Chapitre XIV. Talieram.

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Ses cartes restent vides, Faye a beau utiliser toutes ses bibliothèques astronomiques, il n’y a rien. Les coordonnées de saut fournies par son capitaine atterrissent au milieu de nulle part, ou plutôt non, elles atterrissent dans un nuage appartenant à une nébuleuse non cartographier. Il leur restait à peine une heure avant la sortie du saut.

- L’endroit doit être plein de débris, Il ne doit pas être aisé de s’y faufiler. Teste-t-elle auprès de son capitaine.

- La zone est étroite, mais maintenue clair de tout obstacle. Si nous respectons le minutage et les coordonnées nous serons en plein dedans.

- Vous voulez dire que quelqu’un nettoie le coin ?

- Oui

Plutôt que de laisser entendre à toute la passerelle ses doutes elle se penche vers Houarn.

- Capitaine je crois que j’ai le droit d’en savoir plus, Après tout c’est vous qui m’avez établi commandant de ce navire. Qu’allons-nous trouver à ces coordonnées ?

- Un refuge.

- Il n’y a rien sur les cartes alors que je les obtenues « discrètement » auprès de l’amirauté. Vous me dites que même l’armée du Légire ignore l’existence de ce « refuge »?

- Je l’espère bien.

- Je n’aime pas les mystères surtout si notre sécurité est en jeu.

- Du sang froid Faye. Oui, je vous cache quelque chose que vous n’allez pas aimer. Vous avez toutes les raisons d’être agacée, mais je vous demande un peu de patience. Croyez-vous que je vais mettre en danger mon équipage.

- Ce n’est pas ce que j’insinuais, je souhaite être informée de notre destination et des dangers potentiels que nous pouvons rencontrer.

- Aucun danger, Yann est déjà sur place.

- Comment pouvez-vous le savoir ?

Il tique agacer.

- Capitaine avez-vous donc si peu confiance en moi ?

Elle exprime cette dernière phrase sur un ton plus fort qu’elle ne le souhaite. Elle croise le regard réprobateur du chef Pico. La situation est assez tendue à bord, il n’y a nul besoin pour les deux officiers en charge de se quereller. Il s’approche à son tour mais à la surprise du second au lieu de soutenir la position de son capitaine, il se range du côté de Faye.

- Ka, le commandant de ce navire doit savoir où elle fiche les pieds. Alors mets là au parfum !

Houarn grogne en marmonnant un juron se lève pour s’adresser à l’ensemble de l’équipage.

- Très bien, écoutez-moi tous, Nous nous rendons sur un bout de roche que nous appelons « Refuge ». Nous allons y rejoindre le capitaine Maël et le reste de la flotte. Une fois sur place nous remettrons l’Hermine en état. Mais je ne compte pas repartir.

Il marque une pause

- Notre campagne de cette année est bel et bien terminée et je n’ai pas l’intention de continuer le programme d’exploration prévue. Ceux qui souhaiteront quitter le bord pourront le faire en recevant l’équivalent des douze prochains mois de salaire.

Sur la passerelle le visage des plus vieux se ferment en comprenant les conséquences qui se cachent derrière les propos du capitaine, tandis que les plus jeunes, Faye la première, exprime un étonnement bruyant.

- Vous nous virez ?

- Je ne pense pas que vous aurez envie de continuer ce voyage.

- Mais expliquez-vous, bon sang ! S’emporte-t-elle

La réponse lui vint si froide que sa sueur se fige le long de sa colonne vertébrale,

- Refuge est un sanctuaire Humain.

Le nom de l’ancienne race maudite frappe les jeunes membres de l’équipage en pleine poitrine. L’instant de stupeur est abrégé par un Dami au visage livide.

- Vous êtes un Humain ? Demande-t-il d’une voix hésitante.

La mine défaite de son pilote semble l’inviter à ne pas dire la vérité.

- Oui et après le renversement des Magisters, c’est sur Refuge que mon peuple pourchassé par la plèbe a trouvé asile. À l’époque cette nébuleuse ne faisait pas encore partie du Légirat et encore aujourd’hui la zone reste désertique.

Son Second l’interpelle agressivement.

- Vous saviez en m’embarquant ?

- Que vous étiez l’une des dernières survivantes des Hégémons ? Oui je le savais.

- Une manière pour vous de faire un mea-culpa, pour toutes les horreurs perpétuées par votre engeance.

- Non, seules vos compétences m’ont intéressée, je me fiche du reste.

- Vous vous fichez du reste ! Mon peuple subit encore les conséquences de la haine dont les Humains nous ont frappés. Est-ce que vous savez que nous servons toujours de gibiers dans les chasses organisées par les nobles du Circum ? Depuis mon enfance je vis dans la crainte d’être mise devant une meute et maintenant je suis là à servir sous vos ordres.

Il ne répond pas. Deux cents ans auparavant, Les Hégémons firent l’objet d’une extermination systématique qui dura un siècle. Les survivants furent relégués dans une caste d’esclaves méprisés, juste bonne à servir dans les divertissements les plus pervers. Quelques-uns cependant réussissaient à rejoindre le Grand Sombre ou le code des Compagnons les protégeaient.

-Faye que saviez-vous de moi ?

La question la prend au dépourvu.

-Que voulez-vous dire ?

-Rien de plus. Avant d’embarqué à mon bord, que saviez-vous de moi ?

-Que vous êtes l’un des meilleurs Compagnons du Légirat.

-Vos espoirs ont-ils été déçu ?

Ses yeux de glace perdent soudain leur mépris pour descendre vers le sol.

-Non, pas le moins, ces trois dernières années ont été les plus intenses et les plus riches de ma vie.

-J’apprécie moi-même votre présence à mes côtés, malgré votre jeune expérience vous avez su bousculer la dangereuse routine dans laquelle je m’enfermais, je devenais bien trop sûr de moi. Je regrette que nos chemins aient à se séparer dans ces circonstances, mais je ne pourrais jamais faire amende pour avoir échoué il y a deux cents ans à faire épargner votre monde, poussé par la peur mon peuple ne voulait plus écouter.

-Il y a deux cents ans, comment auriez-vous pus …

Elle comprend soudain pourquoi le Légire les pourchasse et qui se tient face à elle. De terreur elle recule jusqu’à ce que ses épaules heurtent la paroi.

-Vous êtes un Magister, souffle-t-elle choquée.

-J’étais celui que le Légire nommait Talieram, Admis t’il froidement. Malgré mon opposition à la guerre, j’ai commandé la flotte qui a anéanti votre monde. n’attendez de moi aucune excuse et aucun regret, c’était mon peuple ou le vôtre. Les Hégémons et leur foutu orgueil se sont laissé duper par les flatteries du Légire en rejetant toutes mes mises en garde. Ils se sont jetés contre nous pour prouver au reste de l’univers qu’ils avaient la plus grosse. Pour ce qui est des conséquences que vous citiez elles furent le résultat du sadisme du Légire, je n’ai jamais cautionné, ni pris part aux pogroms qui suivirent la destruction de votre planète. Je ne peux malheureusement pas en dire autant du reste des Humains. »

Faye Lin ne peut retenir un frisson. Une aura Mystique entoure les Magisters, créature aux pouvoirs fantastiques, génétiquement modifiées par la science et la propagande Légiriale. Des demi-dieux issus de la fange, manipulés pour donner au peuple l’illusion qu’un moins-que-rien pouvait devenir légal du divin et immortel Légire. Les treize marionnettes sordides du pouvoir bien obéissantes aux ordres de leur maître, jusqu’à ce qu’ils décident en apparence de mordre la main qui les nourrissait. Ils furent exécutés pour trahison après un très, trop, médiatique procès. Quelqu’un de sage ou de courageux aurait pu voir qu’ils n’étaient que des boucs émissaires dans la politique du maître absolu, mais il était plus facile de les haïr que de les défendre. Ils avaient après tout fait plus de mal que de bien. Quant à Talieram, oui elle connaît le nom, Talieram l’exception. Le plus sombre des Magisters, mais le plus aimé aussi. Ses joutes verbales contre le Légire sont légendaires. Talieram avait fait plier plus d’une fois l’orgueilleux monarque et ceci même en ayant contre lui ses douze compagnons. Pourtant il s’était révolté lui aussi, pourquoi n’est-il donc pas mort avec les autres ?

-« Les magisters furent exécutés.

-Uniquement ceux qui n’ont pas vu venir le Légire. Nous ne sommes que deux à avoir survécu. « Refuge » fut notre sanctuaire pour un temps, c’est là que nous avons mis à l’abri le reste des Terriens.

-Et le Légire ignore votre existence ?

-Bien sûr que non, Il n’ignore pas que nous avons survécût. Il s’est lancé à notre poursuite, mais très vite il a compris que l’on ne fuirait pas éternellement. Nous sachant capable de résister, il n’a pas voulu reproduire le gâchis qui a suivi l’invasion de la Terre. Puis surtout, il souhaitait éviter que la vérité sur notre prétendue trahison ne vienne l’affaiblir un peu plus. Aussi, lorsqu’il a déclaré qu’il nous avait « tous » exécuté ce fut comme un accord tacite, il nous ignore et nous l’ignorons. Cela dure depuis plus de cent vingt ans.

- Jusqu’à aujourd’hui, interviens Ray.

- Vous voulez dire que c’est bien le Légire qui est derrière l’attentat et l’attaque de la semaine dernière ?

- Je viens d’en avoir la confirmation par Yann ! Il m’a fait parvenir un message depuis Refuge, Ivan Phraser est là lui aussi, sa flotte est tombée dans une embuscade au cours de laquelle il a perdu un navire.

- qu’elle est le rapport entre Phraser et notre situation ?

- Je n’ai jamais cru aux coïncidences et lorsque les deux derniers Magisters encore en vie se font attaquer au même moment j’ai beaucoup de mal à y voir le fruit du hasard.

- Phraser ! Un Magister ! Mais il n’est pas Humain.

- Faux, reprend Ray, Il a changé son identité, mais il est bien des nôtres.

- qu’allez-vous donc faire ? Riposter ?

- Non, faire ce que nous aurions dû faire depuis longtemps ; Partir.

- Partir mais pour aller où ?

- Pourquoi voulez-vous le savoir, vous souhaitez nous accompagner ?

Elle se tait froide. Dami qui a quitté ses commandes le saisit par le coude.

- Je viens.

- Ne dis pas de connerie.

- C’est bien la première fois que je n’en dis pas. Je vous suis ou que vous alliez. Je n’ai pas connu la période dont vous parlé, je ne connais que le capitaine Houarn, tout ce qu’il m’a appris et ce que j’ai encore à apprendre de lui.

Derrière lui Safah continue,

- On dit beaucoup de chose sur les Humains, je ne sais pas ce qui est vrai, mais le seul Humain que je connaisse nous à tirer tellement de fois du pétrin que je serais la dernière des garces si je le lâchais alors qu’il est à son tour dans la mouise.

- Puis après-tout c’est pour ça que j’ai signé, poursuit Harl, pour voir ce qu’il y a au-delà des Limites, Comme je n’ai rien de ce côté si et n’y aurai toujours rien, autant les franchir une bonne fois pour toutes.

Les cadets Fran, Vily, Dow et Iliam qui n’avaient rien perdu de la discussion, acquiescent d’un regard, ils suivront eux aussi.

Houarn reste silencieux, soulagé, il connaît désormais le cap qu’il doit prendre. Dans un sourire apaisé il répète.

- Nous n’avons rien et n’aurons toujours rien.

Mais derrière lui une petite voix faible mais d’un enthousiasme rebelle le contredit brusquement.

- Ce n’est pas Vrai ! On a tous l’univers !

- Namuelle ! s’exclame Ray, Nom de … qu’est-ce que tu fiches là !

La gamine pale mais dont les yeux explosent de vie, se tient vacillante dans l’encadrement de l’écoutille.

- Ma claque d’être couchée, je suis en train de tout rater.

De sa démarche tremblante elle entreprend de s’engager sur la passerelle mais ses jambes la trahissent et Houarn la rattrape prestement en évitant de serrer son bras immobilisé.

- Tu ne devrais pas être là. Tu es vraiment une fichue tête de bois toi !

- C’est la faute de mes fréquentations.

Il l’assoit dans le siège du second.

-Génial me voilà aux commandes.

Puis imitant la voix tranchante de Faye Lin ;

-Vas-y Dami Plein pot !

Houarn la reprend.

- Je ne sais pas si tu as vraiment compris ce qui se passe…

- J’ai tout entendue, l’interrompt-elle sans le regarder. Il y a longtemps vous étiez un gros pourri mais depuis à force de prendre des claques dans les dents, vous êtes devenu un mec réglo. Personnellement je m’en fiche, je n’irais pas reprocher à un salaud de changer, après tout c’est pour ça qu’on est tous là, pour changer de vie.

Elle jette un œil à Faye Lin toujours prostrée dans son silence.

- C’est vous qui me l’avez dit commandant quand vous êtes venue me chercher au fond, Ici je n’ai rien et je n’aurai toujours rien, mais devant, là, c’est à nous.

Les mots de la jeune fille font mouche, les yeux bleus frémissent légèrement avant de s’irriguer de quelques larmes qu’elle escamote à la vision de ses compagnons. Depuis son enfance le seul respect qu’elle n’ait jamais reçu est venu de cet équipage dont le capitaine est issu de cette race qu’on l’a conditionnée à haïr. La petite peste a raison, si elle reste l’univers lui appartient, elle ne sera plus jamais le gibier qui fuit devant la meute. Faire le choix de rejoindre les Humains c’est rejoindre une race haït mais qui inspire la crainte jusque dans le cœur du Légire lui-même.

- Combien il y a-t-il d’Humain sur refuge ?

- Un peu plus de vingt-cinq millions.

-Et vous compter tous les emmener ?

- Nous partons tous.

- Comment ? Disposez-vous d’une flotte suffisante ?

-Refuge est une antique nef stellaire taillée à même un astéroïde d’une dimension plus que respectable pour qu’il y ait encore de la place pour le double de population.

- Elle fonctionne ?

- Beaucoup de question, vous nous accompagnez finalement ?

C’est en regardant Namuelle dans les yeux qu’elle répond.

-Je ne vais tout de même pas laisser cette petite devenir votre second.

-Désolé Nam t’es virée.

-Zut, il est confortable ce fauteuil.

-Profites-en car il va te falloir encore quelques années avant d’avoir le droit de t’y habituer. – Dami Il est temps de retourner à tes commandes, tout le monde à son poste. Il nous reste une trentaine de minute avant la sortie de saut, essayons cette fois de ne pas rater notre coup.

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