1.5 – Quelques larmes

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Pourquoi pleures-tu jeune fille ?

Mon amie de toujours, par-delà les plaines, s’en va et jamais ne reviendra.”

La belle brune pleurait, assise sur le lit, aux pieds d’Isabelle. Manon regardait sa sœur de lait dormir paisiblement. À sa naissance, Constance de Sautdebiche chercha rapidement une nourrice, Agnès venait d’accoucher de Manon et la châtelaine l’embaucha. Quand les petites furent sevrées, elle resta au service de la famille afin d’aider Constance dans l’éducation de sa fille. Manon devait respecter l’étiquette lorsqu’elle s’adressait à Isabelle, mais un lien indéfectible s’était créé entre les deux enfants.

Au départ, les deux petites partageaient leurs jeux, puis plus tard, les Sautdebiche permirent à Manon de suivre les cours destinés à Isabelle. D’une part la petite était aussi douée que leur fille, et d’autre part cela permettait à cette dernière de ne pas être isolée face à son précepteur, qui leur enseignait ainsi indifféremment : histoire, géographie, latin, grec, musique… Agnès leur apprenait à coudre, à broder et ce que toute femme, même noble se devait de connaître.

Les larmes de Manon ne tarissaient pas, depuis le jour où elle avait compris l’inéluctabilité du mariage d’Isabelle. Sa jeune maîtresse lui manquait déjà. Alors, tous les jours, elle prenait un temps pour venir déverser son chagrin auprès d’elle pendant son sommeil.

Isabelle ouvrit lentement les yeux. Elle avait vaguement entendu sangloter, et à travers les fenêtres embuées de son regard, elle distingua Manon. Cette dernière, tournée vers l’extérieur, se lamentait en silence. Sans un bruit, la jeune noble se redressa et passa ses bras autour de sa servante, qui, surprise, faisant mine de se redresser, se laissa emporter par l’étreinte d’Isabelle et se blottit contre elle.

— Que t’arrive-t-il, Manon ?

— Vous allez partir au loin, Mademoiselle, et qu’adviendra-t-il de moi si vous n’êtes plus là ?

— Je t’emmène avec moi, lui glissa-t-elle à l’oreille. Je ne pourrais vivre sans mon amie, ma confidente, ma petite sœur.

L’étreinte se resserra légèrement et un baiser bien doux atterrit sur la joue de Manon.

— Snif… ce n’est peut-être pas convenable que vous me consoliez, sniff… Mademoiselle.

— D’habitude c’est toi qui me réconfortes lorsque je ne vais pas bien, alors laisse-moi te dorloter !

Manon se lova un peu plus dans les bras rassurants.

— Tu seras ma dame de compagnie, tu veux bien ?

La tristesse s’envola de l’esprit de la servante, son visage s’éclaira et un rire léger apparut au milieu des larmes. Les deux jeunes femmes restèrent ainsi, sans rien dire pendant un long moment.

— C’est une décision difficile à prendre. Réfléchis bien. Tu devras quitter ta mère, tes frères.

Une caresse passa dans ses cheveux tenus en queue de cheval.

— J’agirai selon votre volonté Mademoiselle. Je ne suis que votre humble servante.

Elle se retourna pour faire face à Isabelle qui reprit :

— Ce matin je ne te parle pas de maîtresse à servante, je ne suis qu’Isabelle et toi Manon. Je te demande quelque chose qui t’engagera pour la vie, j’attends de toi une décision personnelle. Si tu refuses, je comprendrai que ta position familiale t’en empêche. Si tu acceptes, tu me rendras heureuse.

Elle parlait avec une grande tranquillité.

— Je viendrai avec vous Mademoiselle, et avec plaisir ! Mais une anxiété me taraude tout de même… par rapport à votre futur époux. Il me regardait avec tant d’insistance hier… j’en étais toute gênée.

— Les femmes sont sous l’autorité de la maîtresse de maison, comme tu le sais, je saurai te protéger, ne t’inquiète pas. C’est moi qui devrai subir ses assauts, et crois-moi, ça ne me réjouit en aucune façon. Lorsque je lui aurai donné un héritier, nous lui trouverons quelqu’un qui saura combler ses désirs.

Le sourire avait gagné la partie sur les lèvres de Manon, mais ses yeux restaient encore gonflés par ses pleurs.

— Pour ta mère, dit la noble, que comptes-tu faire ?

— J’imagine que devenir dame de compagnie augmenterait mes gages, je pourrais lui envoyer quelques subsides. Vous êtes au fait que c’est mon frère ainé qui pourvoit principalement à ses besoins. Je ne m’inquiète pas pour elle, mais vous avez raison, je vais lui parler.

Un nouveau baiser, qu’Isabelle aurait bien dirigé vers le cou appétissant de Manon, vint se loger sur une joue.

— Tu es un ange.

« Maintenant il faut que je te façonne pour devenir ma dame de compagnie. Pour commencer, je dois prévenir ma mère, te commander une garde-robe et t’apprendre l’équitation. J’aime tellement chevaucher que je souhaiterais partager mes balades avec toi.

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