Chapitre 4: Bienvenue chez les Fératih

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    Anna avait sombré dans un profond sommeil après avoir ingéré la pilule que Thraän lui avait donnée.

Ça y est, le moment fatidique arrivait… Cinq vaisseaux prenaient leur envol et commençaient à quitter la Terre avec, à leurs bords, ces gens qui avaient été capturés, dont Anna et les enfants.

Mais un seul était toujours au sol, le plus gros d’entre eux, celui qui émettait des faisceaux d’énergie bleue dans le ciel. Ce vaisseau titanesque, beaucoup plus gros que les autres, avait une tout autre particularité que les autres appareils. Il avait été baptisé le « destructeur de mondes ». Il ne servait pas comme les autres appareils à transporter des populations. C’était un ravitailleur où étaient entreposés les armes, les navettes, tout l’approvisionnement matériel du contingent. Et comme son nom l’indiquait, il avait pour mission de réduire en poussière les planètes après que tous les autres vaisseaux aient décollé.

Il avait emmagasiné une telle puissance, que des faisceaux lumineux qu’il émettait, jaillissait toute l’énergie provenant de la Terre. C’est donc la raison pour laquelle tous les moyens de communication à terre avaient été coupés : les cabines téléphoniques, les voitures, les téléphones portables, la radio, la télévision, etc. Mais ce n’était pas le plus inquiétant…

Quand tous les appareils s’étaient suffisamment éloignés, le gros vaisseau s’arrêta de diffuser les faisceaux dans le ciel puis à son tour, il commença à s’élever dans les airs et lorsqu’il entra en orbite alors là, sa mission était enfin accomplie et la Terre implosa !

Un seul de ces vaisseaux destructeurs n’était pas suffisant pour détruire une planète entière. Il n’était pas le seul destructeur implanté, car sur chaque continent que la Terre abritait, le même épisode s’était produit.

Les vaisseaux étaient synchronisés et avaient tous emmagasiné une telle énergie qu’ils firent imploser simultanément la planète tout entière.

Les faisceaux d’énergie qui se dégageaient vers le haut de leurs parties supérieures redescendaient diamétralement jusqu’à leurs parties inférieures en formant un laser bleu qui pénétrait directement dans le noyau de la Terre.

Nous avions été envahis par ce peuple et notre planète était désormais rayée de l’Univers !

˜

    Je me réveille brusquement en sursaut, comme si j’étais en plein cauchemar… Tout est bien réel autour de moi. Ma douleur à la poitrine a disparu. Je me suis endormie pendant un petit moment selon moi, pourtant j’ai l’impression que nous sommes déjà arrivés dans cet endroit.

    Des dizaines de gardes se hâtent de conduire tous ces gens à l’extérieur de la salle en réempruntant le chemin par lequel nous sommes arrivés dans le vaisseau.

Je suis toujours assise. L’un d’eux saisit mon bras et m’oblige à me relever. Je dois suivre le groupe…

    Arrivés à l’entrée, nous quittons le vaisseau. Nous empruntons un immense couloir sombre qui se sépare en deux directions. Il y a une file gauche et une file droite...

Le garde qui vient d’inspecter mon bras gauche puis mon bras droit, m’a brusquement dirigé vers la file de gauche. A mon niveau, mais sur la file de droite, j’aperçois le militaire, N. Tobias, qui avait veillé sur moi lorsque je m’étais évanouie dans la grande salle où nous étions détenus.

    — Est-ce que tout va bien ? Ils ne vous ont pas fait de mal ?

    Il ne sait pas quoi me répondre. Il semble terrifié et porte ce symbole étrange sur le bras.

    — J’y survivrai…enfin, j’espère…

    Là, les deux files avancent chacune vers deux directions.

    J’emprunte la direction de gauche et à ce moment précis, j’étais loin d’imaginer que mon calvaire commençait…

La file de gauche était en fait réservée à ceux qui allaient servir d’esclaves, les sous-fifres, ceux qui n’étaient pas marqués au fer. Et dans la file de droite, les individus étaient destinés à être vendus ou à devenir des élus. Ils avaient bien entendu été marqués de l’empreinte du seigneur qu’ils servaient désormais. Mais ça, je ne l’appris que bien plus tard.

Une chose est sûre, je ne revis plus jamais ceux de la file de droite… Quant à moi, je m’engouffrais dans la file des esclaves, condamnée à une vie de servitude atroce alors qu’initialement ce n’est pas ce qui était prévu selon Thraän…

    Les soldats nous distribuent d’infâmes guenilles que nous devons enfiler. Ils nous arrachent nos bijoux et les jettent au feu. Ils nous dépouillent de tout ce qui n’est pas nécessaire et balancent nos affaires dans ces immenses braseros. Puis nous quittons le couloir pour arriver face à ce sinistre paysage...

D’impressionnantes montagnes noires se dressent autour de nous. Il n’y a aucune végétation et le temps parait si couvert, si sombre, comme si le soleil n’allait pas tarder à se coucher. Cet endroit est si inquiétant. En plus, dans le ciel, je repère ces trois lunes ou ces trois planètes qui semblent être assez proches de nous. J’ai même l’impression de pouvoir les toucher. En fait, je n’ai aucune idée de ce que ça peut bien être, car je n’avais jamais vu une chose pareille sur Terre.

Nous sommes tous transportés dans des espèces de chariots boueux tractés par deux créatures étranges. On aurait dit des tricératops, mais beaucoup plus costauds et croisés avec je ne sais quelle autre chose. Ensuite, nous sommes emmenés au pied de l’une de ces montagnes où il y a ce passage que nous empruntons tous.

    Je suis à l’intérieur d’une sorte de mine qui s’élève sur plusieurs niveaux, plusieurs étages. Il y a des centaines, voire des milliers de personnes regroupées dans cet endroit. Ils nous regardent tous avec cet air terrifié. Certains creusent avec ce qui peut s’apparenter à des pioches, d’autres transportent dans leurs dos d’énormes sacs de pierres d’un noir étincelant.

Des créatures dégoutantes qui s’apparentent à des orcs patrouillent dans la mine, des fouets à la main. Cet homme, Thraän, m’avait pourtant affirmé que je n’avais rien à craindre, mais je suis très vite persuadée du contraire. Le salaud s’est bien moqué de moi !

    Et c’est ainsi que pendant des jours, enfin, je ne sais pas combien approximativement, puisque j’en ai un peu perdu la notion du temps, je servis d’esclave dans cette mine à creuser et à transporter ce minerai dont je ne sais pas à quoi peut bien servir son usage.

Je veillais toujours à me tenir à carreau pour ne pas subir la colère d’une de ces créatures immondes et pour ne surtout pas gouter à la violence de leurs coups de fouet.

Et puis, quelque temps après mon arrivée, je sympathisais avec un vieil homme. Son nom est Makârus. Il ne parle pas ma langue, mais l’on arrive tout de même à se comprendre en communiquant par des gestes. Il est très chétif, la peau légèrement mate et les cheveux blancs. Je ne sais pas d’où il peut bien venir, mais une chose est sûre, je l’ai adopté tout de suite et il m’a adopté également.

Nous sommes devenus amis. Il veille sur moi et pense toujours à moi, même quand vient le moment où les surveillants nous versent dans de grandes mangeoires ces espèces de bouillies dégoutantes. Pendant ce temps-là, je m’éloigne des autres et je les observe tous en train de se vautrer sur cette nourriture infâme ! Ils sont tous là à se battre et à se piétiner pour en avoir plus que les autres. Même des animaux sont plus disciplinés !

Personnellement, je n’arrive pas à ingérer cette bouillasse écœurante, mais le vieil homme, lui, pense toujours à moi et m’en rapporte toujours un peu dans une sorte de petite coupelle. Et même si je ne veux pas manger, de toute façon, il finit par me forcer !

    J’ai l’impression d’être ici depuis des années alors que je viens d’arriver. Les journées sont si longues…

Le vieil homme et moi, nous travaillons en binôme. Je creuse pour récupérer le minerai tandis que lui transporte l’énorme sac sur son dos, puis nous abordons ensuite la grande montée qui mène à l’entrée de la mine. Nous devons alors vider le sac dans une sorte de carrière et ainsi de suite.

    Ce jour-là, en revenant dans la mine, nous croisions un jeune homme recroquevillé sur le sol, son sac de minerai renversé. Le malheureux était en train de se faire fouetter à mort par une de ces créatures. L’homme hurlait de douleur sous les coups de fouet, mais personne ne pouvait lui venir en aide, car nous étions beaucoup trop terrifiés et affaiblis pour l’aider !

En y repensant, cette scène horrible me donne encore des frissons dans le dos, mais même avec toute la bonne volonté, je ne pouvais rien pour le pauvre homme. Ce genre de scène se répétait assez souvent, nous en avions désormais l’habitude. D’ailleurs, quelques jours après, il fallait que ce soit notre tour…

˜

    Nous venons de nous réveiller. Pas le temps d’émerger, il faut déjà se remettre au travail.

Makârus et moi nous avons terminé de remplir notre sac pour l’acheminer à la carrière. Nous empruntons la grande pente qui nous conduit dehors et là, nous croisons sur notre chemin le grand orc qui se fait un malin plaisir à s’acharner sur tous ces gens.

Makârus n’est pas en pleine forme. Il transporte au ralenti le sac de pierre sur son dos. Il est si faible qu’il s’arrête d’un coup et tombe les genoux au sol en laissant le sac de cailloux se déverser intégralement à terre.

Je le supplie de se relever, car je crains que la créature ne s’en prenne à lui, mais il est trop tard ! La bête, qui a vu la scène se rapproche de nous. Elle donne un violent coup de pied dans l’abdomen de Makârus qui est encore à terre, en lui faisant comprendre de se relever sur-le-champ, mais impossible. Il n’y arrive pas.

La créature brandit son fouet et s’apprête à corriger le vieil homme quand tout à coup une voix retentit… Un seul mot a été prononcé. La créature range aussitôt son fouet.

    Deux hommes se tiennent immobiles derrière elle, des soldats en armure. Je les avais déjà vus auparavant. Ils étaient venus me chercher pour m’emmener parler à Thraän dans le vaisseau, juste avant que nous n’arrivions ici.

Les deux hommes s’adressent à cette créature qui ne tarde pas à s’en aller en descendant la pente dans le sens inverse. J’ai l’impression qu’elle nous en veut terriblement. Je sens de la méchanceté dans son regard.

    Une fois qu’elle s’est assez éloignée, je me baisse aussitôt pour aider le vieil homme. Il est si faible qu’il n’arrive même pas à se relever.

Les deux hommes s’avancent vers nous. L’un d’eux s’accroupit juste devant moi : « Comment t’appelles-tu ? Sur quelle planète as-tu été trouvée ? Qui est le Seigneur que tu sers ? », me demande-t-il.

Je ne lui réponds pas. En fait, je fais semblant de ne pas comprendre ce qu’il me dit et à première vue, il n’a pas l’air de se souvenir de moi après tout ce temps…

Je ne sais pas exactement ce qu’il me veut, mais après tout, je m’en fiche, alors je continue d’aider le vieil homme.

Le jeune homme voit bien que je ne suis pas très coopérative, alors il n’insiste pas. Il se relève lentement tout en me regardant curieusement, puis il s’adresse à l’autre homme un court instant. Ensuite, ils partent tous les deux. Là, je lève la tête et je les regarde s’éloigner.

Mais que me voulaient ces hommes et pourquoi m’ont-ils posé toutes ces questions ? Peu importe, je suis résignée à mon triste sort et ça n’a plus d’importance maintenant, car je commence déjà à m’habituer à la vie misérable que cet endroit me réserve.

    Je réussis à relever Makârus et je l’accompagne derrière un énorme roc. Là, il est dissimulé à la vue des surveillants et il peut se reposer quelques instants.

Après avoir avait repris ses esprits, vient le moment de la distribution de la bouillie, alors je lui en apporte un peu et je veille sur lui. Plus tard, je finissais par m’endormir à ses côtés.

    Après quelques heures sûrement, le cor retentit soudain et il faut retourner au travail. Je me retourne, mais Makârus n’est plus là.

Je me lève et je vais rejoindre les autres qui sont tous attroupés. La plupart d’entre eux scandent tous des mots que je ne comprends pas, mais d’autres parlent ma langue alors je leur demande ce qui se passe sans avoir de réponse.

Là, j’arrive à me glisser à l’intérieur de la foule, car je ne voyais rien d’où j’étais. Le grand orc est là, debout sur des caisses où il a grimpé. Il s’exprime à la foule.

    Soudain, mon regard se pose sur sa main gauche. Il tient une tête décapitée et derrière lui, il y en a d’autres, accrochées à des pics. Et en insistant bien, j’aperçois celle de mon pauvre ami Makârus…

Le vieil homme a été décapité ! Cette créature hideuse a tué mon seul compagnon, le seul homme en qui j’avais désormais confiance !

J’ai tout à coup, une envie subite de vomir et des envies de meurtre ! Je n’ai qu’une seule envie, c’est de tuer ce monstre ! Je suis sous le choc et j’en ai les larmes aux yeux. Je suis totalement déstabilisée et bouleversée par ce que je viens de voir. Mais très vite, je préfère intérioriser toute cette fureur et je cherche un moyen de me venger…

    Je m’éloigne du groupe en attendant qu’il finisse son speech et plus tard, alors que tout le monde était endormi, je décidais d’élaborer secrètement un plan pour mettre ma vengeance à exécution ! Je veux venger ce pauvre Makârus et j’ai décidé de me rebeller, mais à quel prix ?

    Le cor retentit, je me remets au travail au premier niveau de la mine où le vieil homme et moi avions l’habitude de creuser.

J’essaye de me remémorer les étapes du plan, mais tout se bouscule et au même moment, le monstre pointe le bout de son nez et se dirige dans ma direction !

Là, je sens un mélange de colère et d’adrénaline monter en moi ! Je perds très vite mon sang-froid. Je deviens folle, presque hystérique, en repensant à ce qu’il a fait à mon ami.

Cette pioche est la seule arme dont je dispose. Je le surveille discrètement et j’attends le moment opportun…

Il vient de passer derrière moi. Je prends mon courage à deux mains, je me retourne sur-le-champ et je lui porte un violent coup de pioche dans le dos.

Le surveillant tombe instantanément à terre. J’étais persuadée de lui avoir porté un coup fatal, mais en réalité, je n’y étais pas du tout.

Il se relève lentement et se retourne vers moi. Il semble très désappointé. J’avance à reculons. Je suis terrifiée, car la chose se rapproche de moi. J’avoue que je regrette déjà mon geste...

Il me flanque une gifle en pleine figure avec une telle force que je suis violemment projetée à terre. Il s’avance encore jusqu’à moi, me relève et me bat à mort. Je n’ai plus la force de lutter, pourtant je le supplie de ne pas me tuer.

Nous sommes arrivés sur une espèce de galerie donnant sur l’extérieur de la mine. La créature m’empoigne alors par la gorge. Je sens que je n’en ai plus pour très longtemps…

˜

    Edhän et Wi-Krick avaient été missionnés par Thraän. Ils avaient pour ordre de retrouver la jeune femme qui avait étrangement disparu depuis son arrivée sur Nosfuria.

Anna était introuvable et son protecteur s’en voulait terriblement de ne pas avoir tenu sa promesse.

    Thraän accompagné de ses deux hommes les plus fidèles se dirigeaient à toute vitesse sur leurs montures en direction de la mine de kupryon et au loin, ils apercevaient la scène. Ils constataient très rapidement que le surveillant était en train de massacrer la jeune femme sous le regard amusé de ses semblables qui l’encourageaient.

« Thraän, nous devons faire vite sinon, il sera trop tard ! », s’écria Edhän.

    La créature chopa Anna par la gorge. Elle lui porta un violent coup de tête au visage et l’éjecta à quelques mètres plus loin sur le sol.

    À ce moment précis, les trois hommes arrivèrent à la mine. Thraän descendit de sa monture à toute allure. Et en quelques secondes, alors qu’il était encore à bonne distance, il projeta l’hoyük contre la rocaille. Il lui porta, à son tour, un violent coup de tête en plein visage, puis il plaça sur son abdomen une étoile de skâla, une sorte de petite grenade explosive en forme de triskèle. Du sang se mit à dégouliner instantanément de chacun de ses orifices puis elle s’écroula à terre.

    Les deux autres hommes qui l’accompagnaient étaient déjà aux côtés de la malheureuse qui gisait inconsciente sur le sol, le visage tuméfié. Wi-Krick dispersait la foule, tandis qu’Edhän s’agenouillait à côté du corps.

    Après avoir réglé le compte de la créature, Thraän partit les rejoindre. Il s’accroupit et observa la jeune femme avec ce sentiment de l’avoir trahie. Puis il la prit dans ses bras et constata, d’un air abattu, les multiples blessures qu’elle possédait sur le visage et sur son corps.

    Edhän se releva et donna un ultimatum à Thraän qui était pourtant son supérieur : « Thraän, il lui faut un caisson immédiatement ! Je viens de lui faire un scan… Ses blessures sont trop importantes. Ses fonctions vitales sont au plus bas, ses lésions sont beaucoup trop profondes et ses membres ont été brisés… Je doute qu’elle puisse survivre à cela et si c’était le cas, elle ne pourrait plus jamais remarcher ! »

    Thraän regardait la pauvre Anna d’un air dépité. Il hésitait un instant, car un caisson pourrait certes la sauver, mais en revanche, il ne savait pas ce que l’effet de celui-ci pourrait provoquer sur un humain.

    — Thraän, que décides-tu ? lui demanda Edhän d’un air impatient.

    Il y eut un grand silence, mais après quelques secondes d’hésitation, il acquiesça.

    — Très bien, ne perdons pas de temps !

    Thraän reprit cet air sévère. Il porta délicatement Anna dans ses bras jusqu’à sa monture où il la déposa. Ensuite, il monta à son tour et repositionna la jeune fille qui se trouvait devant lui, de façon à ce qu’elle soit blottie contre lui, puis ils partirent tous les quatre pour l’acropole.



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