S'il était encore là

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Chorydia s'arrêta devant le carré qu'elle visitait désormais chaque semaine.

Le soleil tapait fort sur sa tête mais elle le remarquait à peine. Au loin, une ligne fleurie séparait son sanctuaire des zones voisines. Des enfants bavardaient bruyamment. Mis à part eux, le silence. Rien ne devait perturber son précieux dialogue hebdomadaire. Çà et là, des touffes d'herbe apportaient une touche rassurante à ce rassemblement de morts.

Phronia. Bien sûr. La grande soeur fière et forte, qui n'avait à aucun moment de sa vie fléchi devant le danger. Comme elle lui manquait ! Disparue ainsi qu'un nuage soufflé par le vent. On lui avait dit qu'elle aurait des nouvelles de l'enquête sur sa mort mais personne n'était jamais venu la voir. Peu lui importait, de toute façon. Phronia était partie et rien ne pourrait la faire revenir.

Chorydia tremblait en y repensant, en se disant que désormais elle était seule. Seule au travail, seule à la maison, et seule dans ce cimetière. Pourtant les employés venaient toujours à l'atelier, la bonne Annie vivait toujours dans leur domicile commun, et les enfants piaillaient toujours plus fort devant les fleurs désolées. Mais rien n'y faisait, elle n'arrivait pas à se sentir dans le même monde que toutes ces personnes. Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé !

Sophia. Sa sœur de père et de mère, qui avait tout vécu avec elle et qui, quelque part, savait. Savait son plus grand secret. Elle aussi, malgré son jeune âge, avait tenté de la protéger à plusieurs reprises. Chorydia se sentait impuissante et honteuse. Comment avait-elle pu laisser le bébé de la famille se mettre en danger ? Une mort à dix-huit ans. Voilà tout ce que la malheureuse avait récolté de ses efforts surhumains pour faire d'Ivalice un monde meilleur.

Toujours tremblante, Chorydia se dirigea cette fois-ci vers la tombe du professeur. Elle voulut entamer son discours habituel mais les mots lui nouaient la gorge, et bientôt elle ne put plus tenir sur ses deux jambes. Tombant à genoux devant la pierre où était inscrit son nom, elle ne put que contempler chaque lettre, bouche bée, et repenser à tous leurs souvenirs communs.

Tel une montagne faisant face aux duretés de la vie, tel un fleuve qui serpentait habilement entre tous ses obstacles, le professeur avait tout simplement été le pilier de son existence. S'il avait été là, elle n'aurait pas été dans cet état d'hébétement quotidien. S'il avait été là, elle aurait mille autres projets, et l'énergie d'en accomplir dix fois plus. S'il était encore là, rien qu'un petit instant, il et elle auraient trouvé une manière d'assumer ce secret, et d'en faire la plus belle chose qui fût.

Mais il n'était pas là. Il s'en était allé presque sans prévenir. Et bien qu'il n'aurait pas été d'accord, rien ne lui était plus cher en cet instant que d'aller le rejoindre, au côté de cette tombe muette et perturbante.

Au bout d'un moment, elle se leva, n'ayant aucune notion du temps, balaya ses larmes d'un revers de manche et se racla la gorge pour pouvoir mieux respirer. C'est alors qu'elle remarqua, tapie au coin du carré, une silhouette masculine qui lui fit retenir son souffle. Faisant un pas en avant, Chorydia écarquilla ses yeux et sourit.

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