Aux amants
Penser à réciter un poème de voyage
au banc de pierre
Penser à faire respirer le parfum de la fleur licencieuse
à la vierge noire
Avant que de solitude rompus les amants ne se prennent
à rêver qu'ils sont deux
quand ils ne sont que folie
Penser à jouer avec les mots
à gifler la tendresse
à torturer les caresses
Penser à transpirer d'indécence
à se farder de malfaisance
Avant que d'innocence convaincus les amants ne se prennent
à rêver la douceur d'aimer
quand ils ne sont que violence
Penser à extraire le venin des chansons tendres
à redorer les cadres
des anciennes blessures
Penser à humilier la beauté
à tordre l'âme pour exprimer
les eaux de souffrance
Avant que d'espoir caressés les amants ne se prennent
à rêver d'éternité
quand ils ne sont que passé
Penser à couvrir les lits d'abandon d'un drap noir
Penser à étouffer les cris du corps qui exulte de joie
Penser à déterrer le silence enseveli sous les « je t'aime »
et surtout penser à penser
Avant que d'extases emportés les amants ne se prennent
à oublier que l'amour
chuchote avec la mort
Et pourtant
Penser à relire ce vieux livre
Penser à ne pas renoncer
Penser à réveiller la vie au creux de chaque ride
à s'épuiser d'émotion au coeur
de chaque baiser
Penser à tout réinventer
Avant que de désillusion martelés les amants ne se prennent
à hurler de rancune
alors que le rêve se sera brisé
ils dirons souffrir
repus de suffisance
ils chériront leurs larmes esthétiques
Mais à aimer ne se seront point risqués.
Marie Tournelle
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