CHAPITRE IV

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Acheter un costume neuf, c’est déjà voyager à l’étranger !

Groucho Marx

Une invitée surprise - Remède en cas de dépression littéraire - Des peines de cœur de Star et de leurs conséquences – Max en cuisine - Des épanchements amoureux assez problématiques - Propositions d’après dîner - Inconvénient des limitations de budgets - Un lagon pas si bleu - Feuilles vertes et garde-robe - Chez tante Beth - Souvenirs d’enfance- N’est pas Tom Sawyer qui veut - La chasse à l’opossum et ses dommages collatéraux - Excursion à l’unanimité - Star comme réveille-matin - Comment partager un lit – Hubris littéraire - Quand Teresa déprime - L’oursin et l’étoile de mer – La météorologie nocturne de Teresa – En voyage avec Marcy - Une tendresse quelque peu étouffante - Des souris et des hommes - Pensées peu charitables mais réconfortantes - Max n’est pas si malheureux.

Après le petit-déjeuner, Marcy partit faire son jogging habituel tandis que Max et Teresa fouinèrent pour trouver de quoi s’habiller dans l’armoire du premier étage qui leur servait de dressing commun, étant donné que leurs bibliothèques respectives occupaient la quasi-totalité de l’espace disponible de leurs chambres.

Teresa hésita en un t-shirt mauve informe et un sweater léger turquoise tout aussi informe, à tel point que Max se demandait parfois s’il n’existait pas quelque part sur la planète un atelier exclusivement dédié uniquement à la confection des vêtements préférés de Teresa et que quelqu’un avait peut-être trouvé là un bon filon !

Un brin de toilette plus tard, Max s’apprêtait à sortir quand Teresa l’appela depuis le premier étage :

- Max, Star est au téléphone, et elle demande si elle peut passer ce soir ?

L’idée de passer du temps avec Star était certes réjouissante, mais celle de se retrouver avec la présence éventuelle de Miss Linsey. L. Lemon à table refroidissait quelque peu son enthousiasme. Chose un peu curieuse au demeurant si l’on considère que placée à la proue du Titanic, à l’instar de Kate Winslet dans le film éponyme, son ahurissante plastique aurait fait fondre n’importe quel iceberg.

D’ordinaire les petites amies de Star, Jackie en tête, étaient assez charmantes et de la meilleure compagnie mais il est vrai que lorsqu'elle est particulièrement déprimée, Star à de curieux coup de foudre et se montre encore plus cœur d'artichaut, plus frivole voire franchement libidineuse.

Il faut bien reconnaître que dans ses moments de solitude ou de déconfiture amoureuse, elle aurait été capable de faire des avances à un Raton laveur femelle. En témoigne sa très brève aventure avec Olivia Finsky, une camarade de classe fort brillante et dotée du même tour de poitrine que Mae West mais dont le visage, éclairé sous un angle particulier, évoquait étrangement celui de Bela Lugosi.

N'allez tout de même pas penser que Star soit une version féminine d'Alexander Portnoy, elle n'a jamais été assez désespérée au point de loucher de manière équivoque sur une pomme fraîche (ou tout autre aliment) et sa famille est depuis toujours constituée d’une solide lignée d'athées pratiquants, au contraire du malheureux héros de Philip Roth.

Adolescente, dans un jour de grande détresse morale, elle fit une étonnante déclaration d'amour à Teresa, qu'elle compléta de propositions nettement plus concrètes lorsqu'elle se réfugia dans les bras de cette dernière.

Teresa, bonne âme, se contenta de réconforter la meilleure amie de la famille à grands coups de tapis, de coussins et autres objets contondants qu'elle avait sous la main. Max, plus mesuré, lui offrit un cognac sec et la laissa dormir sur le divan.

Depuis, Star a reporté ses désirs sur la personne de Marcy, dont la plastique correspond parfaitement à ses goûts en matière de filles, sans compter les lunettes qu’elle porte parfois et qui lui donnent un faux air de Janis Joplin.

Marcy étant néanmoins plus grande et plus jolie que cette dernière, ne serait-ce que par qu'au contraire de Janis, elle ne consomme pas pour 200 dollars d'héroïne par jour.

- Bien ! Demande-lui combien dois-je prévoir de couverts ? Répondit Max, espérant éviter ainsi de poser directement une question épineuse.

- Nous quatre, comme d’habitude ! Star dit qu’elle apportera le dessert et une bonne bouteille… Ho, elle aimerait si possible que tu lui fasses son plat préféré !

- Je pense qu’elle doit être un peu déprimée, ajouta Teresa à voix basse, j’ai l’impression que cela ne s’est pas très bien passé avec sa petite amie…

Max soupira, très soulagé par l’absence plus que probable de Miss L.L.L. Mais se sentant un peu honteux vis-à-vis de son amie, il se promit de se rattraper en faisant pour ce soir des prouesses aux fourneaux.

– Bon, je vais faire quelques courses ! Préviens Marcy dès qu’elle sera rentrée et tiens-moi au courant s’il y a du changement.

Teresa acquiesça et il sortit.

Max savait exactement où aller pour trouver de quoi satisfaire l’estomac de Star, ce qui était à ce jour le meilleur moyen connu de lui remonter le moral. Elle adorait la daube provençale avec bourguignon, paleron, un bon vin rouge et des olives noires, touche personnelle de Max qui faisait l’unanimité de ses convives.

Après la visite du petit marché de S*, toujours bien achalandé, et s’étant muni de tous les ingrédients nécessaires : Il compta large étant donné l’appétit habituel de Star qui réussissait l’exploit de dévorer d’impressionnantes quantités de nourriture sans prendre un gramme, pour ne rien dire de celui de Marcy. Puis il fit un détour à la boulangerie pour prendre le pain et acheta quelques beignets à la confiture, seul remède vraiment efficace aux dépressions littéraires de Teresa.

Il pressa le pas, tout le monde avait déjeuné tard et les courses lui avaient pris plus de temps que prévu, se mettre aux fourneaux rapidement devenait impératif.

Lorsqu’il fut enfin rentré, passant devant le salon pour rejoindre la cuisine, il constata que Teresa était installé dans le canapé la tête en bas, un carnet à la main, dans une position bizarre qui évoquait selon la disposition d’esprit de l’observateur, quelque déesse d'un bas-relief antique ou alors une belette morte. Avant même que Max n’ait pu poser la moindre question elle déclara :

- Je change ma façon de voir le monde, dixit le dénommé Grigorian, c’est indispensable. Alors je tente le coup, mais pour le moment je ne récolte qu'un mal de crâne !

- Alors, j’ai peut-être ce qu’il te faut !

- Beignets à la confiture ?

- Tout juste, fit Max en sortant à son intention une des pâtisseries si convoitée, mais tu connais la règle !

- Je ne mettrais pas le nez dans la cuisine tant que tu y officieras et je suis même prête à faire rempart si Marcy tente de s’en mêler !

Soucieux de récompenser un accès si soudain de bonne volonté, Max lui lança prestement un beignet qu’elle rattrapa au vol avec une agilité des plus surprenante, étant donné sa position sur le sofa.

Perfectionniste, il passa près de deux heures en cuisine à préparer les choses au mieux, prenant de temps à autre le soin de ravitailler Teresa en beignets afin d’être sûr de pouvoir travailler tranquillement. Son labeur terminé, il ne restait plus qu’au plat principal à mijoter les trois heures requises au minimum.

Max rejoignit sa jumelle avec deux tasses de café fumant pour leur plus grand plaisir à tous les deux, notamment Teresa qui avait justement besoin de quoi faire passer son dernier beignet.

Marcy rentra peut après et l’exercice semblait lui avoir fait le plus grand bien au vu de sa mine réjouie, de ses joues rouges comme des pommes et du fait qu’en un éclair elle fit main basse sur le dernier beignet avant de filer se changer.

Pour une fois, fait surprenant, Star arriva à l’heure. Vêtue d’une jupe tunique turquoise, d’une large ceinture et de ballerines assorties ainsi que d’un assez curieux chapeau de paille à larges bords (Star a toujours eu un goût assez singulier en matière de couvre-chefs).

Elle salua tout un chacun d’un affectueux baiser sur la joue avant de s’asseoir sur le sofa tandis que Marcy apportait des rafraîchissements.

Devant sa mine un peu triste, Max se hasarda à lui demander “Comment cela allait ?

- Oh tu sais, mon vieux, je pense que cela ne colle plus très bien entre Linsey et moi ! Elle est gentille mais je dois reconnaître que parfois elle…

- Te tape un peu sur les nerfs ? Glissa Teresa à qui pourtant personne n’avait rien demandé.

- C’est un peu ça, je constate chaque jour un peu plus nous n’avons guère de centre d’intérêt en commun elle et moi, bien qu’elle ait au demeurant de si merveilleuses aptitudes pour…

- Je crois que tu as surtout besoin de te changer les idées, coupa Max avant que Star ne se lance dans quelques descriptions par trop intimes.

- C’est vrai ! Au fond je sens bien qu’avec Linsey, ce n’est sans doute qu’une passade, soupira-t-elle en buvant une gorgée de porto blanc, une de plus…

Marcy lui donna une affectueuse petite tape sur l’épaule, ce qui lui redonna un peu le sourire. Elle s’aplatit néanmoins suffisamment pour que son menton vienne toucher la table basse.

- Ah, mon pauvre Max, je me sens vraiment comme une pauvre chose emplumée… Finit-elle de soupirer, ses jolis yeux verts subrepticement levés en direction de Marcy.

- Ce n’est peut-être pas un mauvais signe ! Après tout, c’est ce que disait Emily Dickinson de l’espérance !

– Je sais bien, vieux frère, c’était pour faire une figure de style…

Teresa, qui trouvait tout cela un peu lassant et de surcroît commençait à avoir faim, suggéra de passer à table.

Le repas fut une véritable réussite et Max se félicita d’avoir prévu une large quantité car le visible chagrin d’amour de Star avait eu pour effet d’aiguiser son appétit, déjà plutôt conséquent d’ordinaire.

La copieuse tarte aux fruits terminée, nos quatre convives se mirent à discuter projets de vacances en prenant le café. Max eut l’idée, très appréciée, de sortir une bouteille de cognac sec XO, cadeau de Jackie.

Ce dernier, combiné à l’excellente bouteille de bordeaux apportée par Star, donna rapidement à la conversation un tour quelque peu fantaisiste :

- Ce qu’il nous faut avant tout, déclara Max, c’est du calme ! Tous autant que nous sommes, nos nerfs sont en mauvais état : Marcy est débordé par le classement de Monsieur Wordsmith.

- Sans compter cette chère miss Salisbury, ajouta Teresa en faisant tourner le fond de son verre de vin avant de le boire.

- Tout juste, Et le dénommé HiggelBottom qui en a régulièrement après moi, et dois-je prendre en compte ton aventure à la librairie ?

- Encore des soucis avec ton ardoise chez Georges ? S’enquit Star

- N’en parlons plus ! Max à raison ! Et un changement d’air s’impose.

- Que diriez-vous d’un petit séjour en Irlande, l’air y est excellent et aurait vite fait de tous nous retaper, j’ai beaucoup de famille là-bas, oncles, tantes, cousins ! Tenez mon oncle John McNulty, il est toujours en pleine forme, même après deux mariages !

Marcy, qui tenait les cordons de la bourse familiale, remercia Star pour sa suggestion mais expliqua qu’entre le voyage, les bagages la nourriture et l’hébergement le budget était dépassé : Certes beaucoup de voyages sont à des prix défiants toute concurrence mais dans des conditions qui sont généralement incompatibles avec la notion de calme et décontraction que Max et elle-même se faisaient en matière de vacances.

- L’économie de masse pour le tourisme est une belle chose, ajouta-elle, mais quand on vous propose un voyage à trente euros on n’en a exactement que pour trente euros !

Star ne put qu’acquiescer : Il y a peu, se trouvant du côté de Grenoble, elle avait dû prendre un autocar pour rentrer sur Antibes. Cela lui avait coûté trente euros et avait pris douze heures : À tel point que de concert avec d’autres voyageurs elle avait proposé de pousser directement le bus, ce qui irait selon eux plus vite et économiserait du carburant. L’idée d’un séjour au pays de l’homme tranquille fut donc momentanément écartée.

- Humm… Et une île déserte, cela ne serait pas si mal, non ? Suggéra Teresa, soudainement pensive.

Max la regarda d’un air intrigué tandis que Marcy et Star se demandèrent si cela pouvait avoir un rapport avec cette nouvelle émission ou des gens apparemment sain d’esprits, du moins à ce qu’on pouvait en juger, abandonnaient joyeusement le confort moderne pour vivre des aventures que même Papillon en personne, au temps du bagne de Cayenne, n’aurait pas osé affronter. Encore que ce dernier ne bénéficiait pas du support médical et technique adéquat.

- Je ne suis pas sûre qu’une île déserte soit un lieu idéal, de plus elles sont difficiles à trouver de nos jours sans compter qu’elles sont pleines de bestioles désagréables, fit sagement observer Marcy.

- Et cela coûterait beaucoup plus cher que l’Irlande, renchérit Star, sauf en cas de naufrage bien sûr…

Bien que consciente que la fréquentation des îles, plus ou moins déserte, avec tout le confort et la logistique voulue était en général l’apanage de ceux dont les comptes bancaires affichent à minima huit ou neuf zéros. Il en fallait tout de même plus pour décourager notre Teresa qui, légèrement éméchée, venait de se rappeler qu’un exemplaire quelque peu défraîchi de Paul et Virginie traînait quelque part dans sa bibliothèque. “Allons, souvenez-vous de ce vieux film, une histoire sur une île tropicale où se retrouvent une jeune fille et un de ses cousins, en pleine nature et tout et tout ! Comment est-ce que cela s’appelait déjà ?

– Je crois que c’était Le lagon bleu, avec Bo Derek dans le rôle de la fille, par contre je ne sais plus quel acteur jouait le rôle du cousin, Ajouta Star après quelque instant de réflexion.

- C’est ça ! Une île absolument magnifique, pas un nid à serpents, scorpions ou autres bestioles, non, non ! Une eau et un ciel sublime, des fruits et de l’eau douce à profusion, tout ça avec une météo idyllique !

Tu vois d’ici les avantages mon vieux : pas de souci à se faire pour le ravitaillement et même pas de garde-robe à trimballer, juste quelques feuilles par-ci, par-là au besoin, et encore seulement en cas de mauvais temps ! Tout ça gratis bien sûr. C’est assez tentant mon cher Max, tu ne trouves pas ?

- Du moment que je ne risque pas d’y croiser M. HiggelBottom, pourquoi pas ? Répondit l’intéressé, songeur.

Ses yeux brillants du même bleu que ledit lagon, Teresa passa un bras affectueux autour du cou de son jumeau et d’un geste ample de sa main tendue, dressa à son attention le décor hollywoodien de son nouvel éden personnalisé.

- Dis-moi, Teresa, si ma mémoire est bonne, ça ne se passe pas si bien que ça dans le film : Non seulement rapidement les choses ne sont pas très claires entre les deux gamins, mais au final tout le monde finit par passer l’arme à gauche !

Teresa prit d’un air boudeur ce dernier sarcasme de Marcy : “Je t’en prie, Marcy, Max et moi on sait se tenir quand même ! Et puis ce sont des vacances, pas un naufrage comme le propose miss blondinette. Du reste tu serais du voyage bien sûr !

- Sans moi, dit Star vexée, je déteste les bestioles !

- Pas si sûr ma vieille, ajouta Max, sarcastique à son tour, Si jamais tu apprenais que Marcy se balade sur une île paradisiaque vêtue de seulement quelques feuilles, tu serais capable de battre tous les records de traversée de l’océan à la nage !

Star éclata de rire, mais les joues soudainement en feu rien qu’à cette idée.

Teresa éclata elle aussi d’un rire certes exaspérant mais assez communicatif après avoir fait remarquer qu’au vu de sa plastique sculpturale la confection d’un simple bikini entraînerai la déforestation complète des lieux,

Marcy se contenta de lever les yeux au ciel, trouvant la blague un peu lourde…

- Plus sérieusement, que diriez-vous d’un petit séjour chez tante Beth, rien de tel que la campagne, l’air pur, les balades ? Suggéra Max en finissant son café.

- Et les étangs, la vase, les chardons, les orties…

- Marcy, ne soit pas aussi rabat-joie, si mes souvenirs sont bons on s’était bien amusés ! Ajouta Teresa

– Les chardons, ma grande, souviens-toi des chardons !

- Marcy…

- Et le coup de l’opossum ?

Max chercha un instant de quoi étayer les envie de campagne de sa jumelle mais elle n’eut pas besoin de lui pour continuer : « Je sais, Marcy, mais Max et moi avions des circonstances atténuantes : d’abord on avait neuf ans…

- Presque onze ! Rectifia l’intéressée

- Si tu veux, et puis notre mois d’argent de poche a suffi pour remplacer ton pull et puis après tout on n’a pas idée de porter du mohair en plein été !

C’est bon, je blague! Fit malicieusement Marcy, mais avouez, vous deux, que vous aviez fait fort cette année-là.

- Je connais la maison de tante Beth, je crois même que j’avais dû y passer des vacances avec vous il y a longtemps; Mais qu’est-ce que c’est que cette histoire d’opossum, Max, je ne m’en souviens pas ? Demanda Star subitement intéressée.

Tandis que ses sœurs débattaient rétrospectivement du montant du dédommagement du fameux pull, les souvenirs de Max se firent plus précis. Il se versa, ainsi qu’à Star, un peu de cognac sec et s’empressa de lui donner le fin mot de l’histoire :

– Si ma mémoire est bonne, c’était l’été 2006 ou 2005 et Teresa avait effectivement fait très fort ! Moi aussi, remarque…

Tante Beth, veuve depuis quelques années, vivait dans un charmant trou de campagne à la lisière des hautes Alpes. Un village à flanc de montagne qui comptait, toutes saisons confondues, largement plus de chats que d’habitants. Depuis leur plus tendre enfance Max et Teresa y passait une partie des vacances d’été, flanquées de Marcy qui aidait à l’occasion tante Beth à ramasser les nombreux fruits et légumes de son jardin. Le coin était assez enchanteur, dominé par l’odeur riche et grasse des trèfles, des saponaires, bourraches, chardons, ombrelles et autres bouillon-blanc.

Et les jumeaux adoraient courir et fouiner dans toutes ces herbes, cueillir des brassées de lavandes et de coquelicots (bien qu’en piteux état au retour à la maison, ils étaient généreusement offerts à Marcy) et flâner le long des champs de blé qui ondulaient comme des dos de serpents.

Cet été-là avait connu la conjonction de deux faits majeurs : météorologique au vu d’aussi violentes qu’imprévisibles alternances de pluie et de canicule, littéraire au vu de la toute aussi violente et nouvelle passion de Teresa pour Mark Twain.

Aussi, peu après leur arrivée chez Tante Beth, elle s’était mue en une petite-cousine de Huckelberry Finn : Affublée uniquement d’une salopette informe et délavée ainsi que d’un chapeau de paille en bout de course, pieds nus comme à son habitude, elle avait pris la décision de passer son séjour à battre la campagne en quête d’aventures inoubliables qu’elle comptait bien consigner dans son journal en vue d’une future histoire qui ferait sensation.

Naturellement, sinon cela n’aurait pas été drôle, Teresa avait illico embarqué Max dans son épopée champêtre après l’avoir revêtu pour l’occasion de la même panoplie.

Bien évidemment ce duo pittoresque fit la joie des habitants et des quelques touristes aux alentours, qui ne manquèrent pas d’abreuver les réseaux sociaux de photos et de commentaires bien choisis.

Peu conscient de leur chance unique d’observer deux authentiques vagabonds des rives du Mississippi les plus jeunes gens du cru, fort heureusement peu nombreux, trouvèrent à leur intention tout un tas de surnoms, qualificatifs et autres quolibets hautement imaginatifs et leur lancèrent même quelques fruits, légumes, noix et chardons en signe évident d’encouragement. Mais ni ces injustes réactions ni les quelques doutes de Max concernant sa vocation de gamin des bois du XIXème n’entamèrent la détermination joyeuse de Teresa, qui chaque soir consignait leurs exploits dans ses carnets.

Ainsi, Marcy qui voyait partir les jumeaux chaque matin en emportant un lourd panier à provisions rempli par Tante Beth, passait le reste de la journée à flemmarder et improviser des airs de musiques. Sur les coups de sept heures, elle réceptionnait enfin deux pauvres choses boueuses, généreusement recouvertes de toutes les sortes de débris végétaux que la région pouvait offrir. Ces loques épuisées et vaseuses, à savoir Max et Teresa au retour de leur expédition, affichaient tout de même des sourires béats et pleins de satisfactions qui faisaient plaisir à voir !

Alors, en sœur aînée responsable, elle dépouillait les jumeaux de leurs oripeaux champêtres qui prenaient immédiatement le chemin du lave-linge familial (la facture d’eau et de lessive de tante Beth fut pharaonique cet été-là) puis opérait un vigoureux décrassage à coups de tuyau d’arrosage, d’imposantes doses de savon, d’éponges grand format et éventuellement de balai à feuille.

Et, après que Marcy ait jugé qu’ils étaient suffisamment débarrassés de leur tenace odeur de vase pour reprendre leur place légitime dans le monde civilisé, les revêtaient d’une épaisse serviette de bain bien sèche et confortable.

Bien évidemment, au premier coup de lance d’arrosage, Teresa protestait haut et fort en affirmant que personne n’aurait jamais osé traiter Tom Sawyer ou Huckelberry Finn comme ça ! Mais le chocolat chaud à la cannelle ou, c’était selon, le cornet de glace offert en récompense la ramenait rapidement à de meilleurs sentiments.

Après le repas, si Max aspirait à un peu plus de calme, sa jumelle le sollicitait avec enthousiasme pour les projets du lendemain.

Non, là où les choses étaient devenues compliquées, ce fut lorsque Teresa, au vu des nombreux chats traînant dans le coin, improvisa une chasse à l’opossum ! La fillette n’avait certes jamais vu d’opossum autrement que dans un livre : Mais, décidant qu’en dépit de quelques différences anatomiques évidentes cela semblait néanmoins suffisamment à un chat, elle commença à élaborer un plan d’attaque des plus imaginatifs.

Une fois l’animal attrapé, elle prendrait soin de consigner par écrit toutes les étapes essentielles de sa capture avant de le relâcher. Il suffirait alors, comme elle l’expliqua longuement à un frère quelque peu dubitatif, de remplacer dans son journal le terme “chat” par celui, ô combien plus exotique et évocateur “d’opossum” !

Marcy regretta par la suite de ne pas s’être doutée de quoi que ce soit en voyant Teresa trimballer en plus du panier de ravitaillement habituel, confié pour l’occasion à Max, une épuisette, une vieille couverture en guise de filet, une canne à pêche et une boîte remplie de vers de terre, limaces, carottes, branches de céleri fanées et autre choses peu ragoûtantes !

Relater en détail ce qui se passa ensuite demanderai trop de temps et laisserai sans doute les lecteurs dans une incrédulité bien compréhensible quant à la véracité des faits.

Qu’il suffise de savoir que ce jour-là, ce fut le pull en mohair de Marcy qui lui épargna de terribles griffures mais fut irrémédiablement réduit en charpie, qu’une voisine acariâtre menace de pendre par la peau du cou “ces sales petits voyous débraillés et crasseux” qui avaient terrorisé son pauvre minet au point que celui-ci trouva refuge dans le conduit de sa cheminée pour y rester deux jours durant.

Que le maire ordonna une enquête pour découvrir qui avait fourré dans le pot d’échappement de sa voiture une demi canne à pêche, une épuisette brisée et trois carottes afin de présenter la facture du garagiste au coupable. Sans compter les dommages sur sa boîte aux lettres neuve, qui à présent tenait plus d’une œuvre de César Baldaccini que d’un objet fonctionnel, l’opposition politique locale nia bien entendu toute implication !

Tante Beth et Marcy réussirent quelque peu à calmer les esprits, les jumeaux furent consignés dans leur chambre sans dîner et interdit d’escapades pour le reste du séjour. Néanmoins Teresa put conserver ce qui restait de son chapeau de paille comme un glorieux trophée et le récit de ses exploits à ses camarades de classe fascinés acheva de la conforter dans sa vocation d’écrivain en herbe.

Tout cela fit bien évidemment rire toute l’assemblée, mais guère avancer les choses, la soirée était déjà bien entamée lorsque Teresa eut une subite illumination :

- Et si nous profitions tout simplement de l’arrière-pays ? Il fait encore très beau pour la saison, les touristes sont moins nombreux. Pourquoi ne ferions-nous pas une excursion d’une petite dizaine de jours ? Il y a tant de jolis coins : les gorges du Verdon, Sisteron, la cité médiévale d’Entrevaux. Pas besoin de chercher midi à quatorze heures…

- Certes, corrigea Marcy, mais pour se loger ? Même en cette saison, une simple chambre d’hôte, ce n’est pas donné.

- Pourquoi ne pas louer un camping-car ou un Van ! S’écria Star, à qui décidément le cognac donnait des idées lumineuses, c’est plus abordable.

- Heu… Un camping-car, c’est assez cher et encombrant, fit Marcy après un instant de réflexion, Par contre, j’ai déjà vu des Van tout équipés, certes c’est plus petit mais c’est bien plus abordable et ça peut avoir un petit côté douillet et intime pas déplaisant !

- Alors ça pourrait convenir, fit Max qui commençait à fatiguer, je propose que l’on mette tout cela à plat demain et que l’on examine le budget en détail !

Rapidement, et parce que chacun avait nettement apprécié le cognac, tout le monde fut très vite d’accord sur le fait d’aller se coucher : Mais comme il était trop tard pour que Star rentre chez elle, Teresa et Max lui offrirent l’hospitalité, Marcy expliqua qu’elle devait se lever tôt et décida de gagner rapidement sa chambre !

- À quelle heure veux-tu que je te réveille ? Fit Star en baillant, je suis une véritable horloge sur pattes, vous pouvez me faire confiance !

– Hé bien disons sept heures, je dois travailler chez M. Wordsmith à huit heures et quart, le temps de prendre une douche et de déjeuner, cela devrait suffire !

– Parfait ! Et toi Max ?

– Disons huit heures, j’ai besoin d’un peu de repos !

– Pareil pour moi ! Fit Teresa, À propos tu peux prendre ma chambre, moi j’irais dormir avec Max !

– Parfait, répondit Star en s’étirant avant de bailler à nouveau, je vous réveille tous à l’heure dite et je prépare même le petit-déjeuner !

- À propos, n’oublie pas que demain c’est l’anniversaire de Lucy, tu y as pensé ?

- Heu, oui… Bien sûr, aucun problème Max, répondit Star qui avait manifestement oublié mais fit comme si de rien n’était.

Chacun gagna ses quartiers pour la nuit. Marcy après un bref passage dans la salle de bains ferma sa porte, Star entra dans celle de Teresa et laissa la porte largement entrouverte.

Teresa et Max se chamaillèrent un peu pour savoir qui dormirait de quel côté : Max dormait en général du coté gauche, mais c’était aussi le coté préféré de Teresa. Au final ils tirèrent au sort, qui fut propice à cette dernière, il contesta mais Teresa lui rappela que s’il était mécontent, le canapé du salon offrait un confort indéniable.

Max râlait un peu, mais surtout pour la forme, comme toujours : En fait dormir avec sa jumelle ne posait de problème ni à l’un ni à l’autre, c’était plutôt le sommeil quelque peu agité de Teresa qui compliquait les choses. Et ce soir, pour ne rien arranger, l’épisode de la librairie lui avait vraiment tapé sur le système.

Cette dernière rejoignit la chambre de Max, vêtue d'une de ses tenues de nuit habituelle : à savoir un boxer-short piqué à max, et un t-shirt top léger généralement plus informe que de coutume. Comme à son habitude elle fouina un moment dans la bibliothèque, retourna quelques bouquins et dans la manœuvre esquiva de justesse un ou deux gros volumes qui tombèrent en manquant de lui écraser les orteils.

Puis, satisfaite de sa trouvaille, Teresa vint tranquillement s'allonger auprès de son frère. Celui-ci leva le nez du livre qu’il feuilletait, plus par habitude que par intérêt, avant de retourner vers elle en l'entendant soupirer bruyamment.

– Tu n’as vraiment pas digéré ta rencontre avec le dénommé Grigorian ?

Teresa se mit à mâchouiller compulsivement une de ses mèches de cheveux, ce qui est mauvais signe en général.

– Bof, je finis par me demander si je suis réellement faite pour l'écriture, mon vieux !

Il hésita un peu avant de répondre : « Ce n’est que son avis après tout »

Teresa coula vers son frère un regard aussi plaintif et empreint de souffrance que celui du basset du lieutenant Colombo dans ses meilleurs jours.

- J’y avais vraiment mis tout mon cœur, je me sentais inspirée, pleine de feu, j’ai écrit pendant des nuits entières…

C’est cette semaine-là que tu as épuisé la réserve de café ?

– Tout juste, j’avais même commencé à entamer notre réserve secrète !

Max se remémora cette semaine où Teresa, en plein hubris littéraires, avait non seulement pillé sa bibliothèque – après avoir tenté un raid aussi risqué qu’infructueux sur celle de Marcy – mais aussi ingéré plus de café que n’en consomme le service comptabilité d’une entreprise de taille respectable pendant le bouclage du bilan annuel.

En ces moments, elle semblait possédée par quelques démons littéraires (Teresa aurait signé avec Méphisto bien plus vite que le vieux Faust si elle pouvait en espérer un espoir de publication) et même Marcy évitait soigneusement de la contrarier.

- Tu vois, un soir Coleridge se couche un peu mal fichu, prend un calmant, et le lendemain il compose Kublah Kahn, quand c'est à moi que cela arrive, tout ce qu'il me reste c'est une migraine. C’est là tout mon drame !

Sic transit Gloria Mundi comme disait l’autre ; Tu feras mieux la prochaine fois.

-J’espère, bien…

– Si ça peut de consoler, dis-toi que si tu avais rencontré Ernest Hemingway dans de pareilles dispositions, il t’aurait sans doute mis son poing sur le nez !

La repartie fit glousser de rire Teresa qui commença à se détendre. L’un comme l’autre bouquinèrent encore un petit moment, puis elle éteignit la lampe !

-B’nuit Max !

Ce dernier, qui lui tournait le dos, commença à compter à rebours à 15 ; il venait d'arriver à 3 quand il sentit Teresa se serrer contre lui et l’entourer de ses bras avec toute la délicatesse d’une étoile de mer s’apprêtant à dévorer un oursin : “Record battu” pensa-il.

– Teresa, ce n’est pas que je trouve ton affection désagréable, loin de là. Mais pourrais-tu, s’il te plaît, au moins envisager de me laisser respirer ?

– Tais-toi ou je mords…

Max n’insista pas et Teresa se noua un peu plus autour de lui, il ferma les yeux mais les rouvrit subitement sous le coup d’une sensation très curieuse…

- Teresa… Est-ce que je me trompe ou tu es en train de mâchouiller mes cheveux ?

- Tu sais bien que ça me calme de mâcher des trucs, souffla la fautive. Hé, tu n’aurais pas piqué le shampoing de Marcy !

Il chercha un instant quoi répondre à cela puis y renonça finalement : Teresa était à présent en train d’attaquer le col de son t-shirt, signe qu’elle était sensiblement très déprimée.

Elle avait assez souvent l’habitude de dormir avec son frère, particulièrement lorsqu’elle essuyait un refus littéraire ou tout simplement, sous l’emprise d’un gros coup de cafard, lui prenait une envie de discuter ce qui menait parfois à des nuits blanches, quelquefois au regret de Max qui avait souvent besoin de se lever tôt pour travailler alors que sa sœur ronflait encore comme une marmotte.

Son sommeil était plutôt du genre agité : Teresa avait beau s’endormir assez vite, Max pouvait se retrouver brutalement jeté en touche en bas de son lit par une ruade inattendue. Il avait d’un seul coup l’impression de se trouver en plein match de rugby, mais, peu enclin à se laisser faire, il la repoussait doucement mais fermement à coups d’oreiller pour reconquérir sa place légitime.

Les démonstrations affectives de Teresa, diurnes comme nocturnes, sont toujours un peu problématiques pour Max, même si en définitive il les trouve agréables.

En général, elle lorsqu’elle se place près de lui, avant de sombrer dans un sommeil profond, Max arrive en général à prédire la qualité de sommeil de la belle endormie selon la position.

Si elle se contente de lui tourner le dos, il y a de forte chance que son sommeil soit très agité et Max prend alors le soin de rassembler oreiller, couverture voire traversin en vue d’édifier des fortifications…

Si elle se rapproche un peu plus et lui passe nonchalamment un bras autour des épaules ou de la taille, la nuit peut être plus calme mais des risques de se trouver jeté à bas du lit restent non négligeables.

Souvent dans ces moments Teresa semblait compenser son manque d’activité physique de la journée par une version onirique du catch ou du combat de rue. Max supposait qu’elle combattait ainsi ses démons littéraires, mais regrettait d’en subir les dommages collatéraux.

Dans le cas le plus favorable, où elle dormait de son plus profond sommeil, Teresa jouait les étoiles de mer : elle s’agrippait, s’entourait et fourrait son nez contre la nuque de Max, à ce moment il savait qu’il pouvait espérer une nuit beaucoup plus tranquille.

Le seul hic étant que se dépêtrer de l’étreinte de sa jumelle, s’il avait besoin pour une raison ou pour une autre de se lever ou simplement attraper un verre d’eau, relevait de l’exploit. Et s’il la réveillait, de mauvaise humeur, c’était bien sûr toujours lui qui était le seul fautif…

Du côté de Marcy, avec qui il lui arrivait également de partager un lit de temps à autre, c’était un autre problème : Elle avait un sommeil de plomb et bougeait peu, mais ce n’était pas non plus sans conséquences :

Quelque temps auparavant, Max l’avait accompagnée alors qu’elle devait, en théorie du moins, récupérer le cachet d’un concert qui selon elle avait eu un franc succès. Max avait quelques doutes quant au montant de sa rémunération, qui au final ne permit au duo que de s’offrit le restaurant, au grand dam de Teresa qui s’estima oubliée dans l’affaire !

Mais ce petit voyage lui permettait de sauter quelque jour de travail et après tout Teresa pouvait se débrouiller un moment avec la cuisine, bien qu’au final, cette dernière finissait régulièrement par camper chez Star.

Même si l’un comme l’autre étaient chroniquement fauchés, Max évitait comme la peste les hôtels trop bon marché, et comme il avait coutume de déclarer à Marcy : Quitte à s’enquiquiner lors d’un voyage, autant le faire dans le confort, principe que cette dernière trouvait fort judicieux, d’autant plus que c’était souvent Max qui réglait l’addition.

Aussi choisissaient-ils systématiquement une chambre confortable mais bien souvent avec un seul lit pour limiter les frais. Ce soir-là, après avoir rangé quelques affaires et pris un rapide souper, Max et Marcy se couchèrent tôt, Max étant particulièrement fatigué d’avoir cavalé toute la journée pour aider sa sœur à récupérer son dû.

Un peu comme Teresa, Marcy adoptait en général pour dormir une tenue assez dépouillée, à savoir une brassière de sport confortable ou un simple t-shirt plus un caleçon, et après avoir gentiment souhaité une bonne nuit à son frère, elle s’endormait comme une masse.

Mais dès que lui commençait à sommeiller, Marcy soupirait un peu, se retournait brutalement et son bras certes protecteur mais ô combien pesant tombait alors lourdement sur la poitrine de Max, qui réveillé en sursaut, peinait à croire que le plafond ne venait pas de lui tomber sur la tête !

Elle avait le sommeil lourd et, au vu de son gabarit, il ne pouvait guère la faire remuer. Réussissant tout de même à se dégager un peu, il s’étira et voulut boire un peu, à ce moment Marcy, qui s’était remis sur le dos, s’étira à son tour et son bras gauche heurta violemment l’épaule de Max, qui lâcha la bouteille d’eau dont la moitié du contenu se rependit généreusement sur son bras et sur sa portion de lit.

Il réussit en luttant, se tortillant un peu et au prix du sacrifice d’un confortable oreiller qu’il réussit à glisser entre les bras de Marcy, à retrouver un peu de liberté et s’endormit du sommeil du juste, quoique un peu plus humide suite à l’incident de la bouteille d’eau.

Cela ne dura pas très longtemps, puisqu’une ruade de Marcy l’expédia au bas de son lit. Et à présent celle-ci, étalée de tout son long, occupait toute la surface disponible. N’ayant aucune intention de dormir par terre, il étudia rapidement la question et finit par décider de pousser suffisamment Marcy pour retrouver sa place, sans toutefois la réveiller, ce qui fut loin d’être évident.

Avec efforts et délicatesse, il put reconquérir sa place. Mais, juste après qu’il se soit allongé, Marcy referma soudainement ses bras autour de son frère ce qui bloqua prestement ce dernier contre son giron sans qu’il ait eu le temps de dire ou faire quoi que ce soit.

Max soupira à son tour, cette situation le laissant tout de même assez partagé : D’une part dormir entre les bras de Marcy, en tout bien tout honneur cela va de soi, mais la joue fermement plaquée contre l’opulente poitrine de cette dernière n’était somme toute pas foncièrement désagréable, sans compter qu’elle affichait un sourire si doux et bienveillant qu’il n’aurait pas eu le cœur de la réveiller.

D’autre part il se sentait quelque peu dans la peau d’un chaton, lapin ou autre souris pris entre les pattes du brave Lennie Small de Des souris et des Hommes.

Même si Marcy s’en sortait infiniment mieux que le malheureux héros de Steinbeck, de la même manière sa prodigieuse force physique pouvait causer quelques dommages involontaires et il n’avait pas vraiment envie que, lors d’un élan de tendresse nocturne, son aînée lui casse plusieurs côtes ou fasse un nœud plat avec sa trachée.

Un instant il songea à Star : Elle aurait vendu son âme pour se trouver à sa place (si toutefois ladite âme n’était déjà pas mise en gage lors de quelques ténébreux pactes Faustien dont la charmante blondinette, tout comme Teresa, avait le secret) et il se plut un instant à imaginer Marcy câliner amoureusement cette gentille et douce petite chose blonde jusqu’à ce que sa colonne vertébrale se plie en accordéon et que ses yeux gigotent comme ceux de Kermit la grenouille.

Bien que fort peu charitable envers sa meilleure amie, cette pensée lui apporta néanmoins un sommeil étonnement réparateur.

Pour être tout à fait honnête les choses n’étaient pas toujours aussi problématiques et Max, lors de gros coups de cafard qui ne l’épargnait pas lui non plus, était bien heureux d’être entouré du cocon doux et protecteur de ses sœurs, même s’il était parfois quelque peu remuant.

Max avait aussi ses défauts puisqu’il avait tendance à parler dans son sommeil et craignait de ce fait, à tort ou à raison, de tenir des propos déplacés lors de ces rêves.

En témoigne cette scène curieuse mais véridique où, se réveillant avec à ses coté une Teresa très attentive qui notait des choses sur un carnet, cette dernière très intriguée l’interrogea aimablement sur ce qu’il entendait par la phrase : “Non merci, pas d’ornithorynque pour le moment, je prendrais le prochain…

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