Jeu de dupes

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Par un après-midi  d'automne, dans le salon d'une maison cossue...


Pierre-Henri inquiet

— Mais voyons belle-maman, arrêtez de vous mettre dans cet état ! Vous savez que c'est très mauvais pour votre coeur ! 


Belle-maman vieille, mais toujours alerte et bien conservée 

— Écoutez Pierre-Henri, je suis persuadée que toutes ces paroles viennent du coeur, mais voyez-vous ce n'est pas à mon âge que l'on peut changer. Feu mon mari, paix à son âme, m'appelait son " petit volcan " , ça vous dit quelque chose ? 


Pierre-Henri que la gêne rend tout chose, parlant à voix basse

— Mais enfin... Je ne vous connaissais pas cette liberté de langage ! Les enfants pourraient vous entendre !


Belle-maman au comble de l'hilarité puis mystérieuse 

— Mon cher gendre, je l'espère bien ! Il serait grand temps que cette famille connaisse enfin les joies de la spontanéité ! Mais croyez-moi néanmoins, lorsque je vous répète que : " ce n'est pas aux vieux singes que l'on apprend à faire la grimace ! "


Pierre-Henri mal à l'aise 

— Mais je ne comprends pas, qu'ai-je pu dire qui vous laisse à penser que je vous prends pour un vieux sin... Enfin, pourquoi me dites-vous cela ? 


Belle-maman 

— Vous croyez que je ne vous vois pas venir avec vos sous-entendus ! Si Louis-Hubert me convient, j'ai bien le droit de me remarier ! Même à mon âge ! Je n'ai que quatre-vingts printemps ! 


Pierre-Henri des gouttes de sueur perlent sur son front

— Bien entendu, bien entendu. Charlotte et moi pensions juste qu'un nouvel échec sentimental, vous serait fatal.


Belle-maman contrariée puis suspicieuse

— Laissez ma fille en dehors de ça, si cela ne vous fait rien.

Ha oui, ce sont là vos seules raisons. Vous n'êtes donc pas contre ce mariage ? Vous acceptez sans peine de partager votre héritage ? Pourtant il m'avait semblé entendre le contraire, c'est curieux. En même temps, vous ne seriez pas le premier gendre de l'histoire à empoisonner sa belle-mère au cyanure pour une sombre histoire d'argent ! 


Pierre-Henri au bord du malaise, se raccrochant au rideau

— Mais belle-maman... Je ne peux pas vous laisser dire ça... Vous faites offense...


Belle-maman toute joyeuse à nouveau

— Tout doux mon gendre, je plaisantais ! Ne faites pas cette tête-là, on vous dirait sorti tout droit d'un confessionnal ! 


Des enfants de six et huit ans entrent dans la pièce en courant. 

— Mamie, mamie, pourquoi papa il est tout blême ? 


Belle-maman amusée 

— Ce n'est rien mes lapins, votre papa n'a jamais eu le sens de l'humour, voilà tout. 


Les enfants

— Mamie, mamie, on a trouvé de belles cochon nilles dans le citronnier ! Mais c'est difficile de les voir à l'œil, heureusement André nous a prêté sa loupe ! 


Belle-maman laissant échapper un soupir

— Des cochenilles, les enfants. Pourquoi faut-il toujours être sur le dos des jardiniers ? Au lieu de vous prêter sa loupe, il aurait mieux fait de les tuer avec l'insecticide ! 


Les enfants  choqués, les larmes aux yeux

— Les tuer ! Mamie tu n'as pas droit de tuer les cochon nilles, ce sont nos amies. Tu es vilaine ! On va le dire à notre mère


Aussitôt, ils quittent la pièce en courant. Soudain le portable de belle-maman se met à sonner.


Belle-maman agacée puis criant d'une voix forte

— Ha ! ces fichus engins, pas moyen de savoir par quel bout les prendre ! 

Ha... voilà. Allo ? Vous m'entendez ? 


Pierre-Alexandre obligé d'éloigner le portable de son oreille en faisant la grimace

— Bonjour Maman, c'est Pierre-Alexandre. Oui je vous entends très bien, débranchez votre sonotone, il fait des interférences avec le téléphone ! 


Belle-maman, crispée sur l'appareil, mais tout sourire, heureuse d'entendre son fils

— Allo, mon chéri, c'est toi ? Je ne t'entends pas très bien, il y a plein de petits bruits dans l'appareil ! 


Pierre-Alexandre agacé mais tentant de le cacher

— Maman chérie, je vous ai déjà dit d'arrêter de coller le téléphone sur votre joue, désactivez le clavier numérique, vous êtes en train de composer...


Belle-maman désabusée, tendant le téléphone portable à son gendre

— Tenez Pierre-Henri, rendez-moi service s'il vous plaît, mon fils me parle hébreux...


Le gendre interloqué saisissant le portable 

— Allo ?


Pierre-Alexandre énervé

— Ha bravo ! C'était une super idée le portable pour Noël, vous ne pouviez pas lui acheter un puzzle ou un chemisier ? Au moins elle n'aurait pas eu à réfléchir. On voit bien que ce n'est pas toi qu'elle appelle à longueur de journée ! 

Et vous, vous en êtes où ? Tu as lui dit que vous n'étiez pas favorables à ce mariage ? 

Tu sais bien qu'elle ne doit rien connaître de nos intentions. Elle ne doit même jamais se douter que nous sommes d'accord avec vous. 


Pierre-Henri extrêmement mal à l'aise alors que belle maman le fixe d'un air courroucé. 

— Oui... Enfin non... Je ne sais plus... c'est difficile. Vous savez nous, ça ne nous dérange pas. C'est surtout pour vous. 


Pierre-Alexandre dur et froid 

— Attends, qu'est-ce qui se passe ? On était bien d'accord pourtant ! La vieille te fait peur tout à coup ? Écoute, ça fait plus de dix ans qu'elle nous fait mariner ! Heureusement qu'on a pas acheté sa maison en viager ! Si on laisse faire la nature, elle nous enterrera tous ! La carne a le cuir solide ! 


Pierre-Henri liquéfié à l'idée que belle-maman puisse entendre

— Enfin quand même, je ne peux pas vous laisser... Et puis je ne sais pas si...


Belle-maman impatiente 

— Bon alors, c'est fini ces messes basses ! C'est pour aujourd'hui ou pour demain ? J'aimerais bien que vous ne monopolisiez pas mon fils, j'ai des choses importantes à lui dire. 


Pierre-Alexandre sur le même ton, à l'autre bout du fil 

— C'est encore la vieille qui s'impatiente ! T'en fais pas, on va bientôt s'en charger, ce n'est plus qu'une question de jours. Il faut que tu tiennes jusque là ! Ne te défile pas ! 


Pierre-Henri déboutonne le col de sa chemise, il ne se sent pas bien.

Blanc au téléphone. 


Pierre-Alexandre reprenant 

— Visiblement tu ne peux pas parler. En fait, je lui demandais de bien vouloir désactiver le clavier et surtout, qu'elle éteigne son putain de sonotone ! 


Pierre-Henri levant la tête avec peine, fait des signes à belle maman pour qu'elle éteigne son sonotone. 


Belle-maman énervée 

— Écoutez Pierre-Henri , je veux bien croire que tout cela vous amuse, mais arrêtez de vous prendre pour le mime Marceau, vous ne lui arrivez pas à la cheville ! 


Pierre-Henri déconfit

— Mais pas du tout belle-maman... C'est Pierre-Alexandre qui vous demande d'ét...


Belle maman contrariée

— Ça, j'avais compris ! Je ne suis pas encore gâteuse, même si cela vous ennuie et contrarie vos plans. Vous avez compris ce que vous demande mon fils ? Alors faites-le. 


Pierre-Henri fait disparaître le clavier puis reprend la conversation téléphonique dans un état second 

— Allo, Pierre-Alexandre, ne quittez pas je vous passe votre mère.


Belle-maman méprisante, du bout des lèvres

— Pas la peine de m'annoncer, mon fils n'est pas encore Alzheimer que je sache.

Puis elle reprend le téléphone, tout sourire à nouveau.

Allo ? Alors comment vas-tu ? Et les enfants ? Il ne fait pas trop froid au moins à Paris ? J'espère que vous serez des nôtres, dans quelques jours, pour mon anniversaire. Vous ne rateriez cette occasion pour rien au monde ! Comme c'est gentil de me dire cela ! Que ferais-je sans toi ! 


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