1.15 - Fanfare

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Fier de son coup, le clairon annonçait :

Soldat lève-toi (ter) bien vite !

Soldat lève-toi (ter) bien tôt !

J’ai dû l’abattre. ”

Isabelle souffrait terriblement, mal assise sur sa selle, en pleine tourmente. Alizée, son ombrageuse jument, effrayée par la tempête qui se déchaînait autour d’elles, ne maîtrisait pas sa trajectoire et les emportait vers une destination inconnue. Le ciel était tellement sombre qu’elle ne voyait plus Manon qui pourtant n’était partie qu’un court instant plus tôt. Elle l’appelait désespérément, mais le tonnerre grondant autour d’elles, l’empêchait de distinguer quelque son que ce fut. Elle avait perdu Manon !

— Manon ! Manooon !! MANOOOON !!! s’époumonait-elle.

Mais seul le vide répondait.

Ses paupières s’ouvrirent tout à coup, elle sortait d’un songe. Un visage terrifié lui faisait face, et sa propriétaire la secouait violemment. Le temps que ses yeux parviennent en face des trous, elle reconnut Rose. Mais que faisait-elle là ?

— Réveillez-vous Mesdemoiselles ! Monsieur votre père a fait arrêter Madame la comtesse ! C’est une catastrophe !

Isabelle jeta un œil inquiet sur le côté. Ouf, Manon était bien là.

Les jeunes femmes n’avaient pas rêvé. Étendues sur le lit et entièrement nues, une servante les secouait. Hier au soir, la noble avait tourné la clef dans la serrure ! La domestique tenait des propos sans queue ni tête et son impertinence aurait dû être réprimandée, certainement. Cependant, les deux amantes rougissaient honteusement de cette situation : enlacées et dans une tenue… ou plutôt en l’absence de tenue !

Rose, s’apercevant enfin du ridicule de la situation, leur lança à chacune une chemise et se tourna pendant qu’elles les enfilaient.

— Que me racontez-vous avec la comtesse et que faites-vous dans ma chambre ? s’enquit la fille de la maison d’une voix irritée, pourquoi père l’aurait faite arrêter ?

Dans sa confusion, elle avait vouvoyé la servante.

— Je vais jouer franc-jeu avec vous, décida Rose. Je m’appelle Marie-Sophie, j’ai été envoyée par Madame de Montbrumeux pour vous sortir de ce mariage. Nous ne savions pas s’il y aurait une personne ou deux à sauver. Mais… je suis fixée.

« Maintenant celle qui est à secourir, c’est la comtesse !

Isabelle finissait de s’habiller. Si effectivement, Marie-Sophie et la comtesse étaient en lien, elles ne risquaient rien de sa part. Manon affichait un air totalement déboussolé et terrorisé.

— T’inquiète, la rassura-t-elle avant de la gratifier d’un baiser léger, je contrôle la situation.

D’une tape sur l’épaule, elle indiqua à la prétendue Marie-Sophie, qu’elle pouvait se retourner.

— Alors j’aimerais avoir une explication complète, qui êtes-vous ? D’où venez-vous ?

— Madame de Montbrumeux est la commandeuse de l’ordre des Chevaleresses de l’Ordre Sacré du Bouton de Rose, une organisation féminine et pensée pour la défense des femmes.

« J’effectue ici ma première mission. Dans certains cercles, il se disait que la fille du chevalier de Sautdebiche avait refusé maintes demandes en mariage. Pour nous il y avait une raison à cela et j’avais pour tâche de la découvrir.

« Lorsque votre père vous a annoncé vos noces, à la manière dont vous répondiez, j’ai compris que vous préfériez les femmes. En conséquences, j’en ai aussitôt informé à la comtesse par messager interposé. Il me restait à découvrir si l’affection – assez évidente – que vous vouez à Manon, était partagée. J’ai eu ma réponse il y a deux jours, lorsque vous vous êtes embrassées. J’étais dissimulée dans les fourrés. Je suis désolée de mon indiscrétion.

Elle jeta sur le lit un nécessaire pour crocheter les portes.

— Et voici comment je suis entrée.

Isabelle acquisça, et prit la main de Manon, toute aussi pensive. Un silence s’installa. La jeune noble se leva et fixa Marie-Sophie dans les yeux.

— Bien. Et cette arrestation ?

— Je ne sais pas tout, mais quelqu’un a découvert chez ma commandeuse un livre interdit, identique a celui que je vous ai fait parvenir hier pendant votre séance d’équitation. Votre père a donc été contraint de l’arrêter pour hérésie. Un coursier est parti ce matin pour prévenir l’Évêque de Besançon. Il faut la sortir de là ! Sinon elle sera torturée et certainement brûlée vive. Je suis toute seule, j’ai besoin de votre aide, s’il vous plait. Rapellez-vous qu’elle voulait vous aider.

Isabelle lança un regard interrogateur à Manon.

— Nous avons décidé hier soir de suivre Madame de Montbrumeux, n’est-ce pas Isabelle ?

— Tu as raison. On ne peut pas la laisser ainsi, j’apprécie cette femme, et je vous sens sincère, Marie-Sophie. Tant qu’à transgresser l’autorité parentale, autant nous rendre utiles. Nous sommes à votre service.

Cette dernière lâcha un soupir de soulagement. Elle s’assit sur le lit comme si on venait de lui enlever un énorme poids des épaules.

— Par cette décision, je vous vois digne de figurer un jour dans nos rangs. Habillez-vous pour voyager. Ensuite il faut réfléchir au moyen de les libérer, elle et les deux chevaleresses qui l’accompagnaient.

Elle leur tendit à chacune une dague qu’elle sortit de ses manches, leur montrant comment les fixer à la ceinture.

— Combien de temps avant l’arrivée de l’Évêque ? s’enquit Manon.

Isabelle connaissait les distances et la durée du voyage, mais Marie-Sophie se montra la plus rapide à répondre.

— À l’aller, avec les relais, le messager prendra moins d’une journée. Mais au retour, avec le carrosse, il leur faudra au moins deux jours.

Manon manifesta son inquiétude en ce qui concernait les préparatifs nécessaires.

— Nous voyagerons léger, mes camarades ont des armes, cachées dans notre calèche et je dois prendre les miennes. Question nourriture, pas de problèmes. Si nous ne partons pas trop tard, nous aurons un point de chute pour la nuit.

— Bien. Si on considère les forces en présence, mon père a un sergent et deux hommes d’armes. Nous sommes trois, mais ni Manon ni moi ne savons manier une épée ou un arc. Il va falloir ruser.

Les trois femmes commencèrent à élaborer un plan.

Manon était d’avis d’attendre la nuit, avec un seul homme d’arme éveillé au lieu de deux et l’avantage de la surprise, l’évasion serait simple. La chevaleresse indiqua aux deux novices qu’il était important de gagner du temps sur leurs poursuivants qui tenteraient de les pister.

Elle proposa de disperser les chevaux qui resteraient dans les stalles ou les emmener. Ainsi, nulle poursuite ne serait possible avant l’arrivée des autorités religieuses.

— Par contre, il faudra éloigner le palefrenier, ce n’est qu’un jeune homme un peu simplet.

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