6 - Damian

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Damian

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   Ce qui me plaît dans mon sport, plus que tout, c'est de pouvoir effleurer ce rêve de tout homme, du bout des doigts. Sauter, se propulser, étendre les bras, et voler. C'est une sensation grisante de se sentir quitter le sol, planer, aller à l'encontre même de la gravité. Tout paraît plus facile, vu d'en haut, vu du dessus.

C'est simple pour moi, de prendre mon envol, après avoir été propulser en l'air par un porteur, et de simplement laisser mon corps suivre les directives que notre coach nous impose. En soi, faire un salto où un arc dans les airs est un maigre inconvénient face au vide, au rien qui m'entoure lorsque seul dans les airs, mes poumons se vident dans une seule expiration.

— Rebecca, pointes de pied ! David, tes bras c'est pas de la pâte à modeler, gaine-moi tout ça !

Notre coach hurle sur les gradins, tandis que nous effectuons pour la cinquième fois consécutive, une chorégraphie que nous présenterons au prochain match des Lions.

Sur l'air de Sweet Melody des Little Mix, nos pas se calent, se reflètent et se complètent.

Henri – notre coach – est un vieux de la vieille en ce qui concerne le cheerleading : comme moi, il est arrivé en France autour de son quinzième anniversaire. À son époque, ce sport était majoritairement masculin, ce qui le fait plutôt rire aujourd'hui, lorsqu'aux auditions, il se retrouve face à une foule hystériques d'adeptes de l'équipe de pompom girls de Riverdale. Il fait d'ailleurs souvent cette reproche aux filles de notre équipe, qui même dans nos moments plus acrobatiques, s'acharnent à placer du sensuel et du sexy. Bien sûr que nous jouons sur cet aspect sulfureux du cheerleading, mais il ne faut tout de même pas en abuser.

Et ça, Henri sait nous le rappeler avec plus ou moins de finesse.

— Mélissa, un rond de jambe, ça ne veut pas dire suivre la gravité créée par ton cul ! Ce sont tes cuisses et ta sangle abdominale qui travaillent là, pas tes muscles fessiers !

Je pouffe, me fait foudroyer du regard par le coach.

S'ils avaient l'occasion de discuter, je suis certain que Henri plairait à Rafaël : ils ont en commun bien plus que leur airs de tyrans et leur sévérité dans l'effort. Parfois, lorsque le coach me chahute un peu trop, me traite de ''poupée de chiffon'' et que je me met à fulminer, il me rappelle avec bienveillance que son exigence vient de mon expérience.

— On a pas tous les jours la chance d'avoir un vrai 'ricain dans ses rangs. Alors un 'ricain qui en plus sait faire le grand écart et tenir son Y, tu comprends qu'il y a de quoi ne pas le ménager ?

C'est la première chose qu'il m'a dite lorsqu'en février l'année dernière, Ariana m'a poussée à me présenter à l'Arène. Je me rappelle avoir vu son visage ridé se creuser d'un sourire amusé face à mon air déconfit, avant de me bramer d'aller m'échauffer.

Ce jour-là, il m'a demandé de ne jamais regardé en bas lorsque les spotters me projettent en hauteur, afin de ne pas ressentir la peur, et de rester focalisé sur mon mouvement.

Je n'ai plus jamais regardé les lattes de la scène depuis.

— Damian Cortez ! Pour la vingtième fois, je veux que tes pieds touchent ta tête ! Tu as voulu ce mouvement de poupée désarticulée, tu assumes, merde !

Son apostrophe me déconcentre, je panique, brasse l'air, puis tombe.

Heureusement pour moi, mon porteur me rattrape au vol, me retient du mieux qu'il peut alors que mon visage manque de peu d'embrasser la scène.

Mon souffle est court, hachée, tandis que je me relève, hagard.

— On fait une pause, soupire Henri, après avoir roulé des yeux.

Sa façon mélodramatique de toujours tout prendre comme une potentielle fin du monde m'amuse d'ordinaire.

Pas aujourd'hui.

— Putain, un peu plus et tu te cassais le nez par terre, s'esclaffe mon porteur.

— On en aurait entendu parler pendant des semaines, rajoute une fille derrière nous.

— Vous allez me dire que vous kiffez vous ramasser comme de vulgaires merdes sur cette scène ? Vous êtes quoi, une équipe de sado-masos ?

Je ronchonne, quitte l'espace scénique pour attraper ma bouteille, abandonnée sur un banc en bordure de gradins. Avec une frustration grandissant, je la découvre vide, fronce les sourcils. Avec ma chance, quelqu'un a dû la descendre en la prenant pour la sienne.

Encore plus énervé que je ne l'étais déjà, je quitte la salle pour rejoindre les vestiaires, emprunte le long couloir des coulisses mal éclairé, me cogne le pied dans l'armature d'un portant.

Cette journée est un véritable enfer. J'aurais dû m'en douter, depuis que je me suis réveillé ce matin avec la désagréable impression de m'être endormi sur une serviette de piscine trempée. Lorsque j'ai ouvert les yeux, et que j'ai senti cette tiédeur moite sous mon dos, j'ai paniqué : j'ai tout d'abord cru à un petit soucis de relâchement de ma vessie mais, mon bas de pyjama était sec. Alors, j'ai tourné la tête vers Samuel, endormi près de moi, pour le découvrir trempé de sueur, la bouche grande ouverte, les yeux brillants. Bilan : quarante-et-un de fièvre, dispensé de lycée jusqu'au week-end prochain. Et surtout, interdit de dormir avec moi, pour ne pas me contaminer.

La belle affaire, je ne tombe jamais malade.

Après ça, il m'a été difficile de suivre le cours de ma journée sans ressentir ce petit pincement au niveau de mon estomac, qui me gâche la vie dès lors qu'il se réveille. Savoir Samuel malade, haletant sous quatre tonnes de couvertures, trempé de fièvre et tremblant de froid, ça me brise le cœur. Je sais bien que ce n'est pas la fin du monde, que ce n'est qu'un état grippal, qu'il va s'en remettre mais juste, le voir ainsi roulé en boule, loin de moi, tout seul dans l'obscurité de sa chambre aux volets fermés, ça me tue.

— Eh bah alors gattino, tu broies du noir ?

Sorti de mes pensées, je redresse la tête pour tomber sur Alexandre Petrova, un sourire goguenard aux lèvres, plutôt fier de son entrée en matière.

— De toi et moi, lequel parle le mieux le français ? je demande froidement.

— … moi j'imagine ? Pourquoi ?

— Humhum. Alors tu comprends pas quoi dans « Arrête de m'appeler comme ça ! » ?

Il rit, content de m'avoir fait sortir de mes gonds aussi facilement, et fait un pas en avant pour se rapprocher. Pour ma part, je recule d'un pas, me prends les pieds dans les files des enceintes, chute sur les fesses.

Mais quelle journée de merde, sans déconner !

— Tu t'es pas fais mal ?

Je repousse sèchement la main qu'il tend vers moi, me redresse et le contourne, la tête enfoncée entre les épaules.

Je dois dire que cette semaine au lycée, il n'est pas tellement venu me chercher des poux ; après l'épisode du retour de soirée où Samuel a passé son trajet à pleurer pour le pigeon mort, j'imagine qu'il n'avait pas plus envie que ça de revenir vers nous. Ce qui n'était pas pour me déplaire, pour être honnête. Je n'aime pas cette façon qu'il a de me tourner autour sans aucune discrétion, que Samuel soit dans les parages ou non.

— Qu'est-ce que tu fais là au fait ? C'est réservé aux athlètes ici.

— Je sais. Mon père est avec votre directeur au deuxième étage, ils discutent du prochain match, et comme je sais que tu t'entraînes le samedi après-midi...

— Tu as déjà vu la série ''You'' ?

— Oui.

— Ok, alors j'ai un scoop : le héros principal est pas un mec bien, prends pas exemple sur sa façon de faire pour draguer les gens.

Un nouveau rire lui échappe, m'horripile. Je n'ai pourtant pas l'impression d'être particulièrement drôle dans mes veines tentatives de le rembarrer.

Malgré le fait que j'essaye clairement de le distancer, il m'emboîte le pas, me colle aux baskets jusqu'aux vestiaires.

— Hé, sans déconner, lâche-moi. Tu me fais flipper là.

— Qui t'as dit que je te draguais ?

— Mon intuition, et elle se trompe jamais, je crache.

— Mais pourquoi t'es froid comme ça avec moi ? On pourrait juste être am...

— Parce que je veux pas te parler, t'es lourd, tu me saoule. Vete !

À mon exclamation brûlante de colère, il se fige enfin, me laisse tranquille le temps que j'aille remplir ma bouteille mais, malheureusement, est toujours là lorsque je ressors.

Je décide pour ce second round de simplement l'ignorer, et de refaire le chemin jusqu'à la scène sans piper mot, les yeux rivés sur mes pieds. Le claquement de ses baskets derrière moi est insupportable.

Un jour, Ariana m'a avouée s'être fait suivre dans la rue, alors qu'elle rentrait de la fac. Selon ses mots, ce qui l'a terrifiée, au-delà des rues presque vides et de la nuit tombante, c'est le bruit sec des baskets de celui qui la suivait en ponctuant son geste déjà douteux de séduisant « Hé ! Hé, fais pas genre tu m'entends pas ! Salope va ! ».

Ici, Alexandre ne me traite pas de salope mais, le constat est le même : il me fait flipper.

Heureusement pour moi, lorsque je débouche sur la scène, le coach m'attend de pied ferme, m'indique d'aller me placer d'un geste brusque, avant de dévisager Alexandre.

— Alex, vire de là. Tu sais bien que tu n'as pas le droit d'être là pendant nos entraînements.

— Je venais simplement vous saluer Henri ! On se verra au match la semaine prochaine !

Il amorce son demi-tour, m'adresse un clin d’œil qui se veut séduisant, mais qui me fait l'effet d'un seau d'eau glacé sur la tête.

Si Samuel avait été là, je lui aurais demandé d'aller tousser sur ce type afin de lui donner sa grippe.

À la place, je me mords la lèvre, un sentiment désagréable dans le ventre, accuse un moqueur « T'as tapé dans l’œil du fils du boss » de la part de mon porteur, que je foudroie du regard.

J'ai envie de rentrer, de me mettre au lit, et de dormir jusqu'à ce que Samuel ne soit plus malade.

   Sandro entaille la canette de bière que je tiens entre mes mains gantées avec son cutter. Vers l'extrémité basse de celle-ci, de façon à ce que le liquide s'échappe rapidement du contenant, dégouline sur mes doigts. En une fraction de seconde, je porte l'entaille à mes lèvres, avale l'entièreté du liquide glacé avant de jeter la canette vide dans la poubelle à côté de notre banc.

Mon ami est allongé sur l'assise du banc, quant à moi, je suis perché sur le dossier, le menton entre les genoux.

Il commence à faire froid, la nuit tombe autour de nous mais, je dois attendre que Mikky ait terminé son entraînement pour rentrer. Avec Alexandre dans l'Arène, je n'avais aucune envie d'y rester tout seul. Ce type me hérisse au plus haut point, c'est pourquoi j'ai appelé Sandro à la rescousse. J'aurais aussi pu appeler Nassim mais, mon petit doigt me dit qu'il ne devrait pas tarder à pointer le bout de son nez.

Après mon entraînement, j'ai eu Samuel au téléphone, lui ai raconté l'insistance d'Alexandre, sa lourdeur. Malgré la brume de sa fièvre, Sam a tout de même réussi à me canaliser, à passer le comportement d'Alexandre sous le compte de mes propres mauvaises expériences. Il m'a rassuré, m'a redonné une bouffée d'air frais que seul lui est capable de m'insuffler.

Je ne lui ai pas dit que j'allais appeler Sandro alors, je me doute qu'il a envoyé son fidèle acolyte à ma rencontre.

— Tu veux que j'aille expliquer à ce type ce que ''relation exclusive'' veut dire ?

Son accent fort me fait sourire. Il a largement progressé en français depuis septembre, et se tue à lire livre sur livre pour rattraper son retard. Un jour entre deux bouffées de cigarette à la sortie du lycée, il m'a avoué viser le bac avec mention. Sur le coup, je lui ai ris au nez : je m'en veux un peu, maintenant que je constate ses efforts et sa détermination à aller au bout de son idée.

— … non. Use pas ta salive pour ce mec. Et puis, Sam a dit que je me faisais des idées.

— Sans vouloir te vexer, Sam est un putain de bisounours. Pour lui, tout le monde il est beau , tout le monde il est gentil. Il a pas ce qui faut pour cramer les connards.

J'acquiesce dans le silence, observe une passante traverser un passage piéton en traînant derrière elle un chien minuscule, rasé de près. La pauvre bête me semble frigorifiée au milieu de cette vague de froid mordant qui frappe la ville depuis quelques jours. Elle pourrait tout de même lui acheter l'un de ces petits manteaux ridicules qui pullulent dans les boutiques réservées aux énergumènes de la Croix Rousse. Les gens qui habitent ce quartier me fascinent, dans le mauvais sens du terme. Un jour, j'ai vu un homme entrer dans le métro avec un sarouel. Qui dans ce monde, peut décemment se promener avec un pantalon qui illustre à merveille l'incontinance ?

— Dam ?

— Ouais ?

— Ça te manque ton chez toi parfois ?

Je baisse la tête pour croiser le regard de Sandro, concerné, rivé dans le mien. Bien sûr, je suis au fait que le Portugal manque à mon ami, qu'il lui manque beaucoup mais, le constat est là : lui comme moi sommes obligés de subir le dépaysement.

J'aime beaucoup Lyon, la France en générale mais, rien ne pourra jamais remplacer Soledo. Le Soledo d'avant, celui qui ne rimait pas avec peur, celui qui a bercé mon enfance, pas toujours facile mais qui n'est pas qu'un mauvais souvenir, comme s'évertue à le proclamer mon nouveau psychologue.

Monsieur Ross me manque parfois. Lui au moins, il savait m'écouter, et n'interprétait pas pour interpréter. J'ai toujours son numéro de portable, il me l'avait donné un jour à la fin d'un rendez-vous.

Je ne l'ai encore jamais utilisé.

— Oui, beaucoup. Et toi ?

— J'aime bien la France, mais ça a rien à voir avec mon village.

— Pourquoi t'es parti ?

Il se redresse sur un coude, afin d'avoir un meilleur angle de vue sur mon air concerné. Un instant, nous nous regardons sans mot dire, avant qu'il se rallonge.

— Mon père s'est endetté, il a perdu son job et on arrivait plus à payer la maison. Un type de notre quartier a assuré à ma famille que la France, c'était la solution, qu'ici, on trouverait du travail.

Il rit, amer.

— Tu parles. La seule chose qui nous attendait ici, c'est le CADA et ce lycée dégueulasse.

J'ouvre la bouche pour répondre, mais au même moment la porte de l'Arène s'ouvre sur Mikky, son sac de sport sur les épaules.

Il court vers nous, agite les bras, encore bien trop énergique malgré les deux heures de sport qu'il vient d'avoir.

— Damii ! J'ai super faim ! T'as de l'argent pour acheter à manger ? Salut Sandro !

Il se plante face à nous, tout sourire, entrechoque son poing avec celui de Sandro, puis me lance un de ces regards qui me font faiblir, de ceux qui réussiraient presque à me faire acquiescer à toute ses demandes.

— On va rentrer à la maison. Ari a fait de la brioche. Sandro, tu viens avec nous ?

— Non mec, je vais aller voir Evan, il a besoin de moi pour préparer le teuf de ce soir. T'en es ?

— No, mon Sam est cloué au lit, je vais rester avec lui.

— Sous tes faux airs de connard, t'es un bisounours aussi.

Je donne un grand coup dans l'épaule de Sandro, me redresse et passe un bras autour des épaules de Mikky. Après avoir salué mon ami, nous nous dirigeons jusqu'à la station de métro, en discutant de nos entraînements respectifs. Sur le parking de l'Arène, mon regard s'attarde sur une voiture garée seule sur une rangée de places vides, au volant de laquelle une femme regarde par la fenêtre.

C'est étrange, mais pas assez pour retenir mon attention plus longtemps.

— Au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, je bosse là.

— Je sais.

Rafaël relève les yeux de son ordinateur, me balaye d'un regard las, avant de retourner à son rapport sur sa dernière mission italienne.

De mon côté, étendu sur le canapé du salon, le nez en l'air, je regarde les lettres s'imprimer à l'écran avec une rapidité propre aux mains adroites de Rafaël. Il tape à une vitesse affolante, je suis sûr qu'il serait capable de noter ce que je raconte, au moment même où les mots sortiraient de ma bouche.

— Tu as pas autre chose à faire ? Je déteste qu'on lise par-dessus mon épaule.

— … non. Ari et les jumeaux m'ont lâchement abandonné et je te rappelle que Samuel est en hibernation.

À la simple pensée de mon petit ami roulé en boule sous ses couvertures depuis le week-end dernier, mon cœur se serre. Le pauvre, ça fait plus de quatre jours qu'il se nourrit exclusivement de soupe au poulet que ma sœur lui concocte avec tout son amour, pour ensuite avoir la nausée durant des heures, et finalement s'endormir dans la tiédeur de la fièvre qui est à peine descendue depuis samedi. J'ai essayé d'aller le voir, mais Ariana et Rafaël, comparables à deux gardiens des Enfers, veillent à ce que je ne dépasse pas la porte de sa chambre, me hurlent dessus lorsque j'essaye de passer outre cette règle.

Il est en quarantaine, point.

Et aujourd'hui, mercredi, ma diabolique de sœur a décidé d'emmener les jumeaux à la piscine après leur rendez-vous chez le dentiste et, comme j'avais la gorge légèrement enrouée ce matin, elle m'a ordonné de rentrer directement après le lycée et de reste cloîtré à la maison.

La belle affaire, j'ai envie de me tirer une balle. Heureusement que Rafaël ici présent pallie à ce manque cruel de sociabilisation qui me hante depuis bientôt une heure et trente interminables minutes.

— Tu peux vraiment chercher qui tu veux dans ta base de données ?

— … je chercherai pas tes potes, si c'est ça que tu veux savoir.

— Non, non, c'est une vraie question.

Il relève le nez de son écran, rechausse ses lunettes anti lumière bleue, et darde sur moi un regard équivoque.

— Oui, je peux. On est bon ?

— Si tu me cherches moi, tu trouves quoi ?

— À ton avis ?

Je roule sur le ventre, me relève pour aller m'asseoir sur le dossier du canapé, afin d'avoir une vue directe sur l'écran de Rafaël.

— Qu'il s'agisse de toi, de ta sœur, ou du reste de ta famille... vous êtes tous sur ma base.

— Tu me montres ?

— Non.

— Raf, il s'agit de moi, j'ai le droit d'avoir accès aux données qui me concernent !

— Pas dans le domaine du renseignement intérieur et extérieur, Dam.

Je gronde, roule des yeux, contourne la table de la salle à manger pour aller attraper un yaourt au lait d'avoine dans le frigo.

— Par rapport à nous, je lance doucement en jouant avec ma cuillère. Ta mission à Soledo, tu laconsidère comment ? Comme une réussite, ou un cuisant échec ?

— Professionnellement ou personnellement parlant ?

— Les deux.

Rafaël rit un peu en s'étirant, dénoue ses muscles qui roulent sous la peau tatouée de ses bras.

Avec un dernier regard vers son ordinateur, il me rejoint, attrape une compote à boire, se hisse sur le bar pour s'y asseoir.

— Au niveau pro, je vais pas te mentir, on était clairement sur un carnage.

Pas étonnant : entre mon enlèvement, la mort de H, de papa, et tout le grabuge médiatique qu'a créée cette histoire, on n'était ni sur du discret, ni sur du réussi.

— Ma mission, c'était de calmer le jeu avant que ça reparte en couille. On sait tous les deux comment ça a fini.

J'acquiesce, avale une autre cuillère de mon yaourt.

— Par contre, je regrette pas cette mission parce que, c'est un peu cucul à dire mais, je vous ai vous maintenant. Et ça, j'imagine que c'est plus important que toutes les primes qu'aurait pu m'apporter la réussite de la mission Cortez.

— C'est nous tes primes.

— Quel cadeau.

Je lui adresse un air offusqué, lui jette mon pot de yaourt vide à la figure avant de quitter le mur auquel j'étais adossé pour prendre place sur un tabouret.

Rafaël est assis plus haut que moi, me domine de toute sa hauteur.

Il a cet air contrarié qui ne le quitte plus depuis que Hannah Portgas, aka l'emmerdeuse de service aux jeans taille basse à refait surface dans sa vie. Ses yeux gris sont voilés d'une brume entre la tristesse et l'inquiétude et à la lourdeur de ses cernes, je devine qu'il ne dort pas très bien.

Lui et Samuel devaient aller manger avec elle ce soir. Il va au final y aller seul, va se retrouver face à cette femme qui a pris son geste il y a des années comme la plus haute des trahisons. Je comprends son appréhension.

D'un geste tremblant, j'attire son attention, et lui offre l'expression la plus rassurante dont je suis capable. Samuel m'a appris comment faire, comment réconforter les gens, les rassurer lorsqu'ils ne vont pas bien. RST : le Regard, le Sourire, le Touché.

— Ça va bien se passer.

— Vous êtes en boucle les Cortez, soupire t-il. Ta sœur m'a déjà dit ça ce matin. Et à midi.

— Et tu la crois ?

Ses yeux me balayent, à nouveau je me sens minuscule et bien peu assistant dans cette situation.

— Elle, non. Mais toi, l'éternel pessimiste, je vais essayer de faire un effort et de croire en ta prédiction.

— Je me trompe peut-être.

— Sans doute même. Mais, tu sais quoi ? Je m'en bats les couilles, j'ai juste hâte qu'elle reparte d'où elle vient.

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