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 - T'es sûr de vouloir enquêter là dessus ? Honnêtement, ça me fout la chair de poule...
 - On perd de l'audience à chaque épisode, il faut quelque chose de fort cette fois.

L'équipe grimpait l'escalier interminable qui menait au temple abandonné tout en continuant de se filmer. Tomoe, qui se demandait parfois la raison qui l'avait poussée à rejoindre cette équipe d'allumés, n'était vraiment pas rassurée à l'idée de pénétrer dans cette structure vieille de plusieurs centaines d'années.

Hito, caméra à l'épaule, filmait les piliers rouges ornant l'escalier qu'ils gravirent avec peine.

 - On aurait vraiment dû prendre moins de bagages, j'en peux déjà plus de porter tout ça, se plaignit Kagi à bout de souffle.
 - Il nous faut tout le matos, arrête de te plaindre.

Nori, chef du groupe et présentateur de la chaîne, veillait toujours au bon déroulement des enquêtes, ayant parfois le rôle de médiateur lors de disputes et de soutien lorsque l'un d'entre eux, apeuré, n'osait plus continuer. Ainsi, jamais quiconque n'avait abandonné en plein tournage.

L'équipe, ravie d'avoir vaincu cet escalier au bout de plusieurs minutes de combat acharné, se laissa tomber sur l'herbe sauvage, épuisée. Nori jeta un coup d'oeil au temple :

 - C'est vraiment immense... Il va bientôt faire nuit, il faut poser le matos avant qu'il fasse vraiment noir.
 - On va y aller, laisse-nous 5 minutes, on en peut plus.

Au sommet de la colline se dressait une imposante pagode d’un rouge écarlate. On eût dit qu’un dieu malicieux, ne sachant que faire de maisons carrées aux toits recourbés, les avait enchâssées les unes dans les autres en autant d’écailles irisées. L’immense porte flanquée de piliers toisait le jeune homme de toute son obscurité, et semblait exhaler une aura malfaisante qui le faisait frissonner.

- Vu que la nuit va bientôt tomber, on ne visitera pas les lieux de journée. Je sais que vous n'aimez pas ça, mais on a plus le temps.

Hito fixa sur chacun d'entre eux des micro-caméras qui les suivraient tout au long de la nuit, permettant ainsi un maximum de prises de vues. Ensuite, Nori se chargea de disperser le matèriel destiné à la détection de phénomène surnaturel entre chacun des membres, puis expliqua les directives :

 - On se retrouve dans l'entrée à l'aube, dans à peu près 5h. La propriété est énorme. Kagi et Tomoe, vous vous occupez de l'immense jardin arrière et des pièces du fond. Hito et moi, on se charge des pièces de devant et de l'extèrieur, des escaliers à l'entrée du temple. On reste en contact avec les talkies... et pas de disputes vous deux !

Hito et Nori se dirigèrent immédiatement vers l'escalier, ayant l'intention de filmer le temple dans son entiereté. Ce dernier, adossé à l'un des piliers, fut parcouru d'un frisson lorsqu'il eut la sensation que le soutien avait bougé. Hito remarqua que quelque chose interpelait son ami :

 - Qu'est ce que t'as ?
 - Non rien... J'ai dû halluciner.

Hito se retourna et filma les torii* ornant l'escalier, mais quelque chose le tracassait à son tour.

 - Nori... Ils étaient pas rouge les piliers ?
 - T'as déjà les jetons ? pouffa le chef de groupe, persuadé que c'était la peur qui s'exprimait à travers Hito.

Ce dernier se contenta d'hausser les épaules : la lumière du jour s'étant amoindri depuis, il ne voyait peut-être plus les torii de la même façon.

Kagi et Tomoe, quant à eux, se rendirent en premier lieu dans la plus grande pièce de l'ancien temple, probablement utilisée par les pélerins lors de cérémonies. On pouvait encore distinguer le rouge intense qui habillait les murs il y a 400 ans. Le sol, n'étant presque pas altéré, les pavés en pierre reflétaient encore la beauté du sanctuaire jadis.

 - Je crois que c'est l'endroit le plus beau où on s'est jamais rendus, récria Kagi, hébété par ce qu'il discernait.

Tomoe acquiesca d'un signe de tête, trop occupée à admirer le cadre pour répondre à son ami.

Quelques instants plus tard, ils pénétrèrent dans une autre pièce. Rongé par le temps et la végétation, nul souvenir demeurait de l'époque. Le sol, labouré par d'épaisses radicelles, s'effaçait par endroits. Les murs ornés de lianes entremêlées soutenaient avec difficulté le plafond craquelé. Au centre de l'alcôve trônait une plante dont la taille eléphantesque inquiétait Kagi.

- C'est... C'est quoi ça ? Comment c'est possible ?

Ses racines colossales achevaient la lente agonie des pavés du monument. Sa tige, plus grosse que n'importe quel arbre, se couvraient d'épines aux arrêtes tranchantes. À son sommet s'épanouissait une fleur gigantesque aux couleurs écarlates.

- Je dois dire que... Wahou ! On... On devrait montrer ça au reste de l'équipe. C'est fou ! s'exclama Tomoe sans quitter des yeux la magnifique flore.

La jeune femme tendit la main dans l'optique de caresser la plante, Kagi la tira en arrière.

- Ne fait pas ça, elle est peut être venéneuse.
- Tu crois ? Bon, d'accord. En tout cas, on doit avancer, on a encore beaucoup de pièces à visiter.

Hito et Nori en finissait avec l'extèrieur quand ils entendirent un bruit étrange venant des escaliers.

- T'as entendu ça ? chuchotta Nori, pas très rassuré.

Hito acquiesca d'un signe de tête. Les deux jeunes hommes se dirigèrent à taton vers l'escalier qu'ils avaient empruntés plus tôt lorsqu'ils entendirent de nouveau un bruit.

- On dirait quelqu'un qui gémit. Ca me fout les jetons Nori.
- Calme toi, c'est sûrement Kagi ou Tomoe qui nous font une blague. Ou même peut-être un animal, on est encerclés par la forêt !

Arrivés devant les escaliers, les deux amis balayèrent du regard l'horizon, ne sachant pas vraiment ce qu'ils cherchaient. Lorsque Nori décida de continuer son chemin, il fut retenu par Hito, qui, immobile, retenait sa respiration, effrayé par ce qu'il voyait.

- Nori, on devrait s'en aller, maintenant ! Je déconne pas.
- Mais calme toi ! Qu'est ce qu'il y a encore ?
- Les escaliers !
- Oui et ben quoi ?
- Les torii ! Ils ne sont plus là !

* Torii : portail traditionnel japonais. Il est communément érigé à l’entrée d’un sanctuaire shintoïste, afin de séparer l’enceinte sacrée de l’environnement profane.

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