3.11 – L'idée de Manon

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Il est des esprits toujours inventifs et aux ressources inépuisables. ”

En fin d’après-midi, Opale de Montbrumeux et ses deux acolytes rentrèrent de mission. Elle avait été couronnée de succès, mais la jeune fille secourue avait préféré rester dans l’auberge forte où elles s’étaient arrêtées. Cette fois-ci, dans les Flandres.

Pendant le repas du soir, la comtesse vit le visage tuméfié d’Isabelle et des quatre teignes. Au sortir de table, la comtesse fit signe à Isabelle de la rejoindre. Manon et Théodora reçurent la même invitation.

Tandis que la salle se vidait, la Dame de Montbrumeux entraîna les trois jeunes femmes ainsi que ses lieutenantes dans son bureau.

Une fois installées, elle interrogea :

— Mais qu’est-ce que ces pestes t’ont fait ?

Isabelle conta le comment et le pourquoi de ses mésaventures.

— Tu t’en es bien tirée, elles auraient pu te laisser dans un état bien pire ! Je vais devoir sévir encore une fois ! J’aurais tellement aimé qu’elle puisse changer, mais je ne vois plus aucune alternative.

La Dame soupira bruyamment.

— Ou alors je vous aide à leur péter la tronche ! lança Adélaïde.

— Ouais, on va leur casser la figure à ces faces de truie ! continua Ellanore.

La réaction spontanée des deux chevaleresses arracha un rire à tout l’auditoire.

— Non, pas comme ça. Il faut qu’on s’en occupe nous-mêmes.

Tout le monde se tourna vers Manon.

— Je vous explique mon idée. Ces quatre-là terrorisent toutes les filles. Si on leur montre qu’on peut leur rabattre le caquet nous-mêmes, c’est toute la promotion qui bénéficiera d’un enseignement. Comme l’a dit Isabelle hier, si l’on n’est pas assez fortes pour régler ce genre d’ennuis, comment peut-on un jour prétendre au titre de chevaleresse et aller sauver nos semblables ?

— Si vous êtes sûres de vous, c’est d’accord, acquiesça la comtesse. Et comment comptez-vous procéder ?

— À la loyale, devant tout le monde, proposa Théodora. Nous ne sommes pas des couardes. Ainsi, toutes pourront voir qu’on peut résister à la tyrannie.

— Elles doivent apprendre qu’elles ne sont pas toutes puissantes, appuya Manon.

Un silence réfléchi s’ensuivit. La comtesse exprima alors le point de vue que ses deux chevaleresses partageaient.

— Vous n’êtes que trois et votre expérience est moindre. Ce n’est pas ce que j’appelle à la loyale, c’est de l’inconscience plutôt.

— Je peux faire la quatrième. Question nombre et expérience ça équilibre.

Adélaïde se frottait les mains à cette perspective. La princesse lui ressortait par les narines et elle lui aurait donné une bonne leçon.

— Non ! Moi ! supplia Ellanore.

— Merci de votre sollicitude, les amies, nous serons trois et nous l’emporterons. Si vous voulez nous aider, entraînez-nous : au bouclier et à la bataille rangée. Deux heures de plus tous les soirs. Elles verront de quoi nous sommes capables.

Isabelle avait parlé sans hésitation, brandissant son poing. La détermination se lisait dans son regard.

La comtesse semblait soucieuse :

— Je m’inquiète quand même pour les autres. Je me sens responsable de chacune d’entre vous.

— On les surveillera, assura Ellanore, fais-moi confiance. À la première anicroche, paff !

— Le souci, c’est que, dès que l’on est absentes, personne ne contrôle ces pimbêches, je dois leur en parler, ça ne peut plus continuer sous prétexte qu’il y a une princesse dans la bande !

Opale en voulait avant tout à Layinah, qui considérait qu’une princesse de sang était forcément irréprochable. Ce n’était pas sa faute. Son éducation l’avait formée à ces stéréotypes depuis son plus jeune âge. Il était difficile de marcher à l’encontre des modèles qu’on lui avait inculqués dès son plus jeune âge. La comtesse reconnaissait que sa compagne avait fait beaucoup d’efforts pour s’adapter au pays et surtout à Montbrumeux avec sa culture si particulière. Chaque nouvelle expérience lui enseignait à apprivoiser cet environnement qui depuis quinze ans était devenu le sien.

§

Après cet entretien, Isabelle et Manon montèrent dans leur chambre. Manon aida sa mie à s’asseoir sur une chaise. Si elle n’en avait rien montré jusque-là, une fois dans l’intimité, elle se laissait aller à sa faiblesse.

— Elles ne m’ont pas épargnée. J’ai mal partout.

Manon s’accroupit auprès d’Isabelle et passa un doigt sur le visage tant aimé. La joue si tendre était toute écorchée.

— Reste assise, je rajoute des bûches dans la cheminée, un bon feu te fera du bien.

Elle s’exécuta, puis prit un seau d’eau rempli en début de journée, y trempa des linges et se mit à nettoyer doucement la plaie qu’elle recouvrit d’un baiser.

— La blessure n’est pas trop profonde. Tu cicatrisera vite !

Isabelle se leva et, aidée par Manon, ôta son bliaud délicatement. Des griffures recouvraient son cou, ses bras et le bas de ses jambes. Son corps comptait quelques bleus bien dessinés, impacts probable des pierres.

— Couche-toi ma chérie, je vais m’occuper de toi.

Avec d’infinies précautions, elle nettoya chaque griffure, Manon alla chercher un onguent dont elles se servaient quotidiennement après les entraînements, puis entreprit de réaliser des cataplasmes. La moindre meurtrissure noircissante reçut en prime un baiser d’une grande douceur.

— Un bisou magique pour faire disparaître les bobos, dit-elle en riant.

Bercée par les gestes tendre de sa douce, Isabelle sombrait progressivement dans un demi-sommeil.

— Je suis fière de toi, lui glissa Manon à l’oreille.

Un léger sourire se dessina sur les lèvres de la blessée.

Voyant qu’elle ne pourrait pas l’habiller pour la nuit, elle chercha une couverture supplémentaire dans l’armoire pour en recouvrir le corps enfin endormi de la femme de sa vie, puis se glissa à ses côtés.

§

Théodora avait fait du feu, elle aussi, mais son cœur restait froid. Elle aimait beaucoup ses amies, leur arrivée avait égayé sa solitude. Un combat commun les animait : celui de la liberté. Ensemble, elles deviendraient chevaleresses, elles feraient de grandes choses ! Malheureusement, elle ne pouvait s’empêcher de les envier un peu, car le soir la porte se fermait et elle se retrouvait seule avec ses pensées. Elle aurait tant aimé avoir une douce compagne avec qui les partager, elles soigneraient mutuellement leurs blessures, sauraient se consoler, s’aimeraient.

Fermant les yeux, elle se l’imagina. Serait-elle blonde, brune, ou bien rousse ? Peu lui importait. Elle serait douce, bourrée d’humour, courageuse, elles se battraient l’une pour l’autre, et surtout, elles partageraient des moments d’une volupté insoupçonnable.

Ses pensées dérivèrent.

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