3.8 – Leçon biblique

4 minutes de lecture

Prendre un texte comme il est ne suffit pas. Pour l’interpréter tu doisd’abord en comprendre le contexte.”

L’entraînement des futures chevaleresses se poursuivait. Les jours étaient rythmés par les mêmes routines.

Au matin, elles nettoyaient les locaux, puis prenaient quelques leçons dans des domaines variés, adaptées aux niveaux de chacune. Isabelle et Manon, comme d’autres jeunes nobles, jouissaient d’un bon niveau de culture générale. Aussi, choisirent-elles de suivre assez souvent l’enseignement religieux des sœurs. D’autres fois, elles travaillaient la harpe.

L’après-midi se voyait destiné au maniement des armes. Tenaces à la tâche, elles progressaient dans leur apprentissage. Au début les muscles souffraient, mais comme le leur avait expliqué Théodora, au bout d’un mois, ceux-ci avaient suffisamment gagné en résistance. Le trio qu’elles formaient leur permettait de se soutenir pour ne pas flancher. Toutes n’avaient pas leur endurance, ni leur force mentale et certaines abandonnèrent. On assista aussi à quelques arrivées, qu’on ne manqua pas de fêter.

Ce jour-là, elles avaient choisi l’enseignement religieux et Théodora se joignit exceptionnellement à ses deux amies d’échanger avec sœur Euphrasie autour d’un texte.

— Alors, que souhaitez-vous aborder aujourd’hui Mesdemoiselles ?

— Eh bien voilà, vous savez que certains textes de Saint-Paul ne sont pas doux à notre égard, ma Sœur… commença Isabelle.

— Oui, continua Manon, donc nous nous sommes concertées et nous aimerions, aborder la première lettre aux Corinthiens du verset 9 à 11. C’est pour cela que Théodora est venue avec nous aujourd’hui.

— Un gros morceau donc ! Je suis contente que vous abordiez des sujets qui vous touchent de près. Qui veut le lire ?

— J’y vais, fit Théodora, comme je ne suis pas aussi savante en latin que mes deux amies, autant que je m’entraîne !

Ne savez-vous pas que les injustes n’hériteront pas du royaume de Dieu ? Ne vous y trompez pas : ni ceux qui vivent dans l’immoralité sexuelle, ni les idolâtres, ni les adultères, ni les travestis, ni les homosexuels, ni les voleurs, ni les hommes toujours désireux de posséder plus, ni les ivrognes, ni les calomniateurs, ni les exploiteurs n’hériteront du royaume de Dieu.

Et c’est là ce que vous étiez, certains d’entre vous. Mais vous avez été lavés, mais vous avez été déclarés saints, mais vous avez été déclarés justes au nom du Seigneur Jésus et par l’Esprit de notre Dieu.”

Tout le monde avait écouté la lecture dans un silence respectueux. Il se prolongea ensuite quelques instants, toutes étaient plongées dans leurs pensées.

— Alors, dites-moi pourquoi avez-vous choisi ce texte ?

Sœur Euphrasie, l’œil pétillant, scruta chacun des visages en quête d’une réponse.

— Je ne trouve pas juste que, parce que l’on aime les femmes, on soit considérées comme des voleuses ou pire, commença Théodora. On met les homosexuels dans le même sac, que les voleurs, comme si c’était mal d’être nous-même.

— Comment peut-on se dire que Dieu est bon quand on a entendu une pareille horreur ? interrogea Isabelle.

— Ou même de continuer à y croire ! s’insurgea Théodora.

Manon esquissa un sourire mi-figue mi-raisin.

— Et il faudrait, selon Saint-Paul, refuser d’être ce que nous sommes pour avoir l’espoir d’accéder au Paradis ?

La Sœur hocha pensivement de la tête.

— Mmmm. Donc, il faudrait prendre la parole de Saint-Paul comme étant celle de Dieu ?

Isabelle triturait sa mémoire :

— Vous avez raison, je crois me rappeler que les lettres de Saint-Paul sont surtout des conseils de vie, par rapport à ce qu’il voyait autour de lui, les mœurs des gens…

— Et la loi juive ! appuya Manon.

— Nous y voilà, reprit la sœur. Et il se trouve qu’à Rome, c’est lors d’orgies que l’on avait des rapports entre personnes de même sexe. Ces ébats commis dans la débauche se révélaient dès lors condamnables. Et comme le souligne Manon, la loi juive l’interdisait, tout comme elle interdit d’autres choses qui sont pourtant autorisées aujourd’hui !

— Ah ! Comme manger du porc ou des fruits de mer ! s’exclama Théodora.

— Toutes ces lois ont été dictées au fil des siècles par des hommes. Le Christ est venu pour remettre tout ça en ordre, ses deux premières lois loi sont devenues :

“ Tu aimeras ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force !”

“ Tu aimeras ton prochain comme toi-même ! ”

« On voit bien que si on respecte ses deux là, le reste en découle. Ce qui ne s’inscrit pas dans cette ligne est à écarter.

— Alors aimer Manon n’est pas un crime ?

— En tous cas, nous, sœurs de ce monastère, avons cessé de voir vos amours féminines – et la même chose avec les hommes – comme des péchés. Je ne pense pas que Jésus aurait condamné ceux qui vivent en adéquation avec leur être profond. Il n’aurait par contre certainement pas été tendre avec ceux qui obligent les rapports faits dans la douleur. Malheureusement, il n’a jamais été amené à parler de ces sujets, ou on ne les aura pas retranscrits. Il avait tant de choses à dire !

— Effectivement ! s’exclama Manon. Mais si on appliquait correctement le “Tu aimeras…”, il n’y aurait pas de mariages forcés. Ce n’est pas aimer quelqu’un que de l’obliger.

— Tu as tout à fait raison, si l’on aime quelqu’un on ne lui fait pas de mal ! assura la Sœur. Et c’est pour cela que nous soutenons Dame Opale de toutes nos forces dans sa bataille.

Isabelle regarda Manon avec tendresse :

— Et est-ce que l’on pourrait se marier ?

Un air de conspiration se peignit sur les traits de la Sœur qui baissa d’un ton.

— Bien… certaines d’entre nous, dont je fais partie, aimeraient bien vous le permettre, en cachette du moins. Mais nous avons peur d’une fuite, tous nos efforts seraient perdus si cela venait jusqu’aux oreilles du Pape !

Lorsque les filles sortirent du monastère un peu plus tard, elles avaient le sourire aux lèvres et le cœur plus léger qu’en y entrant.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 7 versions.

Vous aimez lire Haldur d'Hystrial ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0