A en perdre la tête

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Je me regarde dans la glace et je ne sais plus qui je suis. J'ai l'impression de regarder une inconnue. Qu'as-tu fait de moi ?

Je me souviens de nos premiers instants. Toi, connu comme le loup blanc à la faculté, dans les soirées, partout. Tu m'intriguais, tu me plaisais. J'avais l'impression que tu connaissais tout le monde et que tout le monde te connaissait. Et moi, la pauvre fille sage et timide dont le seul but dans la vie était de ne pas faire de vague, de ne pas se faire remarquer. Le genre qui passe inaperçue. Qui aurait pu nous croire ensemble ? Personne. Pas même moi.

Tu n'étais pas fait pour moi, je le savais, je l'ai toujours su, mais je l'ai oublié. Ce jour où tu es venu me dire bonjour, je l'ai oublié. Ce jour où j'ai bafouillé, où ton charme m'a envoûté. Ce jour où tout a basculé, je l'ai oublié. J'ai été charmée, hypnotisée par ta voix et ton regard. J'étais tellement belle dans tes yeux. J'avais l'impression d'être l'élue. Tu me rendais importante, tu me faisais exister, tu me redonnais vie, tout simplement. Et j'ai oublié que tu n'étais pas fait pour moi.

Dès les premiers jours avec toi, tout prenait sens. Tu donnais du goût aux choses, tu mettais des couleurs partout autour de toi, autour de nous. On a couru sous la pluie comme des enfants. Tu m'as appris à jouer au poker et tu m'as emmenée au casino. Tu m'as appris à m'amuser. On a fait l'amour dans ta voiture. Tu m'as emmenée dans les plus beaux restaurants et j'étais alors une vraie princesse. En tout cas dans ton regard. On a partagé une barbe à papa à la fête foraine et tu m'as offert une peluche grâce au tir à la carabine. C'était tellement cliché. En temps normal j'aurais eu honte. Me trimballer aux yeux de tous avec cet énorme ours brun au cœur rouge brodé à la poitrine. Mais pas cette fois. Pas avec toi. Tu rendais le monde plus léger. Tu m'apprenais ta poésie.

Quand on marchait dans la rue et que tu mettais ton bras autour de mes épaules, j'étais si bien. Je n'aurais échangé ma place pour rien au monde. Tous ces instants, tu as été l'homme idéal et j'ai été la femme la plus heureuse. Je marchais la tête haute, j'avais le sourire. Je me trouvais belle parce que tu m'avais donné de l'importance. J'étais enfin quelqu'un, en tout cas à tes yeux.

Aujourd'hui, devant la glace, tout ça me paraît loin. Je n'ai eu de cesse de plaider ta cause auprès de mon entourage. De dire à quel point tu étais adorable, protecteur et tendre avec moi. Mais ils continuaient à te voir comme je te voyais au début. Le vilain délinquant, fumant des pétards, faisant la fête à tout va et traînant avec des gens peu recommandables. Le mauvais lascar. Je n'aurais jamais dû me laisser séduire, car évidemment tu es toujours cette personne là. Et tu m'as entraînée avec toi.

J'ai quitté ma résidence étudiante pour vivre avec toi dans ton appartement. Quand je le regarde aujourd'hui, je ne me sens pas chez moi. Comment j'ai pu habiter ici ? C'est sombre, et sale. Tes cendriers jonchent le sol au pied du canapé, près duquel la table de poker de la veille n'est pas encore rangée. Le frigo est vide, et quand il est rempli c'est par des canettes de bières. Les restes de pizza sont posés sur ta balance à peser ton shit. Ce shit que tu as tant de fois voulu que je goûte, alors que je déteste ça. La pièce empeste le tabac froid. Il y a même une bouteille de whisky par terre dans le couloir. Sans compter celle de voska, sur le balcon.

Je me suis séparée de quelques amis. A bien y réfléchir, je me suis même séparée de tous mes amis, en fait. Premièrement parce qu'à force de voir les tiens je n'avais plus le temps. Et deuxièmement parce que tu ne les aimais pas, qu'ils ne t'aimaient pas non plus, et que ça devenait pesant de me justifier auprès d'eux de t'avoir suivi aveuglément. J'ai laissé tombé les cours aussi, parce qu'avec tes soirées je n'arrivais plus à me lever le matin. Comment j'ai pu me laisser faire ? Comment j'ai pu gommer tous tes défauts et ne voir que l'homme que je voulais ?

Avec le recul, je me dis que je ne suis pour toi qu'une potiche, qu'une poupée. Et pourtant, tous tes regards. Tu ne pouvais mentir à ce point, si ?

Tu m'as quittée ce matin... Tu m'as dit que tu ne t'amusais plus avec moi. La claque. Le vide. Le déclic. C'est comme si tu me sortais d'un rêve. Ou d'un cauchemar. J'ai ouvert les yeux, enfin.

Tu ne t'es jamais rendu compte à quel point je t'ai aimé. Et que je t'aime toujours. Un peu. Je ne sais même plus pourquoi, c'est plus fort que moi. Tout au fond je te déteste. Mais dès que je te vois et que tu m'approches, je suis électrique, c'est physique. Comme si j'avais besoin de toi, de ta peau contre la mienne, de ton souffle dans mon cou, de tes mains sur moi. Tu m'as droguée. Comment as-tu fait pour me détruire à ce point ? Tu as fait de moi ton jouet. Tu m'as fait croire à une jolie vie, et j'y ai cru. Alors que tu as détruit tout ce que j'avais construit, sans que je ne m'en rende compte.

J'étais prête à tout pour toi. Peut-être le suis-je encore. Je me suis dévoilée, tu me connais par cœur. J'ai fait beaucoup de sacrifice, je me suis dévouée à toi, corps et âme. Je t'aurais suivi n'importe où, comme si tu étais mon guide, mon repère, mon maître. Tu m'as traitée comme une vieille chaussette, et là tu m'as mise au linge sale. Et pourtant, demain, dans une semaine ou dans un mois, si tu venais à m'appeler, je décrocherais. Si tu me demandais de te rejoindre, je le ferais, à n'importe quelle heure.

Ce n'est pas toi qui devais me quitter, tu ne me méritais pas. J'aurais dû te laisser depuis longtemps. Comprendre que tu me manipulais, et drôlement bien ! Tu es un monstre. Un monstre aux apparences charmantes, qui m'a dévorée. Il ne reste que des miettes de moi. Des miettes malheureuses d'une marionnette dont on s'est trop servie.

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