3.17 – Repentir

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Repends-toi ma fille.

Avec cette corde ?”

La neige encombrant les routes, la plupart des chevaleresses étaient rentrées à Montbrumeux pour l’hiver. Les repas se divisaient en deux services pour que tout le monde puisse se restaurer. L’entraînement des écuyères continuait son train habituel.

Viviane ne lâchait pas Théodora d’une semelle. Cette dernière se demandait dans quelle mesure cela lui plaisait ou non. La petite était remplie de gentillesse, elle avait un côté plein d’humour, mais quant à supporter ses sempiternelles minauderies…

Pour l’instant, Arsinoé restait cloîtrée dans sa chambre, mais elle pourrait bientôt poser sa jambe. Comment le groupe l’intégrerait-elle alors ?

Théodora se remémorait chaque jour ce mouchoir, ce message et cette odeur de lilas. La jeune femme pensait également aux révélations faites par Arsinoé sur ses anciennes comparses. Elle décida d’aller lui rendre visite.

— Entrez ! entendit-elle après avoir frappé.

Arsinoé, la jambe maintenue par une attelle, se tenait debout à moitié appuyée sur un balai. Théodora en crut à peine ses yeux, la jeune femme tentait de nettoyer sa chambre.

— Arrête ça tout de suite, va te reposer, commença Théodora, ce n’est pas ainsi que tu vas guérir.

— Mais je m’ennuie tellement !

Décidément, elle avait bien changé ! Faire le ménage, alors qu’elle n’y était pas obligée plutôt que de forcer d’autres à le faire à sa place…

— Je suis venue te faire la causette, allonge-toi, tu guériras plus vite.

Une mine renfrognée se dessina sur le visage d’Arsinoé. Elle soupira bruyamment puis s’assit sur son lit. Tournant son visage vers sa visiteuse, elle finit par sourire.

— Merci, je ne sais pas si je mérite ta compassion.

Elles restèrent un moment à parler de sujets légers, comme l’emploi du temps de la journée, les bêtises qu’Arsinoé avait manquées. Elles s’accommodaient bien de leur compagnie mutuelle.

Chaque jour, Théodora s’appliqua à la visiter, seule d’abord, puis parfois accompagnée d’Isabelle et Manon. Après quelques tergiversations, elles acceptèrent de fournir l’effort qui les mèneraient à un pardon plus sincère, voire à l’amitié. Il lui arrivait également d’inclure Viviane à ses visites.

Vint enfin le temps où la blessée put à nouveau marcher sur des béquilles, ce qui lui permit de se rendre avec Théodora aux cours du matin. Une bonne semaine encore avant qu’elle ne puisse reprendre les entraînements.

Quand Arsinoé franchit les portes de la salle d’histoire, toutes les têtes se tournèrent dans sa direction, des chuchotements se firent entendre.

— Non mais qu’est-ce qu’elle fiche là celle-ci !

— Elle a du toupet de revenir avec toutes les vacheries qu’elle nous a faites.

Le brouhaha ambiant montait, et la chevaleresse en charge de la classe dut faire montre de son autorité pour étouffer les caquètements des importunes.

Déboussolée, Arsinoé se sentit mal et serait tombée si Théodora, qui l’accompagnait, ne l’avait retenue. Elle l’aida à s’asseoir, puis elle se tourna vers l’assemblée.

— Arsinoé a autant été victime que vous, même si les apparences sont contre elle. Moi aussi, j’ai fait les frais de son comportement. En tant que futures chevaleresses, nous devons mettre nos différends de côté et apprendre à être une unité solidaire. Je vous enjoins de bien vous comporter avec elle. Avant de la juger, je vous prie d’apprendre à la connaître. Elle est l’une de nos sœurs écuyères.

Théodora s’assit à côté de la convalescente. Le calme revint dans la salle et on laissa la blessée tranquille. Le cours put débuter dans une ambiance sereine.


§


Une semaine s’était écoulée, la peine de Fabiola, Bérengère et Cœsarée s’achèverait le lendemain. Une guetteuse entra précipitamment dans les appartements de la Dame de Montbrumeux.

— Opale ! Opale ! Un cavalier en approche !

Les voyageurs étaient rares en hiver, surtout à cheval. Il ne pouvait s’agir que d’une chevaleresse.

Opale se leva et regarda par elle-même. De loin, on distinguait parfaitement, d’après les couleurs des vêtements, que le cavalier ne portait pas de haubert. Un long mantel en fourrure le couvrait.

— Envoyez une escorte, commanda-t-elle à la sentinelle.

Un peu plus tard dans la matinée, Gersande entra chez la comtesse, complètement essoufflée.

— L’attaque, madame, l’attaque… l’auberge…

— Reprenez-vous, Gersande, soufflez et expliquez-moi tout ça calmement. Il y a une attaque à l’auberge ?

Gersande acquiesça en reprenant son souffle. Marie-Sophie, arriva à son tour dans la pièce.

— Que se passe-t-il ? Gersande ?

— Ton amie est venue nous prévenir d’une attaque sur l’Auberge des Quatre Chemins. Mais laissons-la respirer.

Marie-Sophie la serra dans ses bras, après cette étreinte, la soigneuse prit la parole :

— Des soldats sont venus… Ils ont encerclé l’auberge… Je leur ai volé un cheval et je suis venue immédiatement.

— Berthilde !

Marie-Sophie ne put s’empêcher de crier son prénom. Elle découvrit à cet instant combien elle tenait à elle. Elle repensa à la gentillesse de la servante et… À toutes ces fois où elles avaient fait l’amour.

— Tu as été courageuse, bravo ! Tu sais combien ils étaient, comment ils étaient armés ? demanda la comtesse.

— Quand je les ai vus, il faisait nuit, je me suis approchée parce qu’ils avaient fait du feu autour du bâtiment. Ils étaient suffisamment nombreux pour encercler l’auberge, leur armement était assez disparate… mais je ne saurais dire.

— Marie, va prévenir les autres, il faut partir au plus tôt. De préférence avant la fin de la journée. Chacune doit emmener pour au moins une semaine de nourriture dans son paquetage. Toutes les chevaleresses et écuyères présentes devront venir.

« Layinah, je te laisse gérer l’intendance pour que la nourriture soit prête à la distribution.

Gersande prit la parole :

— Je viens avec vous !

Opale la regarda, secouant la tête.

— Mais, vous êtes épuisée, il faut vous reposer.

— Je vous dois beaucoup, et vous aurez besoin de soigneuses !


§


Opale sortit dans la cour pour faire une annonce pendant que quelques chevaleresses désignées rassemblaient tout le monde.

La commandeuse de l’Ordre Sacré des Chevaleresses du Bouton de Rose prit la parole et expliqua la situation, le départ imminent…

Quand tout à coup sortirent du couvent trois filles qui déboulèrent jusque devant la comtesse. Fabiola, Bérangère et Cæsarée mirent un genou à terre devant elle.

— Nous avons entendu que des problèmes venaient de survenir, nous voulons venir avec nos sœurs, et mourir pour Montbrumeux s’il le faut, annonça Fabiola d’un air contrit.

Ses deux amies ajoutèrent

— Oui, nous sommes d’accord avec ce que Fabiola vient de dire.

— Relevez-vous. Votre dette est grande, mais montrez-vous digne pendant cette bataille et vous serez pardonnées. Commencez vos préparatifs comme les autres.

— Merci Opale.

Quelques heures plus tard, chevaleresses et écuyères, toutes équipées se tenaient dans la cour de la forteresse. Toutes en armes, un gambesson autant protecteur que chaud sous leurs mailles, un casque d’acier efficacement molletonné sur la tête, une bonne centaine de femmes étaient présentes pour rallier leurs sœurs de l’auberge. Plusieurs écuyères durent prendre des torches : emmener le feu était une mission vitale.

Adélaïde se dirigea d’un pas bien décidé vers Isabelle :

— Tu seras mon écuyère, j’taime bien.

— Manon, tu m’accompagnes, indiqua Ellanore, on fera une bonne équipe.

— On ne va pas séparer les amies, faisons équipe Théodora, si tu veux bien, proposa Marie-Sophie.

Leur petit groupe chevaucherait devant, avec Gersande et la comtesse. Vivianne, Arsinoé et les anciennes groupies de Théodora se trouvaient-elles aussi dans un même groupe. Quant au trio infernal, il avait été séparé. Les trois filles venaient de sortir de leur isolement, on ne savait pas encore comment elles se comporteraient.

Le départ fut salué par une sonnerie au clairon, et la colonne de chevaux partit aussi vite que possible.

Le soir venu, un grand feu fut érigé, et une garde instaurée. Le temps n’était pas à l’amusement, il fallait être prudentes. Pour la nuit, les chevaleresses avaient prévu de grosses couvertures, et des tentes. Tout le monde put dormir au sec malgré le sol enneigé et mangea à sa faim.

Les jours suivants, elles cheminèrent sous la neige, plombant davantage l’ambiance déjà morne. Le soir quand elles s’arrêtaient, seule Viviane manifestait de la joie. Accompagnée d’Arsinoé, elle se rendait près de Théodora, lui donnait une accolade, lui parlait. Son héroïne commençait à trouver sa compagnie sympathique. Vivi, comme elle l’appelait désormais, brillait comme une étoile au milieu du marasme ambiant, un feu de joie réconfortant au milieu de toute cette neige.

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