1.11 – Madame de Saint-Eustache

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Madame de Saint-Eustache porte-t-elle une grosse Moustache ?

Non, Madame de Saint-Eustache sur son bliaud vert a fait une grosse tache. ”


Peu après le repas, Rose fit son entrée dans la chambre d’Isabelle où elle la trouva en pleine discussion avec Manon.

— Mademoiselle, Madame vous fait mander en son boudoir. Nous avons une visiteuse, Madame la vicomtesse de Saint-Eustache.

Isabelle fit une moue mécontente, Manon soupira. Elles étaient tellement bien ensemble que cet élément perturbateur les ennuyait profondément, mais pour se conformer aux règles d’hospitalité, elles devaient suivre Rose.

— Si tu veux mon avis, ma mère à l’intention de briller devant une dame importante, glissa Isabelle à son amie.

Rose expliqua aux demoiselles l’aventure qui était advenue à la voyageuse. L’inconnue se rendait dans sa famille pour un décès et avait eu un accident avec sa calèche. Elle avait expliqué à Constance sa peine immense, et on leur demandait d’éviter le sujet.

Elles suivirent alors la servante jusqu’aux appartements de la maîtresse de maison.

— Voici ma fille ! s’exclama Constance lorsqu’elles firent leur entrée.

Isabelle se fendit d’une petite révérence, forçant un léger sourire.

— Madame !

— Et Manon, sa dame de compagnie.

— Enchantée ! fit-celle-ci en effectuant le même geste que sa compagne.

La grande dame, qui ne l’était pas tant, reposait son séant sur un fauteuil confortable. Aux révérences parfaitement effectuées, elle accorda un sourire compatissant.

— Ravie de faire votre connaissance, mesdemoiselles ! J’ai affaire à deux jeunes filles parfaitement élevées. Mais ne vous encombrez pas de tant de politesses pour moi !

Outre son élégant vêtement, ses longs cheveux châtain clair se paraient de quelques fils d’argent. Ses yeux bleu ciel, décorés en leur coin de rides de première sagesse, éclairaient son visage.

Voici donc celle pour qui nous devons sacrifier nos moments délicieux, remarqua Manon pour elle-même.

Dans son coin, Dame Gertrude avait composé le sourire avenant des grands jours. Voilà les deux gamines. Vivement qu’elles aient débarrassé le plancher, elles vont encore monopoliser toute l’attention.

— Rose je te prie, intervint Constance en se tournant vers la servante, va nous chercher des biscuits et des tisanes.

Lorsque la servante sortit, elle reprit la conversation interrompue par l’arrivée des deux jeunes femmes.

— Alors, vous nous disiez que votre mariage était heureux !

— Oui, assurément, et nous avons de nombreux enfants, cela assure un héritier au comté. Vous savez c’est tellement important de pouvoir transmettre notre patrimoine.

La conversation ne l’intéressait pas follement, et un œil expert s’en serait aperçu. Cependant, Constance qui n’avait pas l’habitude de recevoir une personne de son rang ne remarqua rien, tant elle voulait paraître à son avantage.

— Je ne vous ai pas dit, mais Isabelle que voilà, va se marier avec un Baron. Quelle chance nous avons !

— Mademoiselle va assurément faire un beau mariage, renchérit Manon.

Isabelle fût si agréablement surprise qu’elle osât s’insérer dans la discussion avec autant d’adresse.

— Naturellement, j’emmène ma dame de compagnie, dit-elle en frôlant son épaule de la main, une perle d’une si grande finesse ne saurait être remplacée.

Madame de Saint-Eustache gratifia les deux tourterelles d’un hochement léger de la tête accompagné d’un sourire légèrement malicieux. Elles jouent bien leur rôle !

— Qui se trouve être l’heureux élu de votre cœur, mon enfant ?

— Monsieur de Laval, le fils d’un ami de mon père, Madame.

Isabelle prononça cette réponse sèchement, le visage fermé, afin de laisser entrevoir à son interlocutrice qu’elle n’était pas satisfaite de la situation.

— Oh ! Je vois. Vous vous connaissez j’espère ?

La question paraissait incongrue à Isabelle, d’autant plus que son interlocutrice lui était inconnue. La colère la rongeait à propos de cette union. Constance n’était pas ravie de la tournure que prenait la conversation. Elle s’était ingéniée à rassurer sa fille, afin que le mariage se déroule au mieux, et elle craignait que la dame ne vienne perturber le fragile équilibre qu’elle imaginait avoir créé.

— Je l’ai rencontré une fois, Madame.

La réponse énoncée du bout des lèvres sur lesquelles s’affichait un mince sourire nerveux, restait polie. Il n’en aurait pas fallu beaucoup plus à la fiancée pour répliquer par une pique bien sentie.

— Je suis navrée que vous ne vous connaissiez pas plus, vous devez être terrorisée ma pauvre enfant. Je suis mal placée pour dire ceci, car j’ai de la chance dans mon mariage, mais sachez que je compatis à vos tourments.

Constance tenta de détourner la conversation.

— Manon, pourrais-tu nous égayer par un morceau de harpe dont tu as le secret ?

La brunette s’installa à l’instrument, positionna ses doigts avec précision et ferma les yeux. Ses mains s’activèrent alors et la musique emplit délicieusement la salle.

Alors qu’elle jouait un air en vogue, personne n’osait parler. Pendant qu’Isabelle la dévorait des yeux, l’attention de la harpiste dévia en direction de la voyageuse malchanceuse. Elle y surprit un étrange regard qu’elle ne sut interpréter.

— Très joli, je vois que la Seigneurie de Sautdebiche dispose d’un répertoire musical tout à fait convenable, et d’au moins une très bonne musicienne.

La vicomtesse applaudit franchement, secondée par Isabelle, le reste de l’auditoire les imita. Puis Rose entra, son plateau chargé de petits gâteaux, d’herbes pour les tisanes et de l’eau bouillante.

Lorsque la servante eut déposé la collation sur la table, Madame de Saint-Eustache émit une requête :

— Je ne voudrais pas vous déranger, Madame de Sautdebiche, aussi plutôt que de vous solliciter pour une promenade autour du domaine, Isabelle ne pourrait-elle pas m’accompagner demain pour une visite ?

— Ma fille sera ravie de vous servir de guide.

Ne pouvant faire autrement, sous peine de froisser la dame, Constance donna son assentiment. Manon n’avait pas l’air ravie.

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