Chp 12 - Rika : ædhel cærneon

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Une fois sorti de son caisson, le chien ramassé sur l’astronef n’eut qu’un court moment de latence avant de se mettre à renifler partout et à faire la fête : le vrai problème fut de trouver de quoi le nourrir. Dea résolut le casse-tête en trouvant une vieille formule de nourriture pour chien dans sa base de données.

Au moment du coucher, je m’attardai dans la salle de bain et revêtis les sous-vêtements affriolants que Ren m’avait offerts à l’époque où Mana vivait encore sur notre bord. Permission de Dea ou pas, j’étais déterminée à me faire « inséminer » par Ren le soir même. Je ne pouvais pas oublier la dernière nuit passée dans ses bras. Cela avait été si bon, si intense...

Lorsqu’il entra dans notre chambre, je fis mine d’être occupée en lisant un article sur ma tablette. Ren m’effleura gentiment en passant, puis il attrapa la commande de l’écran holographique, avant de s’allonger de tout son long de son côté du lit.

— On se fait un film ? proposa-t-il en faisant défiler le menu.

Je lui jetais une œillade appuyée. Mais il avait les yeux fixés sur l’écran.

— « Alors que la guerre fait rage et que sa fiancée se meurt, un jeune officier prometteur séparé de son escadron est contraint de prendre refuge sur une planète hostile ». Ça a l’air bien. On le regarde ?

Je jetai un œil peu concerné sur l’écran. Ren avait choisi « Le Courage de la Légion », un film d’action à visée légèrement propagandiste qui relatait sous une forme nettement romancée les exploits des Astra Leo et l’avènement du Major Singh.

— C’est un film de propagande... et il est en tamoulien sous-titré en marsiche. Tu ne comprendras rien.

— C’est pas grave, tant qu’il y a de belles batailles et une bonne intensité dramatique !

Je poussai un soupir résigné. Depuis qu’il se gavait de vieux films humains, Ren se prenait pour un critique de cinéma.

— Ok... mais j’avais imaginé un programme plus excitant pour ce soir.

— Tu veux un autre film ?

— Je parle de faire une activité avec toi.

— On peut jouer au lugdanaan... mais je croyais que tu détestais ça.

— Tu refroidis, Ren. Retente ta chance.

— Tu pourrais chanter, et je t’accompagnerais au clairśeach.

— Je ne parlais ni d’une activité intellectuelle, ni artistique...

Ren me regarda, franchement décontenancé.

— Quoi, alors ?

L’insémination, soufflai-je avec une mine exagérée.

Faire le clown m’a toujours permis de briser la glace. Mais j’avais les joues en feu.

La nuit torride que j’avais passé avec lui la veille avant ne cessait de revenir me hanter. Ce plaisir incroyable que j’avais ressenti... Stimulé par les fièvres, Ren s’était complètement lâché. Cette nuit-là, je m’étais transformé en quelque chose d’autre. Ren avait éveillé une créature sauvage en moi.

Le problème, c’est que le lendemain, j’avais failli faire une fausse couche. Du moins, c’est ce que Dea avait prétendu en m’examinant : d’après elle, le col de mon utérus était ouvert. Et elle avait été obligée de pratiquer un geste chirurgical. Depuis, Ren refusait de me toucher. Je l’avais même entendu évoquer avec Dea la possibilité de continuer les inséminations par voie artificielle... Et à voir sa tête, il n’avait aucune intention d’accéder à mes désirs, ce soir.

— C’est encore la lune rouge. Et je teste une première version du suppresseur de rut de Dea.

— Un suppresseur de rut ? m’écriai-je. Mais enfin, Ren...

— Rassure-toi, ce n’est que pour cette période. Et Dea prélèvera ce qui faut pour te l’injecter.

— Me l’injecter ? m’écriai-je, horrifiée.

— On en parlera plus tard, asséna-t-il avec sa franchise habituelle. Pas ce soir, en tout cas.

Je me recouchai dans les coussins, déçue. Parfois, c’était vraiment compliqué de communiquer avec lui.

— Laisse tomber ce plan ultra médicalisé, Ren, finis-je par lui dire. Je ne veux pas perdre le contact physique avec toi. J’en ai besoin ! Je le sens au fond de moi.

— Le luith, grogna-t-il. Je savais que tu ne saurais pas y résister. Il ne faut pas que ça devienne une accoutumance !

— Et quand bien même ? protestai-je, les mains sur les hanches. Qu’est-ce que ça peut faire ? Je t’aime. Et je suis avec toi, pour toujours. Qu’est-ce que ça peut faire, si je deviens accro à tes phéromones ? Je t’ai dit que je n’avais pas peur de tout ça !

Mais Ren me regardait soudain d’un autre œil. Il se redressa, et, sans prévenir, il se débarrassa de son uniforme.

Comme à chaque fois, la vue de son corps sculptural provoqua la dilatation de mes organes internes et l’accélération de ma fréquence cardiaque. Même des mois après, il me faisait toujours autant d’effet. Plus, même.

— Et ton... suppresseur de rut ? m’enquis-je en passant une main respectueuse sur ses muscles puissants, aussi sombres que la nuit.

— Tu es enceinte. Si tu en as envie, je dois accéder à tes désirs. Te contrarier serait mauvais pour la portée. Mais je ne vais pas te pénétrer.

Je me trémoussai, à la fois intimidée et émoustillée.

— Tu vas faire quoi, alors ?

— Tout ce que tu veux. Tout sauf ça.

Tout ce que je veux ? Vraiment ?

— Tout ce que tu veux, confirma-t-il.

— Pour une fois qu’on se comprend... marmonnai-je, la bouche sèche.

À mon tour, je retirai le peignoir que je portais sur mes sous-vêtements. Et j’attendis, timidement. Je n’espérais pas le rendre fou de désir, mais au moins provoquer chez lui un petit quelque chose, et surtout, lui montrer que je faisais grand cas de ses cadeaux.

Ren me regarda en silence.

— Tu les as encore, observa-t-il.

— Je n’allais pas m’en débarrasser... je n’ai jamais rien reçu d’aussi beau de ma vie !

— Je ne t’ai jamais vu les porter avant.

Je lui répondis par un sourire que je voulais coquin. Ren tendit sa main, et la posa sur ma cuisse, qu’il caressa du bout des doigts.

— Dis-moi Ren, susurrai-je en venant me lover contre lui. Quand tu m’as offert ses sous-vêtements à l’époque... est-ce que c’était pour me faire passer un message ?

— C’était pour te montrer que tu me plaisais, avoua-t-il.

— Et là, ça te plait de me voir comme ça ? lui demandai-je en faisant mine de le pousser sur le lit.

— Ça me plait plus que jamais.

Assise sur lui, je profitai qu’il soit occupé à m’embrasser pour retirer lentement la minuscule culotte en soie le long de mes cuisses. Puisqu’il fallait prendre la direction des opérations... De ma main libre, je caressai le ventre de Ren, appuyant mes gestes d’une douce pression pour faire sortir son sexe de sa cache. Voir cette hampe fuselée se dresser devant moi, si agressive, déjà dure comme une dague et luisante de luith, était toujours impressionnant.

L’organe ældien n’ayant rien à voir avec le pénis humain, il n’y avait pas besoin d’attendre qu’il se gorge de sang. À partir du moment où il était sorti de sa gangue, il était opérationnel. Même en dehors des fièvres, il pouvait me pénétrer à tout moment.

Ces derniers temps, je me sentais particulièrement audacieuse. Je me séparai de sa bouche un moment pour embrasser son torse, puis descendre plus bas sur le ventre. Ren me laissa faire tout en me surveillant du coin de l’œil. À quoi pensait-il ?

En arrivant devant sa verge, je relevai les yeux vers lui. Il continuait de m’observer : je rompis le contact et refermai mes doigts sur l’organe. Il palpitait sous ma peau, rendu irisé par le luith, étrangement doux et froid. J’avais l’impression de tenir un objet magique, un genre d’arme organique. En temps normal, j’osais à peine le regarder, parce que sa taille et son aspect m’impressionnaient. Mais cette fois, tout en glissant mes doigts le long de la hampe nervurée — que j’étais très loin de pouvoir saisir à pleine main —, en éprouvant chaque rugosité, je pris le temps de le regarder. Je me souvins de la curiosité coupable que j’en avais au début, alors que j’étais une jeune obsédée qui ne connaissait rien à l’amour, et de la description cauchemardesque que les gangsters de Demeria Tri en avaient faite. « Un truc énorme et tout noir, monstrueux, complètement alien ». Comme c’était loin de la vérité ! Pour moi, c’était la plus belle chose qui existait au monde.

Ren, qui était jusque-là immobile, finit par remuer des hanches.

— Tu as envie, finalement, souris-je.

— J’ai jamais dit que j’avais pas envie, répliqua-t-il.

— Tu veux que je te prenne dans ma bouche ?

— Tu n’y arriveras pas. Tu n’as jamais appris.

Je me redressai.

Appris ? Parce que ça s’apprenait ?

— Pour les humains, oui.

Cette information me fit l’effet d’une douche froide.

— Vous appreniez aux humains à faire des fellations sur des pénis ældiens...

Ren me coupa avant que je ne puisse aller plus loin.

— Pas moi. Ceux qui avaient des aslith.

Les aslith. Le mot ældien pour esclave.

— Dis m’en plus sur ces aslith, Ren.

Ren me regardait en silence. La mention des esclaves humains avait changé l’ambiance plus sûrement que celle du suppresseur de rut.

— Qu’est-ce que tu veux savoir ? demanda-t-il en roulant sur le ventre, me signifiant ainsi que, pour lui, la fête était finie.

Je m’assis en tailleur, pour l’avoir bien en ligne de mire.

— Ces humains que vous enleviez pour user d’eux charnellement.... Comment étaient-ils... formés ?

— Tous les aslith n’étaient pas des esclaves de plaisir, m’apprit Ren, une lueur sévère dans son regard de glace.

— Mais ceux qui l’étaient ? Que devaient-ils faire ?

— Ça dépendait de leur attribution. Ceux qui servaient dans les maisons de plaisir de la haute capitale possédaient le savoir-faire des courtisans. Ceux qui servaient dans les temples apprenaient à incarner les sældar. Ceux qui servaient un maître apprenaient à le satisfaire en toutes choses : cela pouvait être en chantant, en jouant de la musique, en arrangeant des fleurs et des parfums. Ou juste en étant là, comme un bel objet. Posséder des serviteurs humains était considéré comme très prestigieux, à la capitale.

— Et ceux qui servaient un sidhe ?

Ren me fixa, imperturbable.

— Ils devaient savoir traire leur maître pendant ses périodes de fièvres.

Traire ? demandai-je en plissant le nez. Qu’est-ce que ça veut dire ?

Pas de réponse. Mais Ren continuait de me regarder. Il voulait que je devine.

Puis je réalisai.

Oh.

Nonchalamment, Ren se cala sur le côté, appuyant sa joue dans sa main. Il avait l’air de me dire « je t’avais prévenue ».

Je devais à présent lui poser la question fatidique.

— Et toi, Ren... tu as été « servi » par l’un de ces esclaves ?

— Ça m’est arrivé.

— Ça t’est arrivé ? m’exclamai-je en me redressant sur les genoux. Mais tu m’as dit que tu n’avais jamais possédé d’esclave, et que cette coutume cruelle te déplaisait !

— Ces aslith servaient au temple du dieu de la guerre. Sur Æriban, lors des lunes rouges, c’était obligatoire d’avoir recours à eux. Les aslith avaient le droit de revendre le luith prélevé sur les aios. On appelait ça le « don de vie ».

— C’est vraiment affreux... ils le revendaient ? Pour quoi faire ?

— Pour les maisons de plaisir. Et les ellith achetaient la production de leur sidhe préféré.

J’étais sans voix. Je ne trouvais plus les mots. C’était tellement choquant...

— Mais je... Des femelles ældiennes comme Mana achetaient ta semence ? Et toi, tu supportais ça ?

— C’était la Voie des aios. Je le supportais, dit-il, stoïque.

— Mais tu aimais ça ? demandai-je en plissant les yeux. Que pensais-tu de cette coutume ?

— Je ne pensais rien.

Une fois de plus, je me heurtai à un mur. Ren avait été élevé comme une machine, dédié à la guerre et à la reproduction. Son avis, ses sentiments n’avaient jamais compté pour son peuple, ceux qui l’avaient utilisé.

Je réalisai alors l’image que j’avais dû donner, en attrapant son pénis dans ma main et en me penchant pour le lécher.

— Et lorsque tu m’as vu tout à l’heure, tu as pensé... ça t’a rappelé...

Sans le savoir, avec mes grosses bottes, j’avais agi comme ces esclaves de temple qui « trayaient » Ren quelques millénaires plus tôt, réactivant ainsi un souvenir qui ne pouvait être que traumatisant. Si Ren ne me racontait rien de son passé, c’était parce qu’on l’avait traité comme un vulgaire étalon, un reproducteur tout juste bon à verser son sang ou son sperme. Et le pire de tout ça, c’est qu’il trouvait cela normal.

Ren attrapa la télécommande de l’écran pour le rallumer. Il avait compris que l’heure n’était plus au romantisme.

— Alors, on regarde quoi ?


*


Lovée contre Ren qui somnolait à moitié, je tentai, l’œil morne, d’oublier ce qu’il m’avait raconté en suivant les péripéties du major Singh et de sa dulcinée. Ren avait renoncé — il était doué en langues, mais le néo-tamoulien sous-titré en marsiche l’avait définitivement perdu. J’étais en train d’abdiquer moi-même lorsque mon attention fut ranimée par l’énorme objet qui passa dans mon champ de vision, derrière l’écran, juste sur la baie.

— Ren ! m'agitai-je. Il y a un truc dans l’espace !

Les yeux affûtés de ce dernier s’ouvrirent immédiatement. Ce n’était pas seulement dû à mon avertissement : il avait senti quelque chose.

Il bondit sur ses pieds et s’approcha à grands pas de la baie, moi sur ses talons. Et là, soudain, l’objet se matérialisa sous nos yeux : ses spires sombres, serties de lumières scintillantes, se découpaient sur le noir du vide sidéral.

— Un vaisseau ældien, murmurai-je, subjuguée.

Ren, debout à côté de moi, garda le silence. Pire : sa main migra sur mon épaule, et il me serra contre lui d’une étreinte protectrice, que je devinai – et cela me fit peur – vaguement inquiète.

Le vaisseau était si immense qu’on n'en voyait pas la fin. Il devait faire au moins deux fois la taille de l’Elbereth. De loin, avec ses tours et les multiples lumières qui l'éclairaient, il ressemblait à un immense vaisseau de croisière abritant des passagers tellement occupés à s’amuser qu’ils n'avaient pas réalisé que la fête était finie et s'obstinaient, guinchant pour toujours dans le Grand Vide, loin de la Voie. Telle fut la première impression que j’eus de ce bâtiment fantomatique et mystérieux.

Lorsque l’Elbereth passa à côté, je vis ses immenses vitres aux couleurs baroques de plus près. Ren s’empressa de donner un ordre en ældarin, et la pièce où nous nous trouvions se trouva plongée dans le noir. Cachés dans les ténèbres, nous frôlâmes les baies de l’autre bâtiment, évitant la collision de peu : derrière l’une d’elle, collé contre la fenêtre, je crus apercevoir un visage pointu et chafouin aux joues pleines et aux hautes pommettes, pâle comme l’os, et des yeux anciens et abyssaux dardèrent leur lueur d’améthyste sur moi, luisant soudain comme une pierre qu’on aurait tournée à la lumière.

— Une femelle ældienne, murmurai-je en avisant les longs cheveux lisses de la créature, les oreilles pointues qui en dépassaient et l’espèce de diadème qu’elle portait sur le front. Cette dernière nous suivit du regard, mais je ne pus savoir si c’était nous qu’elle regardait ou le vaisseau. Derrière elle, on pouvait apercevoir une salle lumineuse au luxe inouï, immense, et surtout des centaines d’ældiens, d’un nombre si concentré que je sentis mon cœur s’accélérer.

À nouveau, Ren me serra d’une petite pression.

— N’aie pas peur, souffla-t-il, rassurant. Tu ne crains rien. Tu es avec moi, à l’abri sur l’Elbereth.

Et s’ils nous attaquent tous en même temps ? eus-je envie de lui demander. Combien d’entre eux étaient capables de réaliser des configurations, dans le lot, combien d’entre eux étaient des guerriers assoiffés de tueries comme Ren, ou des invocateurs des forces de l’outre-monde comme Mana ? Pour le moment, les ældiens avaient l’air de s’amuser et de faire la fête, mais je savais qu’ils ne leur faudrait qu’une seconde pour stopper net leurs mouvements de figurines de théâtre et darder sur nous leurs yeux de meurtre. En fait, c’est exactement ce qui se passa : comme s’ils étaient mus par un marionnettiste, les ædhil tournèrent leur visage de poupée vers nous, tous en même temps. Avec leurs shynawils richement ornés, leur teint blafard et leurs yeux vides, on aurait dit les convives masqués de ces horribles bals antiques qui me faisaient tellement peur lorsque j’étais petite. Un souvenir me revint en pleine face : ma mère et mon père, qui regardaient en riant un vieux film. Le nom me revenait à présent : Venise. Le carnaval.

Étouffant un petit cri, je me cachai dans le giron de Ren. Autant d’ældiens, c’était trop pour moi. Que leurs visages étaient étranges ! Trop parfaits, trop pointus, trop blancs… Trop tout.

Ren me souleva et me conduisit hors de la pièce, alors que j’étais toujours cachée contre lui. Il traversa le pont ; m’amena à pas de course dans la salle des commandes, de l’autre côté du vaisseau, donc, et s’annonça à Dea et à Elbereth qui s’y trouvaient en donnant l’ordre d’occulter toutes les baies d’une voix claquante et impérieuse.

Elbereth, qui était en plein repas, haussa les sourcils d’un air étonné. Sur un écran holo, on pouvait voir un autre film martien, une idiote comédie sur un mineur tombant amoureux d’un prostitué que Dea et elle étaient en train de regarder.

— On entre en guerre ? demanda-t-elle en Commun, sa cuillère suspendue en l’air.

Ren lui répondit sur un ton anormalement sec, très rapidement, en ældarin. Avec tous les leçons que j’avais avalé, je compris parfaitement ce qu’il disait : il l’engueulait, lui reprochant de ne pas avoir senti l’approche du bâtiment ældien !

Ædhel cairneon ? s’exclama Elbereth en sautant de son fauteuil, envoyant valdinguer et sa cuillère, et la sucrerie qu’elle était en train de manger.

— Ce n’est pas un cair, lui répondit Ren. C’est un vaisseau-monde. On dirait une Cour entière.

Une Cour. De quoi voulait-il parler ?

— Tyrn-an-nnagh ? tenta Dea.

Ren secoua la tête.

— Ce n’est pas Tyrn-an-nnagh. Sûrement une Cour qui a quitté Ultar en empruntant un portail dimensionnel, pour rechercher Tyrn-an-nnagh, expliqua-t-il en ramenant ses cheveux en arrière, avant de les nouer avec le bout de ficelle qu’il tenait entre ses dents.

Pendant cette petite discussion de crise, Elbereth était allé vérifier les informations que lui avait transmises Ren. Soudain, elle se redressa, les pupilles rétrécies.

— Ils viennent vers nous, Alfirin. Est-ce qu’on engage le combat ?

Je fus surprise de constater que Ren réfléchissait. Lorsqu’il releva les yeux vers moi, je pris la parole :

— Attendons de savoir ce qu’ils veulent. Ils ne sont peut-être pas hostiles !

Cette seule phrase avait un peu désamorcé la tension guerrière qui reliait Ren et sa commissaire de vol. Elbereth, en effet, n’était jamais contre une bonne bataille.

— Ils demandent à aborder, nous informa-t-elle enfin.

Ren se tourna vers elle.

— Combien sont-ils ?

Elbereth fit un signe avec ses doigts. Un, en chiffres ældarin : le poing fermé avec le pouce tendu.

— Ouvre lui, ordonna Ren. Envoie une eyslyn le guider.

Puis il se tourna vers moi et Dea.

— Vous deux, fit-il avec un geste impérieux vers les appartements où dormaient déjà les petits, vous restez à l’intérieur.

— Mais je veux voir ! protestai-je.

— Fais ce que je te dis.

Je haussai un sourcil, surprise de cette soudaine démonstration d’autorité, et du ton sans appel sur lequel elle avait été proférée. Mais je savais aussi que Ren n’allait pas se laisser fléchir. Pas cette fois, alors qu’en face, il s’agissait de membres de son peuple. Toujours docile, Dea vint me rejoindre, et, escortées par une eyslyn comme deux gamines en faute, nous fûmes dirigées vers les appartements amiraux que je venais de quitter. Les lourdes portes se refermèrent dès que nous les eûmes passées, et j’entendis cliqueter tout un jeu de verrous à l’intérieur.

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