Fragile (Inktober jour 20)

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Abritée sous son parapluie, elle lui tourne le dos et part. Ils n'avaient pas échangé un seul mot, juste un long regard. L'un de ces regards qui dure une éternité, et qui, si chacun ne s'appuie que sur lui, peut déterminer un choix de vie, une direction à prendre, pour et avec soi seulement. Elle marche en avant, aussi loin que ses jambes pourront la porter, car sa vie vient d'être bouleversée par ces yeux lui criant qu'elle allait de toute façon repartir sans lui, car trop lâche pour poser des mots sur ses envies. L'honnêteté aurait été à l'honneur, la fierté mise un peu de côté, et cette affection si forte aurait alors pris toute sa place. Mais un mur les sépare. Un mur qu'ils se sont construit ensemble, rongés inconsciemment par une culpabilité qui n'avait pas vraiment lieu d'être. Ils ont chassé le bonheur de leur bulle, retiré l'amour de son écrin, et se sont livrés à cette mise à mort mutuelle typique de ceux qui craignent étrangement de ne pas maîtriser leur bonheur.

Pendant ce long duel, ils sont restés immobiles, figés par la peur. Ou peut-être était-ce de la pudeur ? De la lassitude ? Leur silence ne s'est pas montré explicite sur ce point. Leur tempête intérieure n'a pas pris d'ampleur ; leur lien se rompt ici d'un coup sec et tout s'évanouit, s'éteint, se meurt. Ils s'abandonnent, se rejettent, sous ce point final éclatant de triomphe et de fierté. Auraient-ils pu procéder autrement ? Probablement. Ont-ils lutté conjointement pour leur bonheur ? Peut-être. Ont-ils gâché leur histoire en ne sachant pas la protéger ? Sans aucun doute.

Il la regarde s'éloigner, muré dans ce mutisme devenu au fil du temps une sorte de marque de fabrique dans ses rapports avec la gente féminine. Une signature lui permettant de fuir la complexité des rapports humains et les questions embarrassantes à son sujet qui leur sont associées. Il s'étonne de constater à quel point elle semble déterminée dans ses pas, comme si ce dénouement lui importait peu. S'est-il trompé sur elle ? Ne souhaitait-elle que de la légèreté sans lendemain serein ? Impossible ! Elle lui avait ouvert son cœur ; ses élans étaient bien trop enflammés pour n'être que superficiels. Mais le timing est mauvais et le politiquement correct encore important dans l'attitude qu'il s'attribue. Il n'a pas le temps pour elle. Il ne l'a d'ailleurs jamais eu. Elle est pourtant différente des autres... de celles qui jouent avec les hommes comme ils s'amusent d'elles... ces pouliches bas de gamme déshabillées en un clin d'œil et en plastique... Elle est différente d'elles, certes. Mais elle raisonne trop, elle aime trop fort, elle souffre trop intensément quand quelqu'un la déçoit. Elle est trop humaine ou trop sensible pour lui. Il a besoin de jetable, d'usage unique, de détachement... d'un mur qu'il n'explique pas, tout simplement parce qu'il en a décidé de la sorte.

Ainsi, cette histoire prend fin en un claquement de doigts, par cet être trop fier pour ne pas céder à la chaleur d'une lumière sur son chemin. Par cet homme trop fier, rompu à cet exercice cruel pour mieux s'évaporer...

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