Le dernier rêve

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Les ténèbres. La solitude. Mon monde.

La peur. La tristesse. La folie. Ce que renfermait mon âme.

Cain me regardait.

Je le haïssais.

Je l’aimais.

Dans sa main droite, il tenait le pommeau d’une épée d’argent. La pointe était posée contre mon cœur.

Seule la moitié d’un centimètre de velours séparait ma peau du métal mortel.

Un sourire cruel tordait ses traits.

Pour tous il était le mal incarné, un démon sanguinaire qui ne méritait pas de vivre. Pour tous, sauf pour moi.

Son visage n’était qu’un masque, cette expression n’était qu’un masque, l’épée, qu’un accessoire à son rôle barbare.

Ses yeux, eux, ne pouvaient me mentir.

L’homme qui se cachait derrière le personnage était quelqu’un de bien.

- Tues-moi.

Je reconnus à peine ma voix.

Froide. Distante. Sans aucune émotion. Désinvolte.

- Je n’ai pas besoin de ton accord, imbécile.

Sa voix à lui était douce et plus grave. Mais toute aussi froide, toute aussi distante.

- Pourquoi hésites-tu ? Tu as peur ?

- Pourquoi ? Tu es pressée de mourir ?

- Je suis morte. Ce lieu est mort. La vie n’a aucune valeur à moins de la prendre ou de la donner. Je te donne ma vie.

- Tu ne sais pas ce qu’est la mort, sinon tu tremblerais comme une feuille et essayerais de t’enfuir.

- Si c’est toi qui me tues, je n’ai pas peur. Je préfère périr de ta main que vivre à jamais seule.

- Ce sont des paroles de fillette capricieuse.

- Ce sont les paroles d’un cœur las et désespéré.

Il ferma les yeux et fronça les sourcils.

Je souris.

Ainsi, il me faisait penser à Hamlet de Shakespeare ou Rodrigue de Corneille. Le héros tragique en proie à un dilemme qui décidera du sort d’une vie toute entière. La mienne, en l’occurrence. Finalement, il rouvrit les yeux.

Il avait fait son choix.

Avec une rapidité inhumaine, il m’embrocha.

- Ce rêve doit être le dernier, Ecila. Ne cherche plus à te souvenir. Ta vie est devant toi. Pas dans tes songes.

- Tu ne… peux pas… m’empêcher de rêver… Valet de Cœur.

- Je peux t’empêcher de mourir pour rien.

Malgré la lame glacée qui transperçait mon cœur de part en part et ressortait dans mon dos, je ne ressentais aucune douleur. Même le sang qui entrait dans mes poumons et me faisait suffoquée n’avait aucune importance.

Le jeu était terminé.

J’avais perdu.

Ma vision se brouilla et Ecila disparut à jamais.

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