J'étais contente, le temps était magnifique. C'était tellement agréable de partir pour ma cueillette quotidienne. Edwina avait acheté un livre sur les plantes sauvages. Je le prenais avec moi lors de mes promenades, pour m'aider dans ma tâche. Octavio m'avait passé commande, pour sa pharmacie. C'était la période idéale pour la sauge, la reine-des-prés, la camomille, le tilleul et j'espérais trouver, pour le dessert, des myrtilles et même quelques groseilles ou des cassis sauvages.

Je marchais sur un petit sentier emprunté par des animaux, ou j'avais repéré les fruits que je cherchais pour mon gâteau à la poêle. Eh oui, il fallait bien s'adapter à nos possibilités de cuisson. Tommy m'avait dit de faire toujours du bruit, pour éloigner les animaux sauvages, et j'essayais de ne jamais aller trop loin. De toute façon, les longues heures de marche m'étaient déconseillées par Octavio. Mon petit panier se remplissait vite de baies et d'herbes qui sentaient bon. En plus des demandes d'Octavio, j'avais trouvé du thym et de la menthe sauvage que je pensais pouvoir utiliser le soir même.

Devant faire aussi le tour de mes collets pour, j'espérais, trouver de quoi confectionner un repas amélioré pour ce soir : lapin rôti au feu de bois relevé du thym que j'avais trouvé. Les deux premiers étaient vides, mais j'en trouvai, avec bonheur, un gros dans le troisième. Je continuais en croisant les doigts pour en récupérer un deuxième, quand je découvris avec surprise un marcassin. Il était attaché par la patte et ne bougeait plus, mais respirait encore. Il devait juste être épuisé. Le plus prudent était de demander à Tommy de se charger de le récupérer.

Je revins donc vite à Liberta pour le prévenir. Il était en train d'extraire les pierres de la rivière. Sa peau mate et mouillée par la sueur brillait au soleil. Mon Dieu qu'il était beau. Je ne me lassais jamais de ce spectacle, comme si je le redécouvrais à chaque fois. C'était une évidence pour moi, avant lui, je ne vivais pas, sans en avoir conscience.

- Déjà revenue mon ange ?

- Oui, j'ai trouvé un marcassin pris dans un de mes pièges. Mais je préfère que tu viennes t'en occuper.

- Un marcassin ? Mais c'est super, Octavio va être ravi. Nous en parlions justement la dernière fois, pour en faire l'élevage.

- Il faut se dépêcher, avant qu'il ne s'échappe, car il est quand même déjà assez gros.

- Je prends le porte-charge et tes ficelles en ronce. Et tu as trouvé d'autres choses dans tes collets ?

- Oui, regarde, un lapin et j'ai aussi cueilli des myrtilles et quelques groseilles. Mais il reste encore deux collets à relever.

- Et bien, on va se régaler. Il nous reste combien de temps avant l'arrivée des autres ?

- Normalement, ils arrivent à dix-neuf heures, dis-je, donc dans trois heures.

- Et bien ça nous laisse suffisamment de temps pour récupérer le marcassin. On va le mettre avec les chèvres en attendant et Octavio nous dira ce qu'il faut faire pour son élevage.

Une heure après le marcassin était dans l'enclos et acceptait la nourriture que nous lui jetions.

- Tu viens voir l'avancement du chantier ? Me proposa-t-il.

- Oui, avec plaisir.

- Je suis content, j'avance bien et je pense qu'on pourra même installer la table et les chaises dans la pièce qui sera la salle à manger. Il fait beau et il n'y a pas de risque de pluie.

Pour les repas, nous avions construit provisoirement une pergola recouverte de branches. Elle avait même résisté à un orage la semaine passée, mais celui-ci n'avait pas été très violent.

- C'est une excellente idée, ce petit avant-goût de modernité fera du bien à tout le monde. Et je pourrais préparer une jolie table, avec un bouquet de fleurs sauvages.

- Pendant ce temps-là, je vais préparer les lapins.

- J'ai cueilli du thym serpolet, tu pourras le prendre pour donner du goût à la viande, dis-je contente de ne pas avoir à les dépecer.

À un peu plus de dix-neuf heures, quand tout le monde arriva, la table était prête et Tommy venait d'allumer le feu. Ils avaient tous fait une longue route et je les accueillais avec de l'eau fraîche aromatisée à la menthe. Tommy leur raconta tout ce qui s'était passé depuis la dernière fois et Octavio comme il le pensait fut ravi de voir le marcassin. Immédiatement, il énuméra avec frénésie tout ce qu'il faudrait mettre en place pour son élevage et les avantages d'avoir ce nouvel élevage.

- C'est une vraie poubelle, il mangera tous nos restes, dit Octavio. Mais maintenant il va falloir lui trouver une femelle.

- Ah, c'est un mâle ? demandai-je.

- Oui, ce n'est pas très compliqué à voir, ils ont une queue comme nous.

- Bon et on a une autre surprise. Suivez-nous, c'est dans la maison partagée.

Sur la table, j'avais mis une nappe et des assiettes blanches, les couverts qui venaient de notre ancien logement et un joli bouquet de fleurs dans un vase que m'avait offert Charlotte l'année dernière. Des bougies, quand le soleil se ferait trop rare, seraient allumées. J'espérais que ces petites touches de civilisation, feraient du bien au moral des troupes, même aux plus réfractaires.

- Je vous propose de commencer par un verre de vin, déclara Tommy en présentant une bouteille à l'assemblée.

- Et bien ce programme me plaît, dit Octavio en prenant un des verres posés sur la table.

- Je vais continuer avec l'eau à la menthe, pour ma part, dit Edwina, la chaleur m'a légèrement donné mal à la tête.

- Tu veux du paracétamol ou un mélange de plantes en infusion ?

- Et bien, je vais commencer par l'infusion, mon chéri. Mais en tout cas, je compte bien faire la fête pour mon anniversaire.