Chapitre 10

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Une fois devant cette petite maison de quartier, qui devait être la maison d'enfance d'Abel, elle était hésitante. Devait-elle vraiment faire ça ? Est-ce qu'elle aurait la force de dire la vérité à sa famille ? Sans plus attendre, elle sonna. Une vieille femme lui ouvrit, les yeux remplis d'espoir. Quand elle vu que ce n'était qu'une inconnu, elle demanda, froidement :

– Qu'est-ce que vous voulez ?

– Vous-êtes la mère d'Abel Kessman ?

– Oui c'est bien moi. Pourquoi ?

– J'ai à vous parler. Puis-je entrer ?

La vieille femme fronça les sourcils puis répliqua

– Vous ne mettrez pas un pied dans ma maison tant que je ne saurais pas qui vous-êtes.

– Je m'appelle Esther Graaf. Je suis une survivante du camp dans lequel travaillait votre fils.

À ses paroles, la mère d'Abel se sentie stupide, elle se mit à rougir, puis en lui montrant la porte, dit avec gentillesse :

– Hé bien entrez donc.

Cette maison était restée bloqué dans les années 30 ; ce fut la première chose à laquelle pensa Esther. La femme invita Esther dans le salon ; là, deux canapés trônaient au milieu de la pièce. Il y avait une télévision, beaucoup de petite voiture étaient enfermés dans de grandes vitrines longeant la pièce. De la moquette recouvrait les murs.

– Vous-voulez quelque chose ? Demanda la mère d'Abel. Du thé ? Du café ?

– Un verre d'eau serait parfait s'il vous plaît. Je ne vais pas m'attarder.

La femme partie en direction de la cuisine lui chercher un verre. « Autant en finir au plus vite » pensa Esther. Une fois revenue, la mère d'Abel tendit un verre d'eau à la jeune femme, s'assit sur l'autre canapé, puis demanda à Esther :

– Alors ? Qu'est-ce qu'il vous amène ?

– Excusez-moi de vous demander cela, mais... Vivez-vous seule ?

Le visage de la femme se changea en marbre. Ses yeux bleu se perdirent dans sa tasse de café. Au bout d'un long silence, elle répondit :

– Oui. Pourquoi cette question ? Vous pensez que les « aryens » n'ont pas perdu de la famille eux aussi ?

– Non non absolument pas ! Loin de moi cette pensée, nous avons tous perdus. J'aurais juste voulu... parler à plus de membre de la famille. Répondit Esther confuse.

– Il ne reste que moi. Mon mari et quatre de mes fils sont morts pendant la guerre ; un autre est porté disparu. Je suis seule.

Esther avait de la peine pour elle ; elle n'avait plus envie de raconter son acte criminelle tellement cette femme avait l'air malheureuse. Mais elle le savait, elle ne pouvait pas partir comme ça, elle n'avait pas le choix.

– Très bien. Écoutez, je ne vais pas tourner autour du pot, je ne veux pas vous dérangez longtemps. Je veux juste que vous sachiez comment votre fils Abel est mort.

La femme releva la tête, une lueur d'espoir se mit à jaillir du fond de ses yeux.

– Racontez-moi s'il vous plaît. Je vous en prie... On n'a jamais su, pourquoi notre fils était mort, alors qu'il n'avait que dix-huit ans.

Esther prit une grande inspiration, cacha sa peur au fond d'elle puis dit :

– Je l'ai tué ; quand j'avais douze ans.

La tasse de café se brisa entre ses doigts, Esther était sûr qu'elle allait se faire frapper, mais la femme ne fit rien ; son visage ne montra aucune réaction. Au bout de deux minutes, elle demanda à Esther :

– Racontez-moi tout.

Alors la jeune femme expliqua à la mère de sa victime comment elle avait tué un homme qui avait à l’époque six ans de plus que lui. Elle énonça la chaleur, la saleté, les cadavres de cette endroit, comment son fils avait été agressif avec son amie, le fait qu'Esther ne tenait plus à sa vie, qu'elle ne voyait plus la barrière du bien et du mal, et surtout, elle récita par cœur les dernières paroles que son fils lui accorda.

À la fin de son récit, des larmes coulaient sur les joues de la mère d'Abel ; de rage ? De tristesse ? Esther n'en savait rien et elle ne tenait point à le savoir. Ce poids qu'elle portait avec elle, qu'elle transportait depuis si longtemps avait disparue ; elle n'avait qu'une envie : quitter cette endroit. Elle se leva donc et dit :

– Je devrais vous laissez maintenant ; je ne veux pas vous déranger plus longtemps.

La vieille femme regarda sa cadette, puis dit avec sourire :

– Je suis fière de lui. Je suis fière de mon fils.

Suite à ses paroles, Esther ne comprenait pas, elle décida de s'asseoir et de laisser parler cette femme.

– Vous savez ce que signifie le prénom Abel ? Demanda-t-elle sans vraiment attendre de réponse. Le prénom Abel vient de l'hébreu « Hervel » qui renvoie à la fragilité. Mon fils était un grand fragile, il avait un grand cœur. Dans l'ancien testament, Abel n'est autre que le second fils d'Adam et Eve. Eh oui, vous l'avez sans doute compris, nous étions une famille juive. Durant la monté au pouvoir d'Hitler, nous nous sommes rangés au côté des aryens, nous avons fait comme tout le monde pour rester en vie. Nous nous sommes cachés, nous avons même envoyer un de nos fils, tuer les siens. C'était la couverture parfaite ; personne ne pouvait nous soupçonner. Abel était juif, et il le savait, durant son travail à Auschwitz, il m'envoyait des lettres une fois par semaine. Il me racontait les horreurs qu'il était obligé de faire, les cadavres au quotidien, les meurtres qui étaient devenus quelque chose de naturel. Abel était sensible, et il ne me le cachait pas ; tous les soirs, il implorait dieu de le pardonner des atrocités qu'il commettait, tous les soirs, il pleurait dans son lit, et tous les matins, il vomissait de dégoût avant de partir travailler. Alors oui, je suis fière de mon fils, fière qu'il soit mort avec dignité, qu'il soit mort par la main d'un enfant plutôt que par pendaison, afin de payer les crimes qu'il a commis. Vous pouvez être fière de vous d'avoir tué un soldat SS alors que vous n'aviez que douze ans ; mais malheureusement, vous avez tué un innocent. Maintenant sortez de chez moi.

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