Un sourire

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J'arrivais par l'allée ensoleillée du manoir. La journée s'annonçait magnifique. Tout à fait de celles où l'esprit serait en paix. L'air du printemps était parfumée de mille et une odeur : les feuilles encore mouillées de la rosée du matin, les fleurs qui émergeaient des arbres et du sol, même le vent et les couleurs chatoyantes qui m'entouraient, semblaient sentir bon le printemps et le bonheur.

L'allée était bordée de buissons et d'arbres fruitiés et au bout de celle-ci je pouvais entrevoir la bâtisse où je me rendais.

Elle était immense. Imposante et élégante, digne d'un conte. Elle semblait chargée d'histoire et les innombrables fenêtres qui la composait, représentaient chacune un chapitre que j'aurais adoré explorer.

Sur le chemin, je faisais parfois quelques altes afin de sentir une fleur ou admirer un insecte venu la butiner.

Je finis d'achever ma balade et me rendit plus hâtivement vers la porte d'entrée de la résidence où je me savais et me sentais attendu.

Je levais la tête une dernière fois au bas des marches, afin de me rendre mieux compte maintenant que je me tenais à ses pieds, à quel point ce manoir était encore plus beau et impressionnant de près.

Un frisson parcourut mon dos et je sentis les poils de mon cou se dresser alors que le rideau de l'une des fenêtre se refermait sans que je n'apperçus ce qui l'avait fait bouger. Je ne comprenais pas ma réaction. Peut-être seulement un effet d'excitation.

Je montais les 13 marches qui me menaient à la porte puis cherchais la sonnette. Ne la voyant pas je toquais à l'aide du lourd heurtoir en forme de fer à cheval qui se tenait un peu plus haut que moi. J'attendis.

La personne qui m'ouvrit était un monsieur agé d'une soixantaine d'année et qui à son allure devait être palefrenier. Il tenait une fourche à crotin dans sa main droite et sembla surpris de me voir. Je n'avais peut-être pas toqué assez fort.

Derrière lui une petite dame dodue et à l'air jovial surgit et m'intima d'entrer, que j'étais attendu dans le bureau et qu'elle y amenerait le thé. L'entrée était gigantesque et haute de plafond mais néanmoins très sobre, sans fioritures, munie seulement d'un tapis à dorure, de quelques tableaux représentant divers paysages et portraits et d'une table en son centre sur laquelle un téléphone et du papier étaient posés.

Trois portes fermées, un grands escliers 2/4 tournant et 2 couloirs en faisait le tour. La petite dame me mena dans l'un des couloirs, puis dans un autre, puis ouvrit une porte qu'elle m'indiqua être le bureau.

J'entrais pour y découvrir une superbe bibliothèque. Des milliers de livres semblaient y être entreposés alors qu'au bout de la pièce se tenait un simple bureau contre lequel un jeune homme semi assis me regardait d'un air désinvolte et charmeur.

Il m'accueillit chaleureusement et m'intima d'aller m'installer dans ma chambre avant que le thé ne soit servit car je souhaitais peut-être me changer et faire un brin de toilette après mon voyage.

Je n'avais pas la sensation d'en avoir besoin mais pour être polie, j'acceptais et le laissais me guider dans sa maison.

De retour dans le hall d'entrée, il se posta devant l'escalier sans en monter les marches. Il m'indiqua de monter jusqu'au 2ème étage où je suivrais le couloir jusqu'au bout puis bifurquerais à gauche où la 2ème porte à gauche serait ma chambre et où mes affaires m'attendaient déjà. Je ne comprenais pas comment mes affaires avaient pu arriver là étant arriver à pied et pourquoi il ne m'accompagnait pas, mais soit. Quelqu'un avait dû les envoyer et lui devait avoir trop de choses à faire pour me montrer lui même le chemin.

Le regard du jeune homme se fit fuyant dans sa dernière instruction. Il me dit de ne pas faire attention à la dame qui devait sûrement se balader dans le 2ème étage. S'était sa soeur et elle n'avait pas toute sa tête, aussi était-il préférable que je l'évite et ne lui adresse ni un regard, ni une parole et file tout droit à ma chambre.

J'acquieçais et commençais à monter, sous le regard indescriptible du jeune homme, les marches, tout en me demandant pourquoi je ne lui demandais pas de m'accompagner. Je devais vraiment souhaiter faire bonne figure mais au fond de moi je ne comprenais vraiment pas pourquoi.

Je continuais de grimper une à une les marches, passais le premier étage, puis à mi chemin avec le deuxième tout s'assombrit.

Le soleil et la belle journée disparurent pour laisser place au crépuscule. Il semblait que seuls quelques torches et les rayons de ce qui semblait être la lune illuminaient cette nouvelles ambiances extrêmement angoissante et pesante. J'hésitais à continuer mais mes pas avançaient sans que je puisse les arrêter. Je semblais comme dédoubler dans le corps d'une seule personne.

D'un côté la personne qui marchais inlassablemment et continuais de suivre les instructions grotesques confiées, de l'autre mon véritable moi qui hurlait de faire marche arrière et de revenir dans la lumière que je sentais à quelques pas derrière moi.

Malheureusement la personne qui contôlait les pas ne semblait pas être la plus raisonnable.

Mon corps continua de marcher jusqu'à atteindre le deuxième étage. Il s'arrêta un instant et je fus en mesure d'observer ce qu'il se passait autour de moi.

Le couloir était immense et l'ambiance ne s'améliorait pas. Au contraire. Le silence était total. De voir ainsi les lueurs dansantes des torches agrémentées des rayons de la lune, rendaient le tout digne de l'imaginaire de Poe et encore plus oppressant. Je m'attendais à tout moment à voir surgir un monstre des ténèbres d'un recoin sombre et le voir m'arracher le coeur pour le manger.

Ah mais qu'est ce que je racontais ! Mon but était de faire preuve de courage maintenant que je me savais condamnée à traverser ce couloir et non de m'effrayer davantage que je ne l'étais. Car oui j'avais peur. Il y avait vraiment quelque chose qui clochait en dehors de mon corps que je ne semblais plus contrôler.

C'est alors que je l'entendis, une mélodie lointaine dans les ténèbres devant moi. Une voix de femme qui tentait de chanter une berceuse, mais alors la berceuse la plus terrifiante qu'il m'ai été donné d'entendre. La voix était douce et envoutante mais ne contenait que deux notes répétées inlassablement. MMmmm MMMmmm... MMmmm MMMmmm... Mon coeur s'accélera, mon ventre se tordit... et mon corps recommença à marcher droit sur cette mélodie. J'hurlais intérieurement.

Au fur et à mesure que mon corps avançait je pu distinguer que la porte qui se trouvait face à moi au bout du couloir, était grande ouverte. Il y avait quelqu'un à l'interieur. Une femme. Elle était vêtu d'une longue chemise de nuit qui devait être blanche un jour mais qui aujourd'hui était recouverte de tâches sombres que je ne pouvais identifier de là où j'étais. Ses cheveux noirs lui tombaient jusqu'aux fesses en baguettes sales et emmêlés. Elle était maigre, si maigre que la chemise tombait presque de ses épaules rachitiques. Malheureusement tout cela ne faisait qu'ajouter à la scène qui se déroulait, un aspect funeste.

Elle était dos à moi, un lit double à baldaquins se tenait derrière elle et devant elle se balançait légèrement d'avant en arrière un berceau. Elle tenait quelque chose dans ses bras et le berçait tout en continuant de chanter son immonde berceuse.

Raisonnablement je tentais de me dire que je n'allais faire que passer, qu'elle était trop absorbée par ses occupations pour faire attention à moi et que tout se passerait bien.

C'est ce qu'il se passa.

Arriver à hauteur de sa porte mon corps tourna à gauche comme me l'avait indiqué le jeune homme puis arrivée à la deuxième porte à gauche, ma main s'avança vers la poignée et l'ouvrit en priant de faire le moins de bruit possible. Etrangement je repris contrôle de mes membres. Je poussais la porte et entrais le plus vite et discrètement possible en prenant bien soin de refermer la porte derrière moi. Avec soulagement je vis qu'une serrure avec une clé s'y trouvait. Jamais la femme ne pourrait entrer maintenant.

Soudainement je pris conscience de ce qui m'entourait. Je venais d'atterir dans la plus belle chambre qu'il m'ait été donné de voir.

Je me serais cru dans un rêve.

Un lit se tenait au milieu de la pièce, adossé au mur du fond. Des rideaux bleus nuit munis d'étoiles minuscules entouraient la tête et le plafond du lit et étaient remontés par un ruban. Ils semblaient assez grands pour faire le tour du couchage si je le souhaitais. L'unique fenêtre était décorée des mêmes rideaux que le lit. Le papier peint était bleu nuit également. Mais ce qui rendait l'aspect magique à cette pièce était cette lumière d'ambiance qui semblait émanée de nul part et de partout en même temps. Une lumière si apaisante qu'elle me fit oublier le temps d'un instant la scène qui venait de se dérouler.

Une petite malle était posée aux pieds du lit. Je ne voyais qu'elle dans la pièce pour contenir mes affaires.

Toute retournée par ce que je venais de vivre je m'avançais vers la malle et l'ouvrit. Effectivement toutes mes affaires s'y trouvaient et je pris une chemise de nuit, une robe de chambre, mes pantoufles et les posais sur le lit. Je sortis ensuite une nouvelle robe que j'enfilais à la place de celle que j'avais afin de paraitre propre.

Il était hors de question que je ressorte et retraverse ce couloir seule. Le jeune homme n'aurait qu'à venir lui même me chercher, ce qu'il ferait assurément en ne me voyant pas redescendre.

J'attendis.. Longtemps... et personne ne vint. Je fis le tour de la pièce avec mes yeux tant de fois que j'en connaissais chaque recoint les yeux fermés. Je n'osais pas marcher de peur de faire du bruit et d'attirer la femme.

De temps en temps j'entendais du bruit dans le couloir mais decidais de ne pas y pretter attention afin de ne pas alimenter ma psychose et mon équilibre mental déjà fragile.

Au bout d'un long moment, la fatigue m'assailla et je me couchais dans le lit incroyablement confortable qui m'attendait. Je m'endormis aussitôt.

J'ouvris les yeux ce qui me parut deux minutes plus tard en entendant à nouveau MMmmm MMMmmm... MMmmm MMMmmm...

Mais elle n'était pas dans la pièce, elle ne pouvait pas ! J'avais fermé la porte à clé et il aurait été impossible de l'ouvrir de l'exterieur. La mélodie était pourtant juste à côté de moi et venait de la porte.

Je tournais lentement la tête et constatais avec horreur qu'un trou était apparut dans le cadre bas de la porte. Un trou suffisemment grand pour laisser passer une tête.

Sa tête.

La tête de ma mère me regardais avec les yeux les plus fous que j'ai jamais vu. Des yeux exhorbités, injectés de sang dont les pupilles ne cessaient de divaguer. Son visage était émacié, ses traits ridés et creusés. Quelques mèches de ses cheveux pendaient sur son visage.

Mais le plus terrible et qui acheva de me faire mourir de peur. Fut son sourire. Etiré en un rictus des plus déplaisant et effrayant.

Il hanterait mes nuits.

Je me souviendrais toujours de ce sourire...

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