zéro

4 minutes de lecture

« Qu’est-ce que tu fais ? »

Morpho sursauta. Elle se retourna en finissant de nouer ses longs cheveux en queue de cheval. La nuit touchait à sa fin ; bientôt, l’aube pointerait le bout de son nez.

La jeune femme ne trouvait pas le sommeil. En tournant et retournant dans son lit, elle s’était rendue à l’évidence : elle était trop préoccupée pour dormir cette nuit. Alors elle s’était habillée, motivée à prendre l’air pour se changer les idées. Elle espérait que son escapade passerait inaperçue ; c’était sans compter sur l’être fantastique qui posait sur elle ses yeux mauves pleins de sagesse et d’inquiétude.

Elle se fendit d’un maigre sourire peu convaincant et balança sa queue de cheval en arrière afin de la mettre en place. L’être magique n’était pas dupe. Morpho portait un ensemble des plus classiques, essentiellement constitué de noir, sur lequel ressortait sa broche mauve en forme de papillon. Elle enfila un coupe-vent et couvrit le bijou en ajustant sa capuche, puis elle remonta la fermeture éclair.

Le minuscule papillon afficha une expression à mi-chemin entre la fatigue et la contrariété, avant de sortir de sa suspension de verre et de venir flotter devant le visage de son alliée. Il bailla et se frotta les yeux. Morpho tendit les mains pour qu’il vienne s’y installer, ce qu’il fit sans rechigner.

« Je… voulais voir le lever du soleil depuis le pont ! » mentit-elle en détournant le regard.

Puis elle rit nerveusement, devinant déjà qu’il cherchait ses mots pour lui faire une leçon de morale.

« Tu sais, commença-t-il, tu peux me dire la vérité. Je sais très bien que tu ne comptais pas sortir seulement sur le pont. Je ne suis toujours pas convaincu que tu devrais mettre ton plan à exécution...

– Est-ce que tu as une autre solution pour attirer l’attention de MisterBug et LadyNoire sur moi ? »

Le papillon soupira.

« Je ne te parle pas de cela. Je suis juste inquiet que tu t’obstines à vouloir agir par tes propres moyens.

– Mais que veux-tu que je fasse ? »

La voix de la jeune femme monta dans les aigus, preuve de son désespoir quant à l’incapacité d’agir concrètement. Elle était peinée, vibrait d’une terreur pure. La douleur l’aveuglait et le petit papillon doutait de trouver les bons mots pour panser ses blessures, ou ne serait-ce que les apaiser.

« Les médecins ont assuré que ses jours n’étaient plus en danger, reprit-il. Il faut s’armer de patience et attendre qu’elle ouvre les yeux…

– Si tant est qu’elle se réveille un jour.

– Elle se réveillera. Elle sait que tu l’attends. »

Morpho recula d’un pas, puis d’un autre, jusqu’à buter sur son lit et tomber assise. Elle passa les paumes sur son visage. Sa capuche tomba sur ses épaules.

« Attendre, hein ? »

Sa voix tremblait.

« Et si j’attendais en vain et que je ne pouvais jamais m’excuser ? »

Elle se brisa – encore une fois. Les barrières cédèrent, laissant couler sur ses joues des larmes glacées. La jeune femme tourna le visage, où transparaissaient ses émotions les plus sincères, vers l’être magique installé dans sa paume.

« Malgré les risques… je dois agir, dit Morpho. Je n’en peux plus de patienter en me tournant les pouces. Chaque jour sans elle est un peu plus difficile, je doute que tu puisses comprendre...

– J’ai été captif du précédent Papillon durant plus de quatre ans, j’ai attendu un an avant que tu ne me trouves, et voilà une nouvelle année que je suis auprès de toi, la coupa le petit papillon. Cela va faire six ans que je n’ai pas pu voir mes proches et, même si nos cycles de vies sont différents, ils me manquent terriblement. Je ne comprends sans doute pas exactement ce que tu ressens, mais une partie au moins. »

Il s’approcha de son visage et tenta de sécher les larmes de son amie à l’aide de ses minuscules pattes. Ceci eut au moins le mérite de la faire sourire – un sourire plein de tristesse, mais un sourire tout de même.

« Alors tu devrais également savoir à quel point le besoin de faire quelque chose, n’importe quoi, est puissant. »

Le petit être ne répondit rien, preuve qu’il ne pouvait pas nier.

« Écoute, je sais que tu n’approuves pas ce plan, mais je te jure que jamais, au grand jamais, je ne ferais de mal aux autres, Nooroo. »

Face à l’expression mitigée de son allié, elle ajouta :

« Je n’ai pas obtenu mon Miraculous comme tout autre héro, mais je me suis assez renseignée sur MisterBug et LadyNoire pour savoir l’importance d’utiliser le tien afin d’aider autrui. Plus jamais tu n’auras à subir les décisions de ton porteur, je te l’ai juré. »

Elle lui tendit son petit doigt. Le papillon sourit doucement, toujours méfiant, mais entoura tout de même ce doigt de ses minis-bras.

« Je n’en doute pas. J’ai seulement peur car je sais que tu es capable de tout pour la sauver. Je suis très bien placé pour constater à quel point les hommes sont capables de folies pour atteindre leur but... Je ne vais pas te mentir, j’ai parfois peur que tu en viennes à employer mes pouvoirs à mauvais escient, trop animée par tes émotions. Tu es si sensible...

– Mais tu es là. Je peux compter sur toi pour me raisonner, pas vrai ? »

Touché par cette preuve de confiance, le petit être vint appuyer sa joue contre celle de la jeune femme, qui rit doucement.

Les deux amis discutèrent à voix basse jusqu’à ce que le kwami s’endorme à nouveau. Dans le cerveau de Morpho, les pensées se bousculaient. Elle avait beau avoir promis à Nooroo de faire preuve de modération, elle ne voyait pas d’autre solution que celle qu’elle mettait en place depuis plusieurs jours en secret. Elle n’était plus capable d’attendre, elle souffrait trop du temps passé seule.

Elle avait besoin d’elle, dans sa vie. Elle avait besoin de la faire sourire, de la protéger de ses mains, de s’amuser des biscuits ratés, de chanter en chœur, de la chérir.

Juleka ferait tout pour retrouver ces moments de légèreté. Elle était prête à tout pour Rose.

Quitte à se sacrifier en chemin s’il le fallait.

Annotations

Vous aimez lire Solaelora ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0