Tourmalins Noirs.

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Karl Lasquier était un adolescent de dix-sept ans, tout ce qu'il y avait de normal. Il aimait les jeux vidéos, se perdre sur internet, sortir avec ses amis et n'appréciait guère le lycée. Mais ce qui le passionnait, c'était de s'enrichir le plus possible à propos de sujets qui n'intéressaient que des minorités de personnes, comme les histoires réelles qui avaient inspiré des films et séries, les mythes et légendes, et tout ce qui pouvait paraître bizarre, spécial ou effrayant aux yeux des gens qui l'entouraient.

La bonne ambiance flottait dans la maison des Lasquier alors que l'heure du dîner approchait. Karl était posé au salon, devant la télé, crevant d'envie de manger ce qui sentait aussi bon. Ses parents terminaient de préparer un bon repas composé d'un gros poulet bien grillé, de haricots verts et divers autres légumes.

Alors que Karl s'apprêtait à réclamer de façon impatiente, quand il pourrait enfin manger, la sonnette de la porte d'entrée retentit.

— Karl, va voir qui a sonné à la porte !

L'adolescent soupira avant de se lever nonchalamment, puis de se diriger vers la porte.

— C'est sûrement quelqu'un comme moi qui meurt de faim vu le temps interminable que vous mettez à faire la bouffe !

Il ouvrit la porte mais ne vit personne devant lui, ni aux alentours de son jardin, ni même dans la rue devant sa maison.

— Il n'y a personne, maman.

Il s'apprêtait à refermer la porte quand un petit bruit se fit entendre vers ses pieds, puis quelque chose vint s'enrouler doucement autour de ses deux chevilles.

Son regard atteignit ses pieds et il fut surpris de voir un mignon petit chaton noir, aux yeux jaunes.

— Hé salut toi. Tu fais quoi ici ? Quelqu'un t'a abandonné mon beau ?

Le chaton miaula, faisant un peu plus de charme à l'adolescent soudainement radouci.

Karl se baissa doucement pour caresser la belle petite bête qui se mit à ronronner.

— Karl, si personne n'est à la porte alors ferme la !

La mère Lasquier arriva, sourcils froncés, énervée par le fait que son adolescent chauffait la rue avec le chauffage dans la maison qui sortait dehors. Elle se calma rapidement en voyant le chaton aux pieds de son fils, c'était comme si les raisons de sa colère s'étaient immédiatement envolées à la vue de la petite créature affreusement mignonne.

— Oooh ! Mais que fait-il seul ce petit bébé ?

— Je pense que quelqu'un l'a abandonné devant chez nous, en sonnant à la porte avant de partir en courant.

Le chaton miaula de nouveau, comme pour acquiescer les paroles de Karl, et la mère fondit une fois de plus.

— Allez, fait le entrer, il va mourir de froid dehors ! Il n'a pas de collier, on va le garder et si des voisins laissent des informations sur la perte d'un chat, on avisera pour le rendre. En attendant, on le garde !

Comme simple réponse, le chat sauta joyeusement dans les jambes de la femme, ce qui la fit rire.

Une fois les trois entrés à la maison, la porte d'entrée enfin fermée, la mère expliqua à son mari la situation qui l'excitait comme une puce. Son mari n'en fit pas de cas, il en avait un peu rien à faire du chat.

Le dîner servi, la petite famille se mit à table. Le chaton fut nourri de peau de poulet et d'un peu de lait, ce qui avait l'air de le réjouir à en voir son comportement.

— Je crois qu'on fait un heureux avec la peau de poulet !

— Et le lait ! J'espère juste qu'il ne fera pas ses besoins partout dans ma chambre cette nuit !

— Il n'y a pas de raison, on lui a donné à peine une pointe de lait.

La famille sourit en voyant le chaton ronronner, renversant un peu de lait sur le sol.

Mais la réelle raison de l'enthousiasme du félin, était qu'il s'apprêtait à prendre entièrement possession de cette maison.

Sans prévenir, le chaton cria, ce fut tellement bruyant et effrayant que la famille se tut immédiatement, l'élan joyeux de la conversation se transforma en cri de peur.

— Oh mon dieu ! James ! Que se passe-t-il ?!

Le chaton noir s'était transformé en une bête de taille moyenne se tenant debout comme les humains, plutôt velue, noir comme le charbon. Ses yeux étaient encore plus jaunes que sous sa forme de chaton et sa dentition était digne d'un dentier humain, de belles dents blanches et parfaitement alignées. Le tout donnait un mélange plutôt effrayant, surtout la bouche, qui ne semblait pas du tout en harmonie avec l'apparence de monstre que l'animal avait.

Le comportement des parents changea du tout au tout, ce qui étonna Karl. Ils étaient la minute d'avant totalement effarés par ce qu'ils voyaient, et ils semblèrent ensuite très calmes et déterminés. Karl était sans voix par la créature qui se trouvait devant ses yeux, il crut rêver.

L'animal regarda profondément les yeux des parents avant de leur parler d'une voix grave et rocailleuse.

— Maintenant, vous avez subitement envie de changement, vous voulez déménager, mais sans rien emporter avec vous.

Les adultes semblaient absorbés par les paroles prononcées. Ils répétèrent d'une voix lente ce que la bête avait soufflé.

— Nous avons envie de changement, nous voulons déménager, sans rien emporter avec nous.

La porte ouverte grâce à la pensée de la bête, les deux adultes se dirigèrent vers la sortie de la maison, dans une démarche molle.

— Maman ! Papa ! Mais revenez ! Je suis là !

Karl était déboussolé, la situation semblait totalement irréelle. Il pensait parfaitement savoir qui était cet animal, mais il ne se souvenait plus exatement de la façon de s'en débarrasser, ni même si tout était vrai dans ses livres.

L'animal noir s'avança vers Karl, jusqu'à être à quelques centimètres de son corps. Il renouvela le processus de manipulation des pensées.

— Tu vas toi aussi avoir envie de partir, de fuguer, après une dispute de famille, tu veux vivre sur une autre planète.

L'adolescent fronça les sourcils en se disant à quel point la bête semblait ridicule, il se mit à lui rire au nez, ce qui provoqua une terrible colère chez l'animal.

— Comment fais-tu pour ne pas être absorbé sale morveux ?

— Je sais qui tu es.

— Impossible !

— Oh vraiment ? Tu n'es donc pas un Tourmalin Noir ?

L'animal recula brusquement en criant de rage, puis sans prévenir, il sauta sur Karl et le mordit.

— Tu connais donc mon identité. Mais savais-tu que si la manipulation des pensées ne fonctionne pas sur les personnes qui connaissent l'existence de mon espèce, la morsure ainsi que son venin paralysant sont imparables ?

Instantanément, le corps de l'adolescent se raidit puis tomba au sol, ce qui fit rire le Tourmalin Noir.

— Visiblement tu ne sais pas tout sur moi, sinon tu ne serais pas comme un légume abandonné sur le sol. Stupide humain.

Karl fit des gros yeux, il essayait de bouger et de crier, mais en vain.

Le Tourmalin Noir s'approcha un peu plus de l'adolescent, le dominant de par sa posture.

— Je vais te raconter pourquoi je suis là. Pourquoi nous sommes tous là.

Il regarda par la fenêtre et vit de nombreux humains qui ne passeraient plus jamais les frontières de leurs.. maisons, enfin, anciennes maisons.

— Cette demeure est la mienne. La planète Terre est à moi. Avant que vous, les humains, ne veniez nous chasser et vous appropriez ce monde, les Tourmalins Noirs vivions là, nous étions même les créateurs ! Mais étant en minorité il y a des millions d'années, vous nous avez chassés et tués, pour certains d'entre nous.. pour vous incrustez et polluer notre environnement.

Le Tourmalin Noir mordit une nouvelle fois Karl, pour rajouter du venin et avoir le temps de faire son spectacle.

— Après des millions d'années à être tapis dans l'obscurité, nous sommes à présent un bon million de Tourmalins toutes espèces confondues, principalement les Noirs comme moi, car nous sommes les originels. Et nous venons reprendre ce qui nous appartient ! Nous nous transformons en animaux, à l'infini. Si une personne aime les chatons alors, transformation en chaton, c'est un vrai jeu d'enfants. Vous êtes si faibles quand il s'agit d'animaux !

Il rigola pour se moquer des humains.

— Nos pouvoirs fonctionnent à conditions que les humains ne connaissent pas notre existence. En revanche, les gens connaissant notre existence, comme toi par exemple, sont insensibles à la manipulation des pensées, mais pas aux autres pouvoirs comme la morsure paralysante, les douleurs que l'on peut vous faire ressentir n'importe où dans le corps, ou les projections corporelles que nous faisons pour nous défendre.

Karl s'était calmé, totalement intéressé d'en apprendre plus sur ces animaux qu'il pensait être juste des mythes. Cependant, il avait peur de son avenir.

— Ne t'inquiète pas, aucun humain ne va mourir, mes congénères et moi faisons en sorte de vous manipuler pour que vous sortiez de vos maisons, il est impossible d'entrer de nouveau dans les maisons une fois sortis. Ensuite vous êtes tous transférés dans un autre monde, celui où nous étions pendant des millions d'années. La différence, est que vous serez condamnés à vivre là-bas jusqu'à votre mort mais vous ne garderez aucun souvenir, tout paraîtra normal. Certains humains vont être gardés près de nous, pour des raisons qui resteront secrètes.

Des larmes coulèrent sur les joues de Karl, il ne savait pas si sortir de cette situation était possible, autrement que la façon dont l'animal l'avait expliqué.

Le Tourmalin Noir libéra la bouche de l'adolescent, pour le laisser parler.

— Comment vas-tu faire pour nous envoyer sur une autre planète, si certains sont insensibles à ta manipulation ?

— Il y a deux options. Soit tu restes ici, avec nous, soit nous t'emmènerons de force. C'est à moi de décider. Si je sens de mauvais ondes en toi alors tu ne resteras pas.

— Comment les sentir ces ondes négatives ?

L'animal sourit, Karl posait des questions intelligentes.

— Avec mon coeur. Ce dernier est une pierre de Tourmaline Noire, c'est une pierre qui est un point d'ancrage et qui protège des ondes négatives ainsi que des ondes électro-magnétiques. Si mon coeur me transmet des sensations inhabituelles et désagréables, alors c'est que tu es malveillant. Je pourrais te rendre aveugle, rien qu'en te montrant mon coeur.

Pour appuyer ses paroles le Tourmalin noir souleva une épaisse touffe de poil, pour laisser sortir la pierre de toumaline noire. Cette dernière brillait de mille feux, éclairant toutes les pièces du rez-de-chaussée.

Karl cria en suppliant l'animal de ranger son coeur dans sa poitrine.

— Bien, tu n'es pas mort, cela veut dire que tu es pur. Je peux te garder avec moi, si tu le souhaites. Sinon, tu rejoindras les autres humains. Que choisis-tu ? Ta famille, tes amis, mais avec un savoir ridicule, sans aucun souvenir, ou une vie palpitante, riche en connaissances, avec possibilité d'effacer ton passé ou de réduire la douleur du manque de ton entourage ?

C'était un dilemme pour Karl. Il avait compris que les humains restant dans ce monde étaient pour la plupart des personnes comme lui, qui connaissaient l'existence des Tourmalins Noirs. Il n'était pas vraiment heureux dans sa vie quotidienne et les promesses de l'animal semblaient plutôt raisonnables.

Après des minutes de réflexion, puis de discussion sur les conditions possibles afin qu'il reste sur terre ou de son envoi sur l'autre planète, Karl avait fait son choix.

— Je souhaiterais rester ici. Si jamais ce choix ne me plaît pas plus tard, j'accepterais de me faire enlever tout ce que je sais pour retourner auprès des miens.

— Bien.

Le Tourmalin Noir procéda à un petit formatage sur le cerveau de l'adolescent, qu'il était capable de faire puisque Karl était d'accord.

La vie de Karl fut trépidante jusqu'à la fin. Années après années, il avait joui de tout ce qu'il apprenait avec ces animaux incroyablement intéressants, sympathiques et drôles. Fréquentant les autres humains restés, eux aussi sur terre, il n'avait jamais pensé à rejoindre sa famille, parce qu'il pouvait infiniment apprendre sur la planète où il était né et avait toujours vécu, en compagnie des maîtres de la terre.

Inspirations et références :

-Pierre tourmaline noire.

-Au cours de cette année 2020, les affaires des squatteurs qui ont prit possession de maisons secondaires, interdisant les propriétaires de rejoindre leurs biens. Et des lois qui donnaient en quelque sorte raisons aux squatteurs, laissant les propriétaires impuissants face à la situation.

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