1.9 – Leçon

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J’aimerais tout savoir.

Commence donc à te pencher sur ce que je t’enseigne.”


Le matin suivant, Manon osa monter Roxane, sa jument. Après quelques entraînements, elles effectuèrent une promenade assez courte autour du château. Le surlendemain, les deux jeunes femmes poussèrent jusqu’au village. Chaque jour, Isabelle rallongeait le parcours et rajoutait des difficultés. Son élève maîtrisa la marche, le trot, ainsi qu’un galop léger. Roxane et elle s’entendaient parfaitement.

Une semaine s’écoula, Agnès avait garni une bonne partie de la garde-robe de sa fille. Aussi, ce jour-là, les vêtements de Manon lui seyaient à merveille, le bliaud azur se mariait bien avec les braies blanches, parfaitement ajustées à sa morphologie. Son instructrice, en la voyant entrer dans les écuries, la dévora du regard.

— Tu es magnifique ! Quelle élégance ! Ta mère a fait des merveilles.

Les joues de Manon s’empourprèrent, ses yeux noisette plongèrent dans ceux, noirs, d’Isabelle.

— Vous êtes superbe vous aussi, on pourrait penser que vous avez un rendez-vous galant, Mademoiselle !

Isabelle à son tour piquât un fard, mais ne se démonta pas.

— C’en est peut-être un. Qu’en dis-tu ?

Manon ne put soutenir l’intensité de l’instant, elle se tourna vers sa jument pour s’en occuper. Elle savait enfin en prendre soin seule.

— Peut-être. Oui, un joli rendez-vous. Avec vous. Je n’ose…

Isabelle prit une profonde inspiration.

— Je crois que tu… que nous pouvons oser… enfin. Si tu le veux bien.

Elle s’approcha de Manon et d’une caresse légère, effleura sa joue du bout de son index. La tête toujours baissée, celle-ci esquissa un sourire et lui lança un regard un peu malicieux.

Ce moment de magie passé, elle reprit son travail pour se donner une contenance. Ces gestes quotidiens la rapprochaient de la jument. Isabelle avait insisté auprès de son père pour que ce cheval soit réservé à sa dame de compagnie, elles l’emmèneraient après le mariage.

Avant de grimper sur Roxane, la servante sentit une petite main se poser sur son épaule, tournant la tête elle lui réserva un regard tendre. Isabelle lui confia :

— Je voudrais te conduire à un endroit que j’aime beaucoup. Le chemin est un peu ardu, mais je pense que tu es prête pour m’y suivre.

— À votre disposition, Mademoiselle !

Son sourire radieux et le ton emprunté indiquaient que son expression protocolaire était une plaisanterie.

Isabelle avait remarqué que cette inclinaison douce et amoureuse qu’elle ressentait pour la belle semblait partagée. Cette complicité qu’elles vivaient depuis toujours n’était pas que de l’amitié, leurs deux cœurs aspiraient à l’amour.

Elles dévalèrent la pente qui menait au village et prirent un petit chemin qui s’enfonçait dans les bois, en direction d’une colline avoisinante.

— Le chemin est étroit, suis-moi prudemment, il pourrait y avoir des branches. Oups ! Attention !

L’itinéraire emprunté montait assez raide. Elles franchirent plusieurs petites rivières à gué. Les filles emplissaient leurs poumons du bon air frais de la forêt, cette odeur d’humus mêlée à celle de leurs animaux flattaient agréablement leurs narines. Sous les sabots des chevaux, les branches craquaient et le soleil, filtré par la canopée, perçait la pénombre ambiante.

La colline qu’elles gravissaient dominait toute la seigneurie, exceptée l’éminence sur laquelle le château fortifié des Sautdebiche régnait. Le sommet était dépourvu d’arbres, et quand elles y parvinrent, elles descendirent de leurs montures et les laissèrent gambader librement.

Isabelle désigna le panorama à son amie et les deux jeunes femmes se délectèrent de la vue qui s’offrait à elles.

Leurs mains se rencontrèrent, puis leurs yeux.

— C’est un très bel endroit, vous avez raison, je suis charmée, Mademoiselle.

— Je préférerais que tu me tutoies, tu peux m’appeler Isabelle également, tu veux bien ? Nous sommes seules.

Elles reprirent leur contemplation, timidement, Manon passa son bras autour des épaules de sa compagne.

— Mère habite là bas, Mad… euh, Isabelle !

Celle-ci, s’enhardissant à son tour, lui posa la main sur la hanche.

— Cette fois-ci, Manon, je sens que notre rendez-vous est vraiment galant…

Une gêne s’installa un instant avant qu’Isabelle reprenne.

— On se connaît depuis toujours et… tu me plais depuis si longtemps, mais je ne pouvais te l’avouer. Je crois que la menace de ce mariage a tout précipité.

— Oui, aimer une femme n’est pas banal… Tu m’attires, toi aussi.

La bouche d’Isabelle se rapprocha de l’oreille de sa compagne.

— Je crois que j’ai envie de t’embrasser Manon, mais pas comme une sœur.

Délaissant le paysage elles se firent face. Les yeux noisette rencontrèrent à nouveau les yeux noirs.

— Est-ce que tu es sûre ma Manon ? Tu sais faire ?

— Oui, et non. Mais essayons !

— J’ai envie de ton cou.

Isabelle prit Manon dans ses bras et l’enserra passionnément. Malgré les vêtements qui les séparaient, elles sentaient le corps de l’autre, si près, si chaud, si doux. Leur deux cœurs battaient à l’unisson dans leurs poitrines et résonnaient dans tout leur être. Isabelle commença par bécoter la joue de son amoureuse avec application. Lentement, les baisers descendirent sur la peau cou si tendre de Manon qui inclina la tête. Elle se laissait faire, emportée par l’ivresse de l’amour, délivrée par les lèvres qui s’emplissaient de son goût suave, s’abandonnant au plaisir des sens qui l’envahissait.

Alors, reprenant juste suffisamment le contrôle de son corps, elle sentit le besoin de savourer à son tour la chair délicieuse de sa compagne, elle huma profondément son épiderme s’en emplissant les narines, puis avec délectation, frôla de ses lèvres la gorge offerte d’Isabelle, puis y appliqua pleinement sa bouche ouverte.

Les deux jeunes femmes perdirent la notion du temps et de l’espace. Plus rien ne comptait désormais à part l’autre, le plaisir donné, le plaisir reçu, et l’amour. Leur amour qui les unissait enfin, après tant d’années à se désirer, à ne pas oser, celui qui ne les rendait non plus deux, mais une.

— J’aime te tenir dans mes bras, glissa Isabelle à l’oreille de sa tendre aimée, et j’aime t’embrasser, tu es si douce ma Manon.

Rose les suivait quotidiennement, parvenant à échapper à leurs regards. Pour arriver à ses fins, elle avait loué un cheval auprès d’un agriculteur du village. Ce jour-là, elle avait dû redoubler d’attention afin de ne pas se faire remarquer. Lorsqu’elles les virent s’embrasser, elle put enfin souffler. Très bien, nota-t-elle, en prenant le chemin du retour, cette fois-ci je suis sûre, je vais pouvoir prévenir qui de droit.

Les deux femmes continuèrent de se câliner encore un moment.

— Tutoie-moi lorsque nous serons dans l’intimité, je t’en prie, je ne souffre pas d’avoir un statut différent du tien. Je te veux mon égale.

En retournant à leurs chevaux, Manon qui avait été la plus timide osa :

— Ton cou est délicieux, Isabelle.

— Le tien est plus gourmand qu’un dessert, Manon.

Se tenant par la main, elles appelèrent leurs chevaux. Ils arrivèrent en piaffant, heureux de retourner vers leurs maîtresses. Les cavalières prirent le chemin du retour, circulant de front et se dévorant des yeux à chaque fois qu’elles le pouvaient.

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