Un voyage inattendu

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—Admonestia ! Attendez, vous ne pouvez pas...

—Je ne peux pas ? s'écria-t-elle. Il ferait beau voir que je ne puisse pas être libre de mes mouvements sur ce navire capitaine.

 Autour d'eux, les marins avaient stoppés leur travail pour les observer. Le capitaine Froz et la donzelle qu'il escortait se disputaient une fois de plus se disaient-ils. Cela faisait une semaine qu'ils étaient partis et Augustin se demandait s'il pourrait la supporter encore longtemps. Non pas que la compagnie de la jeune femme lui était insupportable loin de là, seulement elle était bornée et rien ne pouvait la faire changer d'avis, surtout lorsqu'un petit sourire espiègle se collait sur son visage.

—Voilà une semaine que vous me séquestrez à l'étage de notre chambre. Et oui séquestrer, ce n'est pas la peine de faire ces yeux vous savez très bien que c'est vrai. Alors aujourd'hui, je prends l'air.

—Mais il en va de votre sécurité, je vous en prie écoutez-moi et revenez ici.

—Mais mon cher Augustin, n'êtes-vous pas justement chargé de ma sécurité. Vous ne vous sentez pas de taille pour me protéger ?

—Pardon ! s'offusqua Augustin. Bien sûr que si mais...

—Alors voilà qui est réglé. A présent venez, j'attends quelqu'un.

—Vous...vous avez un...un rendez-vous ?

 Elle avait vu quelqu'un sans le lui dire. Bien sûr qu'elle ne lui avait pas dit, si elle avait un galant sur ce navire elle n'allait certainement pas lui en faire part. Augustin sentait une petite lueur de déception poindre dans son cœur. Ainsi la jeune femme avait un amant et lui ne s'était aperçu de rien. Il fallait vraiment qu'il arrête de baisser ainsi sa garde, ce n'était pas de son poste. Mais c'était peut-être Ternoc, il lui faisait les yeux doux à chaque fois qu'ils se rencontraient, et elle le lui rendait bien. La voix de la jeune fille sorti Augustin de ses pensées.

—En quelques sortes, dit-elle. A vrai dire, j'ai regardé mes cartes ce matin et j'y ai vu le voyageur. Ce qui signifie, très cher, qu'une nouvelle personne va arriver bientôt.

—Bientôt ? Mais comment est-ce possible nous sommes en pleine mer, s'étonna Augustin.

 Ce dernier était plus que surpris qu'elle lui révèle ce genre de chose, en effet la sorcière n'avait pas pour habitude de lui faire partager ses dons. Il lui semblait d'ailleurs que c'était bien la première fois qu'elle y faisait allusion. D'ordinaire, elle s'amusait plutôt à le laisser penser qu'elle n'avait rien de particulier, le tout avec un petit sourire énigmatique au coin des lèvres.

 Le même sourire que la jeune fille arborait en ce moment. Qu'avait-il encore dit ? Ses yeux se noyaient dans la malice un air mutin avait pris place sur son visage, comme bien souvent depuis qu'il la connaissait d'ailleurs et cela ne disait rien qui vaille.

—Je ne sais pas moi non plus, ça pourrai être un des marins, un enfant s'il y avait eu une autre femme à bord ou bien, je ne sais pas peut-être quelqu'un a bord d'un bateau.

—Mais aucune transaction en pleine mer n'est prévu et qui pourrait bien faire une telle chose, non ce n'est pas possible, dit-il en secouant négativement la tête.

—Alors ça, dit-elle en pointant l'horizon du doigt. Qu'est-ce que c'est.

 Augustin se précipita au bastingage pour voir ce qu'elle pointait et c'est avec effroi qu'il aperçut un navire beaucoup trop proche à son goût. Il courut directement vers les appartements du capitaine pour le prévenir sans même prêter attention à Admonestia qui ne cessait de sourire. Sur le chemin il bouscula quelqu'un et ne pris pas la peine de s'excuser jusqu'à ce qu'il se rende compte que cette personne était celle qu'il cherchait.

—Il y a...un bateau qui approche, dit-il, essoufflé.

—Quel pavillon ? demanda le capitaine Ternoc.

 Augustin le regarda dans les yeux avec inquiétude puis il dit:

—Aucun.

—Des pirates, murmura Ternoc.

 Le capitaine s'élança alors sur le pont criant des ordres à tout l'équipage et en courant dans tous les sens. Il aperçut alors Admonestia appuyée tranquillement contre le bastingage comme si rien d'anormal ne se produisait en ce moment. Il lui cria alors d'aller se mettre à l'abri car elle risquait sa vie en restant si près du danger.

—Capitaine voyons, c'est trop tard, regardez au loin. Vos hommes n'auront même pas le temps de mettre un boulet dans son canon qu'ils seront déjà là, répondit-elle calmement.

 En effet, les pirates avançaient vers eux à une vitesse considérable et le capitaine eu à peine le temps d'ordonner à son équipage de prendre les armes que le navire ennemi était déjà en face d'eux, rempli de pirates armés jusqu'aux dents. Les forbans hurlèrent en les assaillants et les marins qui n'étaient pas préparés à cet assaut ne furent pas durs à désarmer. Les marins étaient encerclés et les pirates attendaient sans doute un ordre de la part de leur chef pour les tailler en pièces. Augustin et Faolan se tenaient contre Admonestia pour la cacher à la vue des brigands, tentative totalement vaine puisqu'ils avaient déjà repérés la demoiselle et que la dite demoiselle faisait tout pour se sortir de l'étreinte des deux hommes.

—Je ne suis pas en sucre, ce n'est pas comme ça que vous me protégerez bande de nigauds. Je peux très me débrouiller toute seule, c'est d'ailleurs ce que j'ai fait toutes ces années non ?

 Soudain, un passage se créa au milieu des forbans laissant passer un homme qui semblait être leur chef. Il était très grand et portait des pièces d'armure au buste et aux pieds et pourtant ses mouvements ne semblait pas en être gênés. Il avait plusieurs armes à la ceinture et une épée à l'air tranchante. Il portait sur le front, un bandeau rouge sang qui retenait ses cheveux à demi attachés. Il avait un visage carré et dur et une longue balafre bien nette le long de la joue droite.

 Admonestia s'extirpa tant bien que mal de ses deux gardiens et son visage s'illumina lorsqu'elle aperçut le pirate. Et alors, au plus grand étonnement de l'ensemble des hommes présent, y compris des pirates, la jeune femme s'avança vers l'homme et mis ses mains sur ses hanches comme une mère voulant gronder son enfant.

—John Gastin ! prononça-t-elle d'une voix forte. Vient un peu plus près que je t'admire, dit-elle doucement.

 Augustin crut d'abord que le pirate allait tuer cette jeune fille qui semblait bien présomptueuse il s'avança vers eux, mais l'homme n'en fit rien et au contraire, il obéit docilement et s'avança vers la jeune femme. La sorcière prit le visage du pirate dans ses mains pour mieux le regarder et l'homme en retour posa ses grandes mains sur les siennes, admirant la jeune femme d'un regard tendre. Augustin se décomposait littéralement sur place. Comment pouvait-elle connaître ce pirate, s'était-il fait duper par une quelconque ruse de sa part ? Si c'était le cas pourquoi l'empereur lui faisait-il confiance ? Ses questions se turent lorsque la sorcière reprit la parole.

—Regarde toi, tu as l'air si...sérieux, rigola-t-elle. Comment t'es-tu fais ça, dit-elle en caressant doucement la longue cicatrice.

—J'ai eu un petit accrochage il y a quelques années. Mais ne t'en fais Tia, ça s'est vite guérit.

—Tu m'en diras tant, je suis sûr que tu as souffert le martyr pendant des jours. Tu as tellement changé, murmura-t-elle.

—Toi pas tellement, tu es aussi belle que le jour où tu es partie, dit-il en souriant tristement. Et tout aussi téméraire à ce que je vois.

—Tu sais très bien que c'est faux, je sais toujours ce que je fais.

—Oui je sais, dit-il en lui déposant un baiser affectueux sur le front.

 Mais qui était cet homme avec qui Admonestia était si familière, elle le tutoyait même. Comment s'étaient-ils connus, ils avaient sûrement été amants autrefois. Pourquoi diable cette idée hérissait donc les poils d'Augustin ? Les amants de la sorcière devraient être sa dernière préoccupation, il devait simplement la ramener auprès de son souverain, rien de plus. Augustin allait prendre la parole pour poser des questions mais Ternoc fût plus rapide.

—Vous nous avez trahis Admonestia ? Mais comment avez-vous fait pour les alerter sur notre position ? demanda-t-il.

—Elle n'a rien fait messieurs, c'est moi qui suit venu à elle.

—Faolan je vous en prie, je m'en vais voir sa Majesté, pourquoi aurai-je fais une telle chose ? J'en attendais un peu mieux de votre part, je l'avoue, dit-elle, feignant la déception.

—Qui sont-ils ? demanda John.

—John très cher, je te présente le capitaine Faolan Ternoc et la capitaine Augustin Froz, dit-elle en les montrant de la main à tour de rôle. Le capitaine Froz m'escorte dans mon voyage jusqu'à l'empereur. Mais je crains fort que notre périple ne soit retardé Augustin. Je me trompe, demanda-t-elle en se retournant vers John.

 Augustin allait poser des questions mais encore une fois, quelqu'un d'autre le coupa dans son élan.

—En effet Tia, tu es toujours aussi clairvoyante. Cela fait trois longues années que je te cherche et crois-moi maintenant que je t'ai attrapé, je ne vais pas te laisser partir comme ça.

—Comment m'as-tu retrouvé ?

—Une voyante que j'ai rencontré dans les terres plus au sud. Une très vieille femme avec un air un peu dérangé et des yeux bleus incroyables.

—Oh, elle. C'est impressionnant qu'elle ne soit pas encore morte. Mais passons, que veux-tu ? demanda la jeune femme sans détour.

—J'ai besoin de toi pour retrouver quelque chose, quelque chose de très important. Tu sais de quoi je veux parler.

—Oui, le talisman de ta mère, souffla-t-elle. Je me doutais bien que tu finirais par le chercher. Je ne suis pas sûr mais je pense savoir où il se trouve.

 Le capitaine Froz et les deux équipages observaient cet étrange échange avec beaucoup d'intérêt, qui était donc ce petit brin de jeune femme pour connaître aussi bien un grand pirate tel que lui. Qui était-elle pour lui tenir tête ainsi ? Augustin était si pris dans ses réflexions qu'il sursauta lorsqu'Admonestia s'adressa à lui.

—Capitaine Froz, faites vos valises au plus vite et écrivez à votre roi, s'écria-t-elle. Nous allons faire un petit détour, dit-elle le sourire espiègle qu'Augustin connaissait si bien plaqué aux lèvres.

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