Chapitre 19 : Macabre découverte (3e partie)

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 Je bondis sur mes pieds, saisissant mon arc, enfilant ma veste et mon carquois dans le même mouvement. Plusieurs cavaliers arrivaient de l'ouest, vers nous, leurs silhouettes se découpant dans la lumière lunaire. D'après ce que j'en voyais, il avaient l'air lourdement armés. 


 Jaskier rangea en un tour de main le peu d'effets que nous avions sorti, prêt à enfourcher Ablette si le besoin se faisait sentir. J'attendais bien campée sur mes jambes, prête à bander mon arc. Nous attendîmes que les cavaliers soient à portée de voix et de flèches. Ils étaient au nombre de quatre, effectivement lourdements armés mais l'air plus effrayés que dangereux. Ils étaient jeunes, trop jeunes pour être des soldats, ils avaient à peine du poil au menton. Leurs épaules larges laissaient deviner des corps fortifiés par le travail aux champs. Ils se mirent en position défensive et l'un d'entre eux pris la parole d'une voix qu'il voulait impressionnante :


– Vous ne devriez pas être ici. Il y a des goules à quelques lieues de là, il désigna le bosquet.

– Nous sommes au courant, affirmais-je tranquillement.


 Le gamin me regarda effaré.


– Et vous attendez quoi ici, ça aime la chair fraîche les goules… Pis c'est rapide aussi...

– Venez prendre place près du feu, on ne mord pas. Répondit Jaskier en s'asseyant. 

– Mais euh… Nous avons une mission ! Repris le chef de la bande en bombant le torse.

– Elle est en cours de résolution. Assoyez-vous les garçons, confirmai-je en m'asseyant à mon tour, rangeant mon arc dans mon dos.


 Ils se regardèrent hébétés et soulagés à la fois puis acceptèrent notre proposition, attachant leurs chevaux les uns aux autres avant de s'approcher prudemment de notre feu. De près ils avaient l'air encore plus jeunes et incertains que de loin. Le chef devait avoir une quinzaine d'années, un grand gaillard blond et bien bâti qui se présenta comme Wellan. Les trois autres apparaissaient plus jeunes encore, treize ou quatorze ans? Le moins charpenté de tous arborait une tignasse rousse et un acné juvénile florissant, Finn, les deux autres se ressemblaient comme deux gouttes d'eau : bruns aux yeux sombres et à la peau hâlée par le travail extérieur Josh et Karl. 


– Bon expliquez-nous ce qu'il se passe les mômes ! Comment ça se fait qu'on vous envoie vous à la chasse aux monstres ? Vous êtes un peu jeunes pour ça… Et puis c'est un boulot de Sorceleur, non? Vous en avez déjà affronté une de goule vous?!


 L'entrée en matière de Jaskier les avait un peu hérissés. Ils s'étaient regardés, bombant le torse pour paraître plus solides avant de finalement baisser les yeux. Wellan expliqua la situation :


– Dans notre village personne voulait y aller… Mais nous on peut pas laisser leurs corps continuer à se faire déchiqueter… Ça fait déjà trop longtemps qu'ils attendent qu'on les enterre… 

– Mais pourquoi ne pas y aller de jour, en sécurité ? Osai-je demander.

– Parce que ces saloperies ont bouffé les corps de nos proches ! lâcha le rouquin. J'étais là quand les brigands les ont tous tués… Ils ont fait exploser notre chariot pour quoi? Quelques orins et des légumes ?! J'ai réussi à me planquer dans un arbre mais j'ai rien pu faire pour ma famille ! J'ai vu ma mère se faire violer sous les yeux de mon père avant qu'il ne soient tous les deux égorgés et dépouillés ! J'ai vu ma sœur se faire briser la nuque par un de ces salopards ! Les pères de mes amis, il désigna les trois autres, ont fait tout ce qu'ils pouvaient pour empêcher ça, il se sont bien battus mais les autres étaient plus nombreux, mieux armés, sans scrupules… Ils nous ont tout volé, les bijoux de famille, les outils, les chevaux, les victuailles… Ils se sont barrés à la nuit tombée et là les goules sont arrivées et ont achevé de massacrer les restes de ceux que j'aimais! La seule chose qui m'a sauvé c'est de m'être roulé dans la merde pour cacher mon odeur avant de remonter dans l'arbre. Il était trop tard pour quitter les lieux de toutes façons. 


 Sa voix se brisa. Une larme coula sur sa joue tandis que ses amis, unis dans la même douleur, vinrent instinctivement serrer les rangs autour de lui. Il crispa les poings renouant avec la colère qui le gardait en vie. 


– Donc on va tuer ces saloperies de goules et après on retrouvera les salopards qui ont fait ça pour leur faire subir le même sort. Nos proches seront vengés, j'en fais le serment, dit-il en crachant au sol. Je n'oublierai jamais les visages de ces monstres. Jusqu'à ma mort je les chercherai, je les traquerai.

– Je vois, lâcha Jaskier, pour les goules, si j'en crois le silence actuel, le problème est réglé. Nous en aurons confirmation dans quelques heures. Vous avez eu de la chance les gars, vous n'auriez jamais survécu à cette bataille là. 


 Maintenant qu'on en savait un peu plus et que les jeunes s'étaient posés, le Barde en profita pour nous présenter l'un et l'autre et leur offrit de partager une collation. Reprenant ses vieilles habitudes, il se lança dans le récit des exploits du Sorceleur qui venait d'occire les goules à leur place. 


 Les garçons étaient captivés. Je les voyais frissonner en réponse aux actions. Quelque chose me disait qu'ils commençaient à prendre conscience du type de créatures auxquelles ils avaient prétendu se mesurer. La nuit passa, étant maintenant six, nous eûmes la possibilité de nous relayer et de dormir suffisamment pour être requinqués au soleil levant. J'avais hâte de retourner au bosquet m'assurer que Geralt était indemne, aussi, dès le premier rayon du soleil, je tirai tout le groupe du sommeil sans ménagement, les incitant à sauter le petit-déjeuner pour aller au plus vite sur le lieu de la bataille.


 Quelques minutes après nous étions tous à cheval, au petit galop sur la plaine. L'aube colorait le paysage d'une lumière flamboyante qui faisait étinceler les gouttelettes de rosée couvrant les végétaux. Les corbeaux se remirent en mouvement, croassant sinistrement. 


 Bien que de plus petite taille, Orage était la plus rapide de nos montures. Je fus donc la première à arriver sur les lieux. Une nouvelle fois l'odeur putride me sauta au visage. Elle était néanmoins différente de la veille à cause des nouveaux cadavres : Geralt gisait au sol, entouré de trois monstruosités inanimées, un corbeau était perché sur sa poitrine, lui triturant du bec une plaie sur sa joue en me jetant un coup d'oeil mauvais. Mon coeur me donna l'impression de cesser de battre.

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