craintifs, ce qui vous rend si perméable à la peur, votre absence de combativité face à elle. J'ai cherché à comprendre, toujours, je me suis dit qu'on en avait peut être trop attendu de vous, qu'on devait être tolérants, que vous étiez une sorte de… d'expérience ratée. Que c'était pas de votre faute, au final. Mais là je suis fatigué. J'en ai marre de me battre contre moi-même pour ne pas vous le cracher à la gueule, de me battre contre mon propre frère qui a tout compris bien avant moi et que j'ai souhaité détromper sans même y croire. J'ai même cru que la musique allait me sauver ! Si c'est pas une belle illusion, ça ! J'ai cru que grâce à elle, je réduirai au silence vos voix d'enfants gâtés, j'ai cru que grâce à elle, je pourrais être heureux, et même, même, au final, que je pourrais m'occuper de vous. Grâce à la musique. Que ça pourrait vous aider, vous aussi. Mais tout est toujours plus grave, plus difficile, plus catastrophique avec vous. J'ai cessé de vous aimer.

Vous n'en valez pas la peine !

J'ai voulu croire que j'étais "normal", que j'étais "comme tout le monde", j'avais presque réussi à me leurrer moi-même. Et puis j'ai cru que j'entendais des voix. J'ai cru que j'étais fou. J'ai cru que c'était moi le problème, j'ai eu peur, moi aussi. C'était donc vous que j'entendais. Le tigre dans ma tête. Les voix de ceux qui méritaient mon aide étaient noyées dans les complaintes égocentriques et écœurantes de ceux qui cherchaient toujours à rejeter leurs responsabilités sur quelqu'un d'autre. De préférence quelqu'un que jamais ils n'auraient l'occasion de regarder dans les yeux. Comme moi.

Non papa, ils ne méritent pas. Laisse-moi faire, maintenant, j'en ai assez de l'amour, j'en ai marre d'aimer, depuis longtemps. Aimer ça sert à rien, c'est du gâchis. Ça me fait mal et c'est tout. Égoïste ? Oui. Ah que oui, je le saisis à plein cœur, ce moment d'être enfin vraiment égoïste. Rien ne m'en empêche.

Toi ? Oui. Toi. Mais tu sais, il est fini le temps de la miséricorde, papa. L'évolution, ils appellent ça. Laisse-moi. LAISSE-MOI ! CE HURLEMENT, C'EST MON CORPS QUI SE ROMPT, C'EST MON CŒUR QUI SE BRISE, CE HURLEMENT, C'EST CELUI DE LA FIN -

Et le tigre se tait.

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