Chapitre 7 : Retour chez toi (2e partie)

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 Il ne restait plus qu'à attendre la nuit. Nous nous éloignâmes vers l'arbre creux et le bosquet retiré, confortable et à l'abri des regards, longé par le ruisseau. Jahlna nous avait laissé ses provisions ce qui nous permis de nous sustenter. Cela changea très agréablement des quelques pommes dont nous nous étions contenté depuis la veille. Repus, nous prîmes le parti de dormir jusqu'à la nuit pendant qu'Ablette se régalait du picotin laissé par Jahlna puis paissait les herbes grasses locales. Geralt posa la tête sur sa selle et je posais la mienne sur son abdomen. Nous nous laissâmes aller au sommeil.

 Quand je m'éveillai, le soleil était en train de se coucher. Il nous restait encore de longues heures d'attente avant notre excursion. Je pris le temps de tracer au sol un plan sommaire du village et de ses alentours afin de donner à Geralt un minimum de repères et convenir avec lui d'une stratégie pour éviter tout ennui. Il était possible, voire probable, qu'il y ait des soldats en faction. Nous essayâmes de deviner où ils pourraient s'être positionnés pour ne pas les rencontrer. Il était également plus que probable qu'il y en aurait chez moi. Il faudrait donc trouver le moyen d'entrer et sortir sans être inquiétés. Je repensai soudain à une des inventions de mon homme : une échelle à déplier permettant de descendre depuis l'étage en sécurité. Si nous trouvions le moyen de la faire descendre alors nous pourrions monter par là, à l'arrière de la maison. Il faudrait pour cela passer par les jardins potagers mais ce devait être jouable.

 Nous avions anticipé tout ce qui pouvait l'être. La nuit était tombée amenant avec elle les sons des animaux nocturnes. C'était la nouvelle lune, nous n'aurions donc que la lueur des étoiles pour nous éclairer. J'allais donc dépendre totalement des capacités visuelles de Geralt qui, je le savais, y voyait presque comme en plein jour, d'autant plus qu'il venait d'ingurgiter quelques-uns de ses élixirs. Son visage était devenu plus crayeux que jamais, ses veines se dessinaient sombrement autour de ses yeux entièrement noirs tant ses pupilles étaient dilatées. Je comprenais qu'on puisse le trouver effrayant.

 Nous avions enveloppé les sabots d'Ablette dans ce qu'il nous restait de chiffons propres afin que ses fers ne résonnent pas dans le village. Impossible de la laisser dans la forêt, notre lieu de rendez-vous étant à l'opposé. Je commençais à m'agiter, comme un lion en cage. Cette attente devenait insupportable. Geralt détourna mon attention en me faisant la conversation mais j'avais beaucoup de peine à me concentrer.

 Enfin l'heure était venue. Toutes nos affaires étaient prêtes, rangées dans les sacs et sacoches. Nous avions enfilé les lourdes capes de laine et rabattu les capuches sur nos têtes, dissimulant nos visages. Geralt m'installa sur la jument, la guidant à la main. Je la sentais nerveuse, elle n'appréciait visiblement pas cette promenade dans l'obscurité. Elle renâcla et Geralt utilisa un Signe qui sembla l'apaiser. Je la flattai de la main tout en veillant à me relâcher et à respirer profondément sur son dos pour lui transmettre de la tranquillité.

 Nous sortîmes du couvert des arbres pour arriver sur la route du village. L'idée était de le contourner pour éviter l'entrée principale en passant par la voie utilisée d'ordinaire pour le bétail. Comme espéré, les ruelles semblaient vide. Nous ne percevions aucune source de lumière au sein des bâtiments. Une voix résonna :

– Putain quel boulot de merde ! L'individu cracha bruyamment. C'est pourtant logique qu'ils sont pas assez cons pour se jeter dans la gueule du loup !

– Ferme-la ! Les ordres sont les ordres, chaque rue doit être surveillée un point c'est tout.

– Ouais ben en attendant ras-le-bol de me cailler les miches pour rien ! T'as rien à boire qui réchauffe ?

– Tu m'fais chier ! Tiens ! Mais la prochaine fois c'est toi qui régale!

– Ouais ouais…

 Nous avions donc confirmation du comité d'accueil. L'avantage c'est que ces deux-là étaient tellement bruyants qu'on avait pu les contourner tranquillement sans qu'ils ne s'apperçoivent de rien. J'avais le coeur battant. Je priai pour que la jument reste silencieuse elle aussi. Nous comptions les ruelles pour arriver dans celle donnant sur les jardins potagers. Geralt repéra les gardes suivants, quelques mètres avant que nous arrivâmes devant. Il me fit une pression sur la main, code convenu pour m'indiquer qu'il s'éloignait, j'entendis une courte agitation puis il revint nous chercher, entraînant Ablette toujours plus loin. Jusque là, tout se passait bien.

 Les choses se corsèrent quand il fallu tourner dans plusieurs ruelles adjacentes pour arriver là où nous voulions : il y avait de plus en plus de soldats ce qui nous rendait la tâche difficile tant pour les contourner ou pour les réduire au silence. Il était clair que la volonté était grande de nous capturer. Un frisson glacé me parcourut l'échine en imaginant quels châtiments nous attendaient s'ils nous mettaient la main dessus.

 Enfin nous arrivâmes au niveau des jardins potagers. La terre nue avait été retournée, préparant les premiers semis. En bordure des maisons, les dernières courges étaient stockées en attendant d'être mangées. Un seul soldat avait été affecté à l'espace arrière, il était d'ailleurs en train de maugréer contre sa mauvaise fortune. Il fut pris de panique quand il apperçu notre silhouette et, sans même penser à crier, partit en courant prévenir ses collègues. Je vis Geralt hésiter à lui courir après puis se raviser. Se saisissant d'une courge, il la lança avec précision et puissance sur l'individu qui tomba assommé. Geralt s'en frotta les mains.

 Nous y étions. Je connaissais la solidité de notre porte arrière, protégée par un système conçu par mon mari. Impossible de l'ouvrir de l'extérieur… A priori les soldats n'avaient pas su l'ouvrir de l'intérieur non plus, ce qui pouvait expliquer l'unique homme en faction. La seule solution était donc notre fameuse échelle de secours mais elle était pliée, à l'étage. C'était beaucoup plus haut que dans mes souvenirs. Le mur, blanchi à la chaux n'offrait pas la moindre prise. Comment diable allions-nous l'atteindre ?! Je calculais mentalement la hauteur d'Ablette, celle de Geralt et la mienne.

– J'ai une idée mais ça promet d'être acrobatique… Peux-tu garder Ablette tranquille contre le mur ? Bien. Et te mettre debout sur la selle? Ok. Tu n'as plus qu'à me hisser sur tes épaules.

 Tout en veillant à son équilibre, il fléchit les genoux pour me laisser prendre appui de mes mains au niveau de ses épaules. Je lui présentai mes tibias pour qu'il puisse me soutenir par là. Il se redressa lentement, me soulevant jusqu'à-ce que je sois en capacité de poser mes pieds sur ses épaules. Je m'accrochai comme je pouvais à sa tête, à ses cheveux. Le fou-rire nous guetta tant la situation était improbable ! Enfin, je parvins à me redresser complètement.

– Par la peste ! Il me manque juste quelques centimètres !

 Geralt me saisit à nouveau par les tibias et je gainai tout mon corps tandis qu'il me soulevait à bout de bras. Je le sentais tendu sous l'effort mais il tint bon et sa jument aussi. J'attrapai avec soulagement le bord de l'échelle.

– Je l'ai ! avais-je presque crié. Tu peux me descendre !

 Il me descendit avec prudence tandis que je tirai l'échelle derrière moi. Je me laissai glisser au sol pour achever de la déplier. Geralt, lui, se remit en selle pour descendre un peu plus loin, attachant Ablette à un arbuste.

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