3.6 – Partie de chasse

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Aujourd'hui c'est dimanche, et Jean-Louis est content
C'est son anniversaire, il vient d'avoir seize ans
Son père est fier de lui, c'est un homme à présent
Il peut donc l'emmener, à la chasse aux faisans. ”

Les VRP

Dans une calèche, le chevalier de Sautdebiche, accompagné de son fils qui préférait chevaucher, venait d’arriver dans la propriété du Baron de Laval. Le vieux sire descendit de sa voiture, laissant le cocher s’en occuper.

La chance ne leur souriait pas pour cette partie de chasse, il pleuvait et la température avait sensiblement chuté.

Le baron et son héritier vient à leur rencontre.

— Ah messire de Sautdebiche, votre présence me remplit d’aise !

— Mon cher baron, je n’aurais raté cet événement pour rien au monde.

— Venez que je vous présente à la compagnie, ces jeunes gens se débrouilleront bien sans nous.

Laissant là Guérart et Conrad, les deux anciens se dirigèrent vers le pavillon de chasse. À l’intérieur, une dizaine de vieux barbons siégeaient autour d’une table bien garnie, des tonnelets entreposés dans un coin, attendaient d’être vidés. Il suffisait de claquer des doigts pour qu’une servante vous apporte de quoi se remplir la panse et le gosier.

L’arrivée du Seigneur de Sautdebiche provoqua un tonnerre d’applaudissements et surtout une nouvelle rasade de vin rouge dans chaque gobelet. La réception que lui fit l’assemblée remplit Henri d’aise, le fait qu’on lui trouva immédiatement un godet bien remplit et une énorme tranche de pain recouverte de viandes n’y était pas étranger.

Lorsqu’il se fut assis, leur hôte vint l’entretenir un instant.

— Ravi que vous soyez venu, Henri. Je puis vous donner l’assurance que cette mésaventure avec votre fille ne change en rien l’amitié que je vous porte, et ne portera pas ombrage à nos partenariats commerciaux.

— Je vous remercie pour votre bienveillance Hector.

— D’ailleurs, j’ai entendu dire par une relation, que vos moutons produisaient une laine particulièrement chaude. Pouvez-vous m’en parler plus avant ?


§


À l’extérieur, Conrad était entouré de sa cour. De jeunes gens qui venaient ramper devant lui afin d’attirer son attention, lui qui un jour, se targuerait de son titre de baron. Beau parleur, il illuminait la petite assemblée.

— La semaine dernière, j’ai chassé un cerf de belle taille, vous auriez vu sa ramure majestueuse. Je l’ai poursuivi pendant des heures, les chiens le fatiguaient, et lorsque j’ai pu l’avoir en ligne de mire, j’ai décoché une flèche qui lui perça le cou, l’animal est alors tombé.

C’était un daim et c’est moi qui l’ai tiré, se dit Guérart. Lui, n’a fait que l’achever.

Le jeune homme ne se sentait pas à sa place au milieu de tous ces messieurs. Lors de leurs dernières rencontres, il avait été seul avec Conrad, qui lui avait manifesté son amitié. Mais aujourd’hui, il le voyait entouré de quelques garçons mieux nés, ayant l’air de le connaître depuis longtemps, le flattaient avec plus d’adresse et savaient attirer son attention. Guérart était remis au rang que l’étiquette lui donnait. Lequel était le vrai Conrad ? S’il y en avait un…

Le baron finit par sortir du bâtiment avec une partie des anciens. Henri ne l’accompagnait pas. Il appartenait au clan de ceux qui préféraient de loin boire quelques coups et discutailler dans le confort d’un grand feu de bois que d’aller se fatiguer à courir après la viande sous la pluie glacée. La venaison viendrait à son assiette sans qu’il ait dû batailler.

Le maître chien sortit la meute aboyante du chenil, les molosses partirent en avant, suivis de près par Hector qui les menait à la voix. Rapidement, un groupe de tête se forma. Avec le père de Conrad et deux de ses plus proches amis, les autres devraient se contenter des miettes. Le baron savait où trouver du beau gibier, il avait fait des repérages dans la semaine. Ils ne tardèrent pas à observer les traces d’un grand cerf ; ils accélérèrent suivant sa piste. Au fur et à mesure de leur avancée, les chiens se montraient plus excités.

Lorsque l’animal apparut au loin, Hector décida que les chasseurs se répartiraient en deux groupes, laissant à Conrad le soin de les constituer. Celui-ci indiqua aux cavaliers de tête de continuer avec son père, tandis que les autres s’organiseraient pour prendre la bête à revers.

Guérart commençait à s’ennuyer à ce jeu-là et décida de rester légèrement en retrait afin d’observer le groupe de tête. Celui qui, une semaine plus tôt, se disait son meilleur ami le dédaignait aujourd’hui. Le jeune homme trouvait injuste de se voir infliger un tel traitement, il aurait aimé briller au milieu de cette société, lui aussi. Au lieu de quoi, il se voyait rabaissé.

La bonne ou la mauvaise fortune rendit alors Guérart témoin d’un événement. Un cheval doubla celui du baron toujours à une allure soutenue, celui de Conrad s’en rapprocha par la gauche, le troisième se plaça à sa droite.

Brusquement, Conrad poussa son père qui chut. Aussitôt, ses deux amis stoppèrent les leurs et ils revinrent en arrière pour voir dans quel état était le baron. Celui-ci se redressa péniblement à quatre pattes, mais Conrad ne lui en laissa pas le loisir. Descendu de cheval, il prit une grosse pierre dont il lui fracassa le crâne.

Le baron de Laval n’était plus.

Guérart heureusement se tenait à une distance raisonnable. Lentement, il poussa sa monture pour s’éloigner le plus discrètement possible. Les trois assassins remontèrent à cheval et partirent à la poursuite des chiens.

Alors c’est ça, un incident de chasse, se dit Guérart.

Quand ils furent à bonne distance, il fit volte-face et retourna bride abattue prévenir son père.


§


Arrivé sur place, il entra dans le pavillon de chasse et avisa le vieux chevalier.

— J’ai à vous parler. Peut-on se voir en privé ?

Son père n’était pas très heureux de se déplacer, mais son fils insista. Lorsqu’ils furent seuls dans sa chambre, il lui expliqua la situation.

— Fils, lui dit-il, il n’est rien que nous puissions faire. Conrad va s’emparer du pouvoir. Nous n’allons pas déclencher une guerre. Le mieux pour nous est de quitter les lieux. Je ne veux pas fréquenter cet assassin. Sous peu, il va rentrer ici et s’écrier que le baron est tombé de cheval. Partons.

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