Retrouvailles (2)

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Lorsqu'il toucha sa peau endolorie, il sentit des larmes sous ses doigts. Tout cela n'avait été qu'un souvenir, jamais plus il n'aurait l'occasion de la serrer dans ses bras. Cette constatation lui étreignit le cœur et un sanglot se bloqua dans sa gorge. Il déglutit péniblement, se frotta les yeux et repensa aux dernières images visionnées. Elles étaient sa nouvelle réalité et, à ce titre, il devait y faire face.

Des quelques épisodes qu'il avait pu visionner du Projet Trimondes, certains l'avaient plus marqué que d'autres. C'était notamment le cas de la Cérémonie du passage à l'âge adulte sur Myskandria. Jamais il ne pourrait oublier l'attaque des Sanctionneurs orchestrée par les Régisseurs, un des cinq clans présents sur Konexys. Ce jour-là, Yomi avait perdu sa sœur. Lorsqu'elle était parvenue à rejoindre son village. Faric en avait pris le contrôle et elle avait été interrogée face à ses parents et son mentor, impuissants. Lorsque le politicien commit l'erreur de s'en prendre à Xam, son Xealeras, Yomi s'était révélée être une Fusionnée et leur fuite avait débuté.

Alors qu'il pensait la situation critique, il avait découvert Veldrion et rencontré Nick, un clone. Il avait suivi le garçon dans la découverte de son statut et avait fait la connaissance de Feyna, une hybride, ainsi qu'Yvias, son concepteur. Dès ce moment, les événements s'étaient enchaînés et il avait assisté à divers changements de mondes. L'hybride avait rencontré Keen’an, le Nick originel sur Myskandria, ainsi que Pitchi, sa partenaire. Mais suite à sa ressemblance avec Yomi, elle avait été prise pour la jeune femme. Il s'en était suivi toute une stratégie pour déjouer les plans de Faric. Keen’an avait dû partir à la recherche de Yomi et Axan, un des villageois qui échappait au contrôle du Violeâme du politicien l'avait rejoint.

Seulement, une fois encore, tout ne s'était pas passé comme prévu : les deux hommes s'étaient faits attirer dans un autre monde. Peu de temps après, suite au piratage de Mère, la même chose était arrivée à Vyrian. Il avait fait ses premiers pas sur Konexys. Il avait partagé leurs espoirs, leurs peines et leurs souffrances. Il leur avait confié une partie de son fardeau et avait pleuré leurs morts, jusqu'à ce que des tremblements troublent les lieux.

Ce n'est qu'à cet instant que le scientifique prit conscience de son nouvel environnement et de l'homme lui faisait face. Il était sûr de ne jamais l'avoir vu, pourtant sans qu'il ne cherche à l'identifier, son nom lui vint à l'esprit : Ollesty. Il n'était pas plus âgé que Rayec, néanmoins une longue chevelure blanche lui tombait sur les épaules. Vyrian se souvint des accusations qui pesaient sur lui : il avait abandonné Keen’an à l'entrée de la Confrérie. Il sentit la colère l’envahir, accentuée par la gifle qu'il venait de recevoir. Devant son expression, l'Ombre prit la parole.

— Bien, je vois que tu as l'air de savoir qui je suis, ça m'évitera les présentations.

— Où sommes-nous et que s'est-il passé ?

Dans l'attente d'une réponse, Vyrian tenta d'accéder à l'omniscience de Mère. Les satellites auxquels elle était reliée avaient bien dû enregistrer les évènements. Mais avant qu'il ne s'en rende compte, du sang vint tâcher la couverture dont il était recouvert. Vyrian porta la main à son visage et constata qu'une fois encore, il saignait sans raison apparente. A cette vue, l'expression de l'Ombre se fit plus sombre.

— Faut croire que je ne suis pas le seul à qui Mère a ravagé le cerveau.

— Où voulez-vous en venir ?

— Tu sais sans doute que j'ai refusé d'élever l’un des Exilés. Mère m'a puni pour ça. Chaque jour, en me levant, je me rends compte que petits bouts par petits bouts mes connaissances s'effritent, je deviens sénile.

— Ne comptez-pas sur moi pour vous plaindre. Assumez les conséquences de vos actes !

— Oh mais je les assume, pas comme ce crétin qui a cloné son fils.

— N’esquivez pas la question : que signifient ces saignements ?

— Tu te meurs.

— Alors pourquoi m'avoir amené ici ?

— Pour te sauver.

— Me sauver ? Et comment comptez-vous vous y prendre ? Vous n'y arrivez déjà pas vous-même.

— Ta connexion à Mère semble différente de celle que nous avons pu avoir, sans doute due au fait que tu viens d'un monde dont nous ne connaissons rien.

Cette réponse accentua la méfiance de Vyrian à l'égard de l'Ombre. Il n'avait révélé sa provenance qu'aux résistants et Exilés avec lesquels il avait lutté et Ollesty n'en faisait pas partie.

— Comment le savez-vous ?

— Je t'ai entendu.

— Vous n'étiez pas là !

— Ce n'est pas parce que j'étais hors de vue, que je ne m'y trouvais pas.

— Vous nous avez espionné.

— Depuis un moment déjà. J'attendais l'occasion de pouvoir te parler.

— Que me voulez-vous ?

— J'espère, avec ton aide, parvenir à retrouver Mère et mettre fin à son cadeau empoisonné.

— Pourquoi vous aiderais-je ?

— Parce que tu as une dette envers moi, je t'ai soigné.

L’homme désigna les nombreux flacons empilés dans un coin.

— Avant de quitter Myskandria, je suis allé à Hydrios et j’ai acheté de nombreux élixirs.

Vyrian releva sa couverture pour s’observer et découvrit qu'Ollesty lui disait la vérité. Ses membres n'étaient plus douloureux et il parvenait à bouger sans son exosquelette. Il avait toujours l’air chétif, mais au moins, son corps semblait fonctionnel.

— Vous aviez tout prévu ?

Une voix surgit dans son dos et Vyrian fut soulagé de reconnaître celle de Rayec.

— Lorsque j’ai découvert qu’Ollesty nous espionnait, j’aurai pu le tuer pour sa traitrise, mais au lieu de ça, je lui demandé de nous rapporter de l’eau d’Hydrios, connue pour ses propriétés curatives ainsi que d’autres objets de premières nécessites, mais il en a oublié certains. Quoi qu’il en soit, je suis content de l’avoir épargné. Je savais que la riposte des Régisseurs ne tarderait pas à arriver, j’ignorais si j’aurais le temps de te poser un nouvel exosquelette. De plus, il est à sa manière concerné par le sort des Exilés.

Vyrian remercia les deux hommes d’un signe de tête ne sachant toujours pas s’il pouvait accorder sa confiance à Ollesty. Il se promit de le garder à l’œil, mais une question plus urgente le taraudait.

— Vous voulez dire qu’on est toujours sur Konexys ?

Le paysage était méconnaissable. Aucune ruine ne sortait de terre, le vent ne charriait pas de cendres rougeoyantes, l’air n’était ni chaud ni irrespirable. Au contraire, il régnait une agréable fraîcheur. Le scientifique pouvait entendre le clapotis de l’eau et les murs tout autour de lui rougeoyaient d’une douce lumière.

Kayle entra à son tour dans la pièce suivit de Vanea.

— On dirait pas comme ça ! C’est Vanea qui a découvert ces endroits, il y a quelques années. Avant que tu n’intègres l’équipe, il était convenu qu’avec Rayec on se retrouve ici. Visiblement, il a aussi fait passer l’info à Ollesty.

Le ton du jeune homme c’était durcit à la mention de son aîné. Vyrian supposa que cela devait lui rappeler l’abandon dont lui-même avait été victime lorsque Fara et Dallan avait dû quitter le clan.

Vanea poursuivit les explications.

— On appelle ces lieux des Oasis. Lors de la précédente guerre qui nous opposa aux Régisseurs, la faune et la flore furent les plus touchés et ont construits différents lieux comme celui-ci.

Des percutions le long de la roche, leur firent tourner la tête et Dezaël entra dans la petite pièce.

— Bien le bonjour !

Kayle secoua la tête devant le comportement de son compatriote.

— Dez…

— On a réussi à décrypter les informations recueillies dans la salle de torture.

A cette mention, Vyrian sentit ses poils s’hérisser, il ne se souvenait que trop bien de cette salle et de ce qu’il avait dû faire pour soulager les prisonniers de leurs supplices. Il s’efforça de chasser ses pensées et se concentra sur l’instant présent.

— Comment les Régisseurs ont-ils fait pour nous retrouver ?

Kayle devança Dezaël qui fit une moue boudeuse.

— A cause de la boîte noire. On a téléchargé les données qu’elle contenait sur notre serveur, mais elle était infectée par un TechnoVirus qui a envoyé les coordonnés du signal aux Régisseurs. A la base, on voulait récupérer les informations du vol pour se préparer à un prochain affrontement.

Vyrian baissa la tête, quoi qu’il fasse les Régisseurs semblaient toujours avoir une longueur d’avance.

Dezaël rompit le silence qui régnait dans la pièce.

— Je pensais qu’ils vous en auraient parlé, mais apparemment ce n’est pas le cas. Ollesty et Rayec se sont penchés sur votre cas. Vous semblez connectés à Mère et cela vous nuit. Ils ont émis une hypothèse, selon laquelle ce serait une surcharge d’informations qui serait responsable de votre état. Après tout, quand eux communiquaient avec elle, l’ensemble des Ombres partageaient ses connaissances.

Vyrian se tourna tour à tour vers les deux hommes : Rayec lui sourit, tandis qu’Ollesty se contenta de tourner la tête.

— Ce qui peut fonctionner pour vous, peut peut-être fonctionner pour moi.

Vyrian ne savait décidément pas que penser de cet homme, néanmoins, sa franchise était agréable.

Dezaël toussota, récupérant ainsi leur attention.

— J’en ai discuté avec Saern et il pense que la méditation pourrait aider. Il nous attend au bassin.

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