4.2 La promesse

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 Le garde les mena à l'intérieur, où il les fit attendre dans un couloir. De grandes fenêtres laissaient passer une pâle clarté, faisant ainsi danser les particules de poussière en suspension dans ces rais lumineux… Le temps s'égrenait lentement, entrecoupé de rares passants pour le faire passer plus vite. Alors que l'après-midi touchait à sa fin, sieur Ortaga fit signe à son fils de s'incliner au passage de deux adolescents et d'une petite fille. Ceux-ci passèrent les saluant d’un discret mouvement de la tête. Zach les suivit du regard intrigué, l'un était plus vieux que lui de peut-être deux ans, l'autre devait avoir le même âge que lui. Le plus jeune des deux, était poisseux de sueur et tenait une épée d'entraînement, la petite dernière les suivait avec un regard d'adulation dans les yeux tenant une poupée de porcelaine dans ses bras. Ils disparurent au bout du couloir laissant de nouveau les Ortaga à leurs ennuis. Finalement, l'empereur lui-même vint les chercher, accompagné de son secrétaire et de sa garde rapprochée.Il s'agissait d'un homme d'une cinquantaine d'années, qui malgré le temps passé, dégageait toujours une aura de dominance. Sa carrure imposante révélait le guerrier puissant qu'il avait dû être dans sa jeunesse. Son visage, lui, exprimait la sagesse à travers ses yeux bleus et sa barbe soigneusement taillée qui parait sa mâchoire carré. Dernier détail qui marquait ses interlocuteurs, sa couronne finement travaillée était, elle, en bois… Signe d'un souverain intègre, proche de son peuple. Ils le saluèrent comme on le devait devant une telle personnalité, puis ils le suivirent jusqu'à son cabinet.

« Sieur Ortaga. J'ai à m'entretenir de choses importantes avec vous, votre fils devra attendre à l'extérieur. Secrétaire Thims, je n'ai plus besoin de vous pour aujourd'hui. Veuillez compiler les doléances de la séance de cet après-midi et vous souhaite une bonne soirée. »

Le secrétaire hésita, il semblait estimer les risques possibles, puis se résigna sous le regard de son suzerain. Les gardes et Zach restèrent dans le corridor du palais. Le jeune homme fulminait, tout ce trajet et toute cette attente pour rester inutilement à ne rien faire... Il voulait partir à la découverte du palais, mais on ne lui avait laissé aucune indication sur la durée de l'entretien. La tentation était grande, mais il ne se trouvait pas n'importe où...

Alors que le sommeil le gagnait, la porte s'ouvrit. Son père l'invita à rentrer, celui-ci s'assit nonchalamment en travers du fauteuil. Puis il s'adressa au roi.

« Veux-tu que je lui explique la situation ?

– Non, laisse... J'ai bien pris conscience de cette nouvelle information et je viens de décider de la marche que j'allais suivre.

Zach semblait stupéfié, son père tutoyait l'empereur Larissian 1er et celui-ci ne paraissait nullement en tenir compte.

– Voyons mon garçon, ne fais pas cette tête ! Apparemment, il ne t'a jamais raconté... Ton père et moi sommes amis de longue date. Nous nous connaissions avant même que je devienne empereur. Puis, il est devenu mon homme lige de l'ombre. Avant que ce traître m'abandonne pour ta mère ! Cette dernière phrase avait été dite sur le ton de l'humour. Mais Sieur Ortaga reprit aussitôt faussement offensé.

– Tu m'as fait faire tes sales besognes pendant toutes ces années, j'avais bien besoin d'une récompense !

– Et la somme que tu as eue pour acheter ton auberge ? N'était-ce pas suffisant ? Toi qui dilapidais tout ton argent en moins de temps qu'il faut pour le dire ! En plus l'appeler le Fou du Roi...

Les deux hommes se chamaillaient comme des enfants, preuve d'une amitié sincère.

– Oui, tu as raison encore merci. Mais moi j'aime beaucoup ce nom !

– Moi aussi, il sied à merveille ! Puis, ils partirent tous d'eux en éclat de rire.

Son père se leva, servit tout le monde en vin dans de fins verres en cristal, comme s'il se trouvait dans son auberge discutant avec ses clients habitués. Larissian essuya des larmes de joie au coin de ses yeux ridés, puis continua sérieux.

– Je souhaitais investir ton père d'une dernière mission. Celle-ci est de la plus haute importance... Mais mes agents ne m'avaient pas rapporté que sa jambe lui faisait défaut...

– Je t'assure que Zacharia fera l'affaire, même s'il n'a pas encore fait couler le sang. Il est bien meilleur que je ne l'étais à son époque. La fierté transparaissait sur son visage.

– Mon lige de l'ombre actuel n'arrive pas à la réputation qu'avait ton père, et ses origine, de filou ressortent trop souvent… Aujourd'hui, à la lumière des nouvelles informations que j'ai en ma possession, je dois faire un choix. Avant tout, je dois savoir si la situation d'homme de l'ombre pourrait te convenir, tu devras dès lors me jurer fidélité… »

Le jeune homme réfléchit à toute vitesse, pesant les pour et les contre. D'un côté, il pensa à sa vie avec Lorianna, il hériterait sans doute dans quelques années d'une des deux auberges, peut-être même des deux pour y vivre une vie aisée, entouré d'une famille aimante. D'un autre côté, il pouvait choisir de suivre les traces de son père, vivre une vie exaltante. Et après tout, tuer des personnes lui semblait chose facile... Ou alors, troisième possibilité, avoir les deux son père y était bien parvenu...La naïveté prit le pas.

« Cela serait un honneur que de vous servir, mon roi. Les rêves candides de la jeunesse l'emportant, il posa un genou à terre.

– Alors qu'il en soit ainsi ! Mais laisse-moi t'expliquer depuis le commencement. Au début de ma régence, nous avons repoussé les hordes chaotiques en dehors des frontières actuelles. Mais récemment, des rixes avec les Bêtes ont eu lieu aux abords de la Gueuse. Afin d'avoir toutes les cartes en main, je me suis rendu chez l'oracle des Mères, non loin de Bangkhut. Et sa prédiction fut terrible, si les hommes ne s'organisaient pas, l'avènement de Shag'all le dévoreur de monde serait inévitable… Néanmoins, elle m'a annoncé que la solution partirait de moi, elle a vu dans ses visions des guerriers au nombre des déités qui avaient emprisonné Shag'all dans sa dimension. Peux-tu me citer ces dieux ?

– Oui, le mythe de son emprisonnement fait partie des rares légendes communes aux autres races intelligentes. Même si chacune s'attribue l'origine... Yarha, la déesse armée de sa lance, Ydhit l'archère, Ogtin le dieu épéiste, Kumir armé de sa hache et Konir vêtu de son marteau de guerre. Mais il s'agit de dieux mineurs, le dieu majeur de la guerre étant Thodos.

– Très bien, tu connais tes leçons. Mais j'aurais cru, connaissant ton père, que tu aurais su cette information… Certaines versions de la légende parleraient de Noren, dieu de l'ombre, qui régit ; mystification, vols, meurtres et autres crimes.

Dernière indication de l'oracle, elle aurait vu une pierre enflammée descendre du ciel… Le souverain ouvrit une boîte laqué contenant une petite pierre translucide tirant vers un blanc opalescent, taillé de façon particulière certains de ses bords semblaient se teinter d'autres couleurs. Elle irradiait d'une aura invisible, puissante et fascinante… Il referma le boîtier, stoppant l'attrait irrésistible qu'éprouvait le jeune homme.

– Elle se trouvait dans les trésors royaux depuis sans doute des siècles. Pour les hommes, elle n'a aucun attrait, si ce n'est son ascendance. Malheureusement, nous ne savons plus comment elle nous est parvenue… Voilà où nous en sommes ! J'ai fait organiser de grands tournois dans chaque discipline sous couvert de la fête des moissons, mon fils Andol est le grand favori pour celle de l'escrime. Il ne fait aucun doute qu'il gagnera. La coutume voulant que le second fils soit destiné à l'armée et le fait que les Larissian se sont toujours impliqués pour leur peuple. Il fera partie de l'expédition pour vaincre Shag'all et toi, Zach, officiellement tu seras son page, pour moi tu t'attacheras à le protéger dans l'ombre… Le garçon resta stupéfait devant la tournure des événements, en à peine quelques heures, il était passé d'anonyme à garde personnel du prince, dans une aventure digne des chansons des bardes qu'il affectionnait. La nuit était déjà bien avancée quand ils sortirent de la demeure royale. S'arrêtant au milieu de la ruelle, son père semblait chercher ses mots tout en regardant le ciel constellé d'étoiles. Puis, se tournant vers Zacharia, il agrippa ses épaules et planta son regard dans les siens.

– Promets-moi de revenir sain et sauf, pour ta mère et moi... Fais en sorte que l'on soit fiers de toi. Puis, il étreignit son fils d'un amour paternel.

– Je te le promets père.

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