BALA et AMBA escroqués sur Internet

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Quelques jours plus tard, Amba reçut dans sa boîte à lettres la lettre d’audience de l’ambassade du Canada au Cameroun. Amba et Bala convoquèrent leurs deux camarades de classe qui avaient accepté de se joindre à eux pour l’aventure de l’Amérique. Ils définirent les modalités du voyage pour Yaoundé, la capitale du Cameroun où se trouve le Haut-Commissariat du Canada. De Guider à N’Gaoundéré, ils mirent trois heures d’horloge à bord d’un autocar d’Atlas Voyage et de N’Gaoundéré, ils passèrent toute une nuit dans le train pour atteindre Yaoundé aux environs de dix heures du matin. Epuisés par ce long voyage, les quatre amis passèrent la nuit dans un hôtel de la place pour un peu se délasser. Le lendemain, ils se rendirent à l’ambassade aux fins d’entrer en possession des papiers de voyage pour l’Amérique. Ils y furent accueillis par une Secrétaire :

«Que puis-je faire pour vous ? demanda la Secrétaire aux quatre messieurs qui venaient d’entrer dans son bureau.

- Voici notre lettre d’audience, fit Amba, tout en lui tendant le document d’un air apeuré. »

Elle prit la lettre d’entre ses mains, la lut et leur répondit :

« Nous n’avons reçu aucun document relatif à cette lettre. A notre connaissance, il n’existe pas d’ONG canadienne dénommée Action et Assistance. Bien plus, cette pièce que vous me présentez n’est pas authentique. Elle a été téléchargée. Les documents téléchargés ne sont pas encore juridiquement valables au Cameroun. Je vous prie de bien vouloir vous adresser rapidement à celui qui vous l’a délivrée et, lorsque vous aurez encore besoin de nos services, n’hésitez pas à revenir nous voir. Nos portes vous sont ouvertes. Merci et bonne journée.

- Madame, nous vous remercions pour votre amabilité. »

Une semaine plus tôt allaient bon train les préparatifs de ce voyage qui semblait être annulé par la réponse de la Secrétaire de l’ambassade. Une fois sa prière achevée, Amba s’assit sur une natte pour égrener son chapelet. Assis en face de Bala, il saisit ensuite son portable et appela tour à tour leurs deux meilleurs amis Adamou et Koulagna. Quelques temps plus tard, après le salamalec d’usage, Adamou traversa la première porte du « djaoulerou » et prit place à côté d’Amba. Une demi-heure plus tard, le groupe était déjà au complet. Ils avaient voulu se retirer dans le djaoulerou loin du bruit de la télé du salon pour pouvoir peaufiner dans le silence du djaoulerou leur projet de voyage. Une fois les longues salutations d’usage terminées, Amba déclina à ses amis l’objet de leur rencontre en ces termes :

« Je vous ai fait venir parce que je viens de recevoir un mail d’une correspondante, Yvonne SOTH, une belle canadienne de vingt et cinq ans, célibataire, une passionnée de musique, de la conduite et des voyages. Elle a précisé dans sa lettre qu’elle est la chargée de mission de l’ONG Action et Assistance, créée par son oncle à Montréal au Canada pour assister les enfants et les femmes démunies. Dans le cadre de ses activités, Yvonne m’a informé qu’elle est à l’attente d’une conférence des jeunes du monde qui se tiendra respectivement du 28 octobre au 03 novembre à Montréal au Canada sur le thème : « le mariage forcé » et du 10 au 13 novembre 2007 à Porto-Novo au Bénin sur le thème : «Les travaux forcés des enfants en Afrique ». L’ONG doit inviter 27 délégations des jeunes du monde.

- Comme elle est déjà ton amie, vas-tu nous faire rater cette occasion de voyager dans le monde ?

- Elle a même dit : comme on correspond déjà par courriel, si je suis particulièrement intéressé par ces voyages, que je forme un groupe de trois à dix personnes ou même plus …

- Nous formons déjà un groupe de quatre personnes !

- Mais le voyage du Bénin est conditionné par celui du Canada. Ne prendront part à la conférence de Cotonou que ceux qui auront participé à celle de Montréal.

- Je vais, comme elle me l’a recommandé, adresser, dès demain, une lettre de demande de participation à leur Secrétaire au Canada pour qu’elle nous communique les conditions à remplir pour pouvoir participer à ces deux rencontres internationales. Si nous voulons y prendre part, elle nous propose beaucoup d’autres choses par exemple payer nos frais de participation. Après ces forums, l’ONG procédera aussi à la création des représentations dans d’autres pays et au Cameroun. J’aurais, m’a-t-elle expliqué, la chance de représenter l’ONG chez nous et vous serez bien évidemment mes délégués régionaux. Chaque participant recevra, après les deux conférences, une prime de participation supérieure à mille deux cents dollars et des attestations de participation pouvant lui permettre d’assister à d’autres réunions internationales relatives à la lutte pour la paix dans le monde.

- C’est bien, mais j’ai une inquiétude : on ne voyage pas à l’étranger sans papier. Comment allons-nous faire pour obtenir nos passeports et visas ?

- Leurs sponsors indépendants, a-t-elle précisé dans le mail, vont s’occuper de nos billets d’avion, de notre hébergement, de notre séjour à Montréal au Canada jusqu’à notre retour au Cameroun après la deuxième conférence de Porto-Novo au Bénin. Le Comité d’organisation se chargera des demandes de visa en contact avec leur ambassade au Cameroun.

- Ils ne nous demandent rien comme participation ?

- Nous savons qu’habituellement, les organismes demandent aux bénéficiaires de projets une participation d’au moins dix à quinze pourcent, pourquoi ceux-ci sont si gratuits ?

- Non, elle a indiqué que nous avons une seule dépense à faire à nos propres frais : prendre en charge notre hébergement d’une seule journée à Porto-Novo, juste pour prouver notre détermination à vouloir prendre part à ces deux rencontres.

- A mon avis, ce projet est très intéressant. Il va falloir qu’on s’y engage rapidement…

- Ce projet va non seulement nous permettre de découvrir le monde, mais il va nous offrir aussi l’opportunité d’emplois meilleurs.

- Peut-être serions-nous obligés d’abandonner nos occupations actuelles pour nous consacrer aux seules activités de l’ONG !

- Ne spéculons pas trop encore. Voyons ce qu’il y a déjà lieu de faire.

- Ecrire à la Secrétaire au Canada. »

Sur cette proposition, la voix du muezzin, amplifiée par les haut-parleurs, leur parvint de la mosquée centrale de Guider et mit fin à la conversation. Il était six heures du soir. A tour de rôle, les quatre amis firent leurs ablutions et s’acquittèrent dans le djaoulerou de leur prière avant de rentrer chacun chez soi.

Le lendemain, aux environs de dix-sept heures, le groupe s’était encore retrouvé sous le même djaoulerou pour éplucher la réponse de la Secrétaire du Canada et avant de décider ce qu’il y aurait lieu de faire pour pouvoir participer aux deux conférences programmées par l’ONG canadienne. Aboubakar avait pris la peine d’imprimer l’autorisation de participation aux conférences reçue de la Secrétaire. Après une lecture commentée de ses points les plus saillants, un silence profond tomba sur le groupe, puis Adamou reprit :

« Passons maintenant à l’action. Le temps va bientôt nous tenir à la gorge !

- Comment lui envoyer nos coordonnées ?

- Je crois que nous pouvons lui envoyer des copies scannées de nos cartes nationales d’identité sur lesquelles ils auront à la fois nos noms, prénoms, âges et professions !

- C’est bon !

- Nous n’avons pas de passeport !

- A défaut, ils acceptent les demi-photos d’identité

- Hamadou a un appareil photo numérique. Il peut nous filmer dès demain.

- Comment leur enverrons-nous notre participation financière ?

- Le représentant de l’ONG au Bénin préfère que nous la lui envoyions par Western Union.

- On n’a pas une agence Western Union ici !

- Il y a une agence Western Union à Garwa.

- Il y a beaucoup à faire, il faut qu’on se partage les tâches et qu’on se retrouve en fin de journée pour dresser un petit bilan des activités que nous aurons menées.

- Bonne idée !

- Amba, toi qui maîtrise l’informatique et l’internet, tu vas t’occuper de l’envoi de nos cartes d’identités scannées et de nos photos.

- Moi, je me propose d’aller à N’Gaoundéré expédier le mandat au représentant de l’ONG au Bénin ;

- Adamou, tu restes vendre à la boutique de ton père puisqu’il est absent et, à 17 heures, on se retrouve tous ici, comme convenu, pour le bilan de la journée.

- Mais avant de nous séparer, quel est le montant de la participation de chacun de nous ?

- 35 000 F soit 105 000 F pour tous les trois.

- Pensons aussi aux frais d’expédition.

- Aux frais de transport, de transfert et l’argent de poche de Koulagna.

- Arrondissons-lui le tout à 130 000 F

- C’est un bon montant soit 43 ou même 43 500 F par chacun de nous. »

Le soir venu, le groupe se retrouva de nouveau sous le djaoulerou pour la mise au point de la journée :

« J’ai effectué un bon voyage sur N’Gaoundéré. Après avoir émis le mandat, j’ai ensuite communiqué le code secret à Monsieur Assocba qui m’a rappelé trois minutes plus tard pour m’informer qu’il a bien perçu le mandat et qu’il a aussitôt expédié le certificat de réservation de nos chambres à la Secrétaire au Canada.

- Moi aussi, j’ai réussi à leur envoyer nos photos et nos cartes nationales d’identité scannées. Avant de refermer ma boîte, j’avais déjà reçu leur accusé de réception.

- Qu’est-ce qu’ils sont diligents !

- A l’international les choses vont plus rapidement !

- Appelons la Secrétaire du Canada pour savoir si elle a reçu le certificat de réservation des chambres.

- Je crois qu’on peut se fier à ce que nous a dit Assocba

- N’empêche, qu’on vérifie. »

Amba composa le numéro de la Secrétaire, mais chaque fois qu’il relançait l’appel, la même voix lui répondait : « Vous n’êtes pas autorisé à appeler ce numéro… ». Ensuite, il réussit à joindre Assocba qui lui fit savoir : « Les membres du Haut Comité d’organisation sont actuellement occupés par vos passeports et visas. Dès qu’ils auront terminé, vous aurez de leurs nouvelles. Sinon, je vous communiquerai le deuxième numéro de la Secrétaire. Vous allez d’ailleurs d’ici peu recevoir une lettre d’audience dans votre boîte, que vous présenterez à l’ambassade afin de rencontrer très vite l’ambassadeur et entrer en possession de tous vos documents de voyage après que le médecin de l’ambassade se soit chargé de vos vaccins». Sur ces propos rassurants, ils mirent un terme à leur rencontre de ce soir-là.

A Yaoundé, le groupe sortit du Secrétariat de l’ambassade du Canada, l’air abattu et déçu en même temps, et tenta de joindre à nouveau Assocba par téléphone. Celui-ci leur répondit sans même suivre ce qu’ils lui communiquaient : « Vous voulez le numéro de la Secrétaire, rappelez dans cinq minutes. ». Les cinq minutes passées, ils rappelèrent, le téléphone sonna, mais Assocba ne décrocha toujours pas. Ils raccrochèrent et lancèrent de nouveau l’appel, à plusieurs reprises, il refusa de décrocher.

Amba alla à quelques encablures de l’ambassade dans un cybercafé pour consulter sa boîte mail, mais il en revint sans nouvelle de la secrétaire du Canada. C’était déjà le vingt et cinq octobre, à trois jours de la rencontre de Montréal. Le groupe était déboussolé. Les quatre amis de Guider replièrent dans leur hôtel, question de mieux réfléchir et d’envisager, s’il y a lieu, une autre alternative. Le vingt et sept octobre, la veille de la conférence de Montréal, après avoir consulté le Net et sans réponse de la Secrétaire du Canada, le groupe tenta une énième fois de joindre Assocba du Bénin qui leur répondit en ces termes :

«Comme vous avez raté la conférence du Canada, nous vous faisons la faveur de participer à la conférence du Bénin. Assurez vous-mêmes vos frais de déplacement jusqu’ici et vous serez remboursés dès votre arrivée.

- N’allons pas, nous allons gaspiller encore de l’argent !

- Allons jusqu’au bout de notre projet !

- Nous n’avons pu nous rendre au Canada, profitons au moins d’aller au Bénin, sinon qu’allons-nous dire à Guider à notre retour surtout que nous avons fait beaucoup de bruits autour de notre projet ?

- Ce serait une honte difficile à digérer si l’on apprend qu’on ne s’est rendu nulle part !

- Il nous faudra encore faire les papiers ?

- Non ! Nous allons nous y rendre par le Nigéria et mon père m’a un peu expliqué comment il est allé un jour à Cotonou sans papier. Ce n’est pas compliqué. »

Trois jours plus tard, nos quatre amis étaient déjà arrivés à Cotonou au Bénin. Ils tentèrent de joindre Assocba qui les orienta vers un bâtiment abandonné, puis son portable communiquait aux infortunés toujours le même message : « Votre correspondant n’est pas disponible pour le moment, veuillez rappeler ultérieurement. »

Ils rebroussèrent chemin, honteux et déçus. Toutefois, Amba et Bala, eux, s’engagèrent à aller passer leurs vacances chez leur oncle à Houldoro.

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