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Accroupi dans un coin de la pièce, Kagi pleurait silencieusement son meilleur ami. Il caressait de son index une cicatrice sur la paume de sa main en essayant de se remémorer les bons moments passés en sa compagnie.

Alors qu'ils n'étaient encore que des enfants, les deux garçons s'amusaient dans la rue où habitait la mère du caméraman. À cheval sur leurs vélos respectifs, ils se donnaient des coups de coude comme un défi : lequel serait le premier à tomber ? Hito se redressa sur sa bicyclette et engagea une manœuvre visant à donner une bourrade à l'aide de sa roue arrière sur celle de son ami. Cependant, ce dernier ayant accéléré au dernier moment, le jeune garçon chuta. Kagi avait alors tenté de le rattraper, s'ouvrant la main en la coinçant entre le pneu et le goudron. Une visite aux urgences et cinq points de suture plus tard, ils en riaient déjà. Le jour suivant, un de leur camarade se moqua de la blessure, la qualifiant de dégoûtante et inventa une maladie immonde lui prêtant des symptômes de peau qui se déchirait et suintait. Il fit courir la rumeur qu'il ne fallait pas approcher l'enfant sous prétexte d'être contaminé. Kagi se retrouva isolé, perdu et devant jouer seul dans la cour de récréation. Hito le remarqua le lendemain et raconta alors une tout autre histoire : la veille, alors qu'il faisait du vélo devant chez lui, un homme l'aborda dans l'objectif de lui voler son bien. Kagi, témoin de la scène, avait alors sauté sur l'homme pour l'empêcher d'agresser son ami. La rumeur s'étant vite repandue, le jeune garçon était vite passé de paria à héros de son école.

Se remémorant les moments partagés avec son meilleur ami, Kagi retrouva du courage. Il se releva et se dirigea vers Nori qui montait la garde près de l'entrée de la pièce.

- Il faut qu'on trouve une solution, il y a forcément un moyen de partir d'ici.
- On est encerclé, on a aucun moyen de descendre de la colline, expliqua Nori en chuchotant.
- Rappelle-moi la légende. Il y a peut-être un indice dedans.
- Il n'y a rien qui puisse vraiment nous aider. Et ce n'est qu'une légende.
- Explique-la-moi une seconde fois.
- La famine, le paysan à bout de forces qui passe un pacte avec un yokai pour faire repousser les cultures du village, une plante immense qui apparaît, la situation s'améliore, les paysans qui prennent cette plante pour un dieu, puis les disparitions et le village désert.
- On est tombé sur une plante énorme Tomoe et moi en arrivant. Je pense qu'on peut commencer par là. Ce serait un bon point de départ.
- Qu'est-ce que tu veux qu'on tire d'une plante ? Puis, c'est qu'une légende, c'est des conneries, chuchota Nori en essayant de ne pas s'énerver.
- Parce que t'as une meilleure idée peut-être ?
- Oui, on reste ici jusqu'au lever du soleil, ils n'étaient pas là tous ces fantômes quand il faisait jour !
- Le jour se lève dans huit heures, Nori...

Les deux hommes se retournèrent sur une Tomoe confuse, qui comprit très vite qu'ils attendaient d'elle qu'elle prenne parti pour l'un ou à l'autre. D'une voix hésitante, elle se lança :

- De toute façon, on va pas rester enfermée ici toute la nuit. On va finir par se faire repérer. Autant qu'on aille voir cette fameuse plante.

Nori soupira, mais s'avoua vaincu. Kagi expliqua que la pièce contenant la flore se trouvait deux pièces plus loin. Aussi silencieusement que possible, ils traversèrent le couloir, Nori en tête et Kagi fermant la marche. Arrivé devant la porte, le chef de groupe se plaqua immédiatement contre le mur en emportant ses deux amis. Il leur fit signe de ne pas faire de bruit. Il jeta un oeil à travers la porte délabrée : des dizaines d'entités se tenaient devant la plante, en rang, semblant murmurer des paroles incompréhensibles. Leur corps statiques, coincés dans des positions inhumaines, donna la chair de poule au chef de groupe. Ils firent demi-tour et se cachèrent dans la pièce attenante où Nori expliqua le spectacle qu'il venait d'apercevoir.

Le caméraman faisait les 100 pas au fond de la pièce, pendant que le leader montait une nouvelle fois la garde à l'entrée, tout en gardant ses distances avec la porte. Le jeune homme tentait de ne pas fondre en larmes depuis déjà de longues minutes, se sentant coupable de la mort de Hito.

Soudain, un cri étouffé se fit entendre. Tomoe et Nori se retournèrent sur un Kagi paniqué qui pointait du doigt un homme translucide, le visage figé sur une expression horrifié. Ses yeux, dont les pupilles rouge sang fixaient le plafond, semblaient incapable de se mouvoir. Ses bras, levés vers le ciel, paraissaient brisés en centaine de morceaux tout comme chaque os de son corps. L'étranger s'avançait lentement vers le caméraman de l'équipe qui reculait de plus en plus vite. Nori commençait à paniquer : le jeune homme ne voulait à nouveau perdre un ami par sa faute. Il serra les poings et courut se mettre entre Kagi et le revenant.

- Casse-toi !
- Nori ?! Nori, qu'est ce que tu fous bordel ? s'exclama Tomoe à bout de nerfs.
- Je le laisserais pas tuer Kagi sans rien faire.

Tomoe ne savait pas quoi faire. Elle ne pouvait pas laisser son ami se sacrifier et ne voulait pas perdre l'homme dont elle était amoureuse.

Kagi avait attrapé Nori par les épaules, tout en restant bien derrière lui, afin qu'il ne se prenne pas les pieds dans les lianes. Il se retourna pour le guider et constata qu'ils étaient bientôt piégés par le mur. La seule fille du groupe assista à la scène, au bord des larmes, impuissante.

- Nori, on va être coincé, on ne peut plus reculer.

Soudain, les deux amis disparurent dans l'amas de lianes recouvrant le mur. Le revenant s'immobilisa quelques secondes, confus, puis se lanca à la poursuite de Tomoe, qui n'a pas eu d'autres choix que de courir entre les lianes à son tour.

- Il fait beaucoup trop sombre ici, la lumière de la lune ne nous éclaire pas du tout. Quelqu'un peut allumer sa lampe torche ? Demanda Nori.

L'équipe se retrouva dans une pièce étroite, défraichie, avec des étagères sur chaque mur, de haut en bas, remplis de ce qu'il semblait être des rouleaux de parchemin. Nori s'occupa de virer les nombreuses toiles d'araignée et tomba sur un corps momifié. Il poussa un cri. Kagi mit sa main devant la bouche de son ami.

- Chuuut, tu vas nous faire repérer.

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