Chapitre 67

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- Vous venez vraiment souvent, Andréa, dis-je. Vous n'avez pas peur d'éveiller les soupçons ?

- Je dis que je viens rechercher des informations pour savoir si d'autres personnes s'étaient évadées avec vous.

- Et c'est le cas ?

- Non, bien évidemment, il n'y avait pas la place pour d'autres personnes. Je pense qu'ils le savent aussi, mais en ce moment c'est calme. Vous êtes la seule... urgence.

- Cette nuit, j'ai eu une angoisse.

- À propos de quoi ?

- De tous nos animaux, qui doivent mourir de faim.

- Ils ont été libérés et la plupart vont profiter de la vie sauvage.

- S'ils survivent.

- Effectivement, s'ils survivent. La liberté à un prix.

- Comme le savoir et je ne le sais que trop bien.

- Et vous le partagez avec moi, c'est très gentil.

- Mais pensez-vous pouvoir continuer de vivre comme ça, maintenant que vous êtes dans le secret ?

- C'est une bonne q...

Dans le couloir, arrivait une femme minuscule aux cheveux blancs et raides, si longs qu'elle aurait pu marcher dessus. Aussitôt le visage d'Andréa blanchit.

- Que se passe-t-il, Andréa ? Qui est cette femme ?

- Je dois partir. Maintenant.

- Dites-moi... Andréa...

Mais baissant la tête, Andréa sortit de ma cellule en regardant ses pieds et en prenant soin de ne rien dire à la femme qui entrait à son tour, pour me voir.

- Bonjour Naïa.

- Bonjour.

- Je suis l'Amie de Présidente Mère et du Président Père, me dit cette femme impressionnante. Je suis leurs yeux et leurs oreilles. Ils m'ont demandé de venir vous voir, ainsi que vos amis, pour... discuter.

- Et avez-vous un nom ou un prénom.

- Oui, Madame Arca. Mais dites-moi, qui était cette femme avec vous ?

- Une des militaires qui est venue nous...

- Capturer, dit-elle pour terminer ma phrase.

- Si on veut.

- Savez-vous pourquoi je suis là ?

- Et bien pour écouter mon histoire.

- Exactement. J'ai besoin de savoir si votre escapade n'a pas créé une brèche dans notre société.

- Nous n'étions que nous six, et personne d'autre n'a été mis au courant.

- Et bien, je vous laisserais l'opportunité de me raconter tout ça.

L'après-midi passée avec Madame Arca fut intense et éprouvante, mais heureusement Edmara finit par se réveiller et me libérer de cet interrogatoire. Alors qu'elle me laissait, elle se dirigea vers la cellule de Tommy.

Sur le lit, simplement posé par oubli, où cette femme étrange était assise, se trouvait un livre. Sans savoir pourquoi je décidais de le mettre sous mon matelas, avant de donner le sein à Edmara.

La fin de journée sembla d'une longueur insoutenable. Je devais attendre que les gardes arrêtent leurs rondes, pour voir si le livre perdu pouvait être du moindre intérêt.

La baisse de la luminosité fut le signal, mais elle était suffisante pour lire.

Que pouvait bien contenir ce livre ?

À première vue, c'était un petit manuel d'histoire de la taille d'un livre de poche, intitulé la guerre de la cinquantaine. Impossible de m'endormir, tant j'avais peur que l'on me prive dès le lendemain de ce puits de savoir.

Il était relaté la genèse de cette guerre qui remontait à plusieurs siècles. Dans une Monarchie... (Ce mot étant expliqué comme : régime politique dans lequel le chef de l'État est un roi ou une reine héréditaire). Donc, dans une monarchie, la reine avait eu en première naissance des jumeaux, une fille nommée Capucine et un garçon nommé Montana. Il semblait que l'impensable s'était produit. Certains disaient que c'était la fille qui était la première-née et d'autres le fils. Comme la loi déclarait que le premier-né devait régner, deux camps s'affrontaient.

Très rapidement, l'opposition s'est cristallisée autour d'un clivage homme/femme. C'est après plusieurs siècles de dispute qu'une histoire d'amour a mis le feu aux poudres. Une jeune fille, l'ainée et descendante de Capucine nommée Julia était folle amoureuse de l'ainé des Montana, Romain. Ils rêvaient à eux deux de réunifier le pays qui était déchiré. Mais l'un des cousin et confident de Julia était amoureux d'elle. Il voulut assassiner son rival qui se défendant le tua. Le clan de Capucine refusa de croire à de la légitime défense et attaqua les Montana. S'en suivit une guerre civile sans merci qui dura un peu plus de cinquante ans.

Romain et Julia ne voulurent soutenir aucune des familles et en secret formèrent un groupe de résistant. Au fil des décennies, il prit de l'ampleur alors que le nombre de morts ne cessait d'augmenter. Des familles décimées et des orphelins laissés à l'abandon. Les pauvres enfants qui avaient la chance d'avoir encore un parent étaient souvent maltraités et exploités, pour ramener un peu de nourriture dans le foyer. La résistance s'occupait de ces enfants abandonnés, en les confiants à certains de leurs partisans. Une fois adultes, les orphelins devenaient résistants ou père et mère de nouveaux enfants abandonnés par la vie. La population, dans les clans, se réduisit tellement que quant au bout de cinquante ans Romain, Julia et leurs amis décidèrent, de faire un coup d'état, ils n'eurent aucune résistance. Même s’ils étaient vieux maintenant, ils étaient respectés de tous. Mais ils avaient refusé d'avoir des enfants, préférant s'occuper des orphelins.

Le pays meurtri devait être reconstruit et personne ne pouvait être mis en prison, tant le besoin de bras était énorme. Les parents maltraitants, les voleurs et les meurtriers furent envoyés dans les mines, où ils pouvaient être surveillés. Les orphelins encore seuls ont été confiés à des hommes et des femmes. Chaque parent fut formé pour éduquer les citoyens de ce pays renaissant. Au fil des années Julia et Romain ont imaginé une nation ou les hommes et les femmes seraient séparés. L'amour, qu'il trouvait pourtant formidable, était aussi la cause de nombre de jalousies et de conflits. Alors les colonies ont été créées, tel que nous les connaissons. Il était interdit de parler de l'autre sexe et au fil du temps et des morts les hommes ont oublié les femmes et les femmes, les hommes.

Il subsistait une imperfection, les pulsions non-assouvies déclenchaient colère, dépression, fatigue. Les couples étaient interdits, mais sans contrôle, parfois, certain se formaient. Ils étaient emprisonnés pour trahison, ce qui n'était pas viable à long terme, tant leurs multiplications étaient importantes. C'est là qu'ils ont expérimenté le soulagement, qui a été couronné de succès. Quelques années après, il a été ajouté dans l'eau des médicaments bloquant les dernières pulsions sexuelles.

Bien sûr pour la reproduction, il était toujours nécessaire d'avoir des sachants, à des niveaux divers. Ils étaient regroupés dans les ministères où homme et femme vivaient encore ensemble. Tous avaient connaissance du sexe opposé, mais seuls ceux qui travaillaient au ministère de la reproduction et les dirigeants du pays savaient comment le monde animal se reproduisait. Président Père et Présidente Mère étaient élus parmi les plus grands sachants. Les notions de monarchie, religion (j'avais du mal à comprendre le sens de ce mot) et d'amour, furent bannies de ce monde, même si le sexe était toléré au ministère.

Enfin, je comprends tout !

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