Chapitre 33

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L'une après l'autre, je m'occupais des ronces pour en faire des liens solides. J'avais fini par prendre un peu le coup de main. Il fallait commencer par retirer toutes les feuilles avec un couteau et ensuite, par le même procédé, retirer toutes les épines. Quand la branche d'un mètre environ était prête, je la passais à Charlotte qui les frappait avec une branche sur une grosse pierre pour en casser les fibres. Il ne me restait plus qu'à les extraire et les tresser. Je ne sais pas combien de temps pouvait résister ses liens, mais il nous fallait faire rapidement des enclos pour nos bêtes, même si ceux-ci étaient remplacés prochainement par de plus solide.

Pendant ce temps, Tommy enfonçait dans le sol les premiers poteaux qu'il fabriquait en allant couper de jeunes arbres dans la forêt. Il était aidé par Charlotte qui alternait entre la fabrication de la clôture et le broyage des ronces. Les pauvres étaient souvent en plein soleil et transpiraient beaucoup. De temps en temps, ils venaient faire une pause rafraîchissement, à mes côtés, car les bouteilles étaient à l'ombre de mon arbre.

- J'ai peur que la clôture ne soit pas prête ce soir, me dit Tommy. Je pense qu'il faudra attacher les chèvres à un arbre en attendant de la terminer.

- Je pense qu'elles peuvent supporter ce contretemps, répondis-je.

- Et puis on ne peut pas aller plus vite que la musique, renchérit Charlotte. J'avoue que je n'en peux plus, il fait vraiment trop chaud.

- Tu pourrais aider Naïa, dans la confection des liens, dit Tommy. Il suffirait de déplacer la pierre sur laquelle tu frappes les tiges ici. Elle est relativement grosse, mais nous devrions y arriver à deux. Cette tâche est moins fatigante, mais longue, fastidieuse et indispensable.

Tommy avait eu une excellente idée. Charlotte pourrait se reposer un peu et surtout, je pourrais en profiter pour parler avec elle. Mais j'avais un peu le trac. Comment engager la discussion ? Allait-elle accepter de se confier à moi, alors que j'étais apparemment la cause de sa colère ?

Nous étions enfin seules maintenant, mais pas un mot ne sortait de nos bouches. Préparant dans ma tête des phrases d'introduction, aucune n'arrivait pourtant à en sortir. Je me sentais comme en haut du plongeoir de cinq mètres, quand vous y êtes resté trop longtemps. Si personne ne vous pousse, vous finissez par abandonner. Et c'est une biche qui en fit office.

- Regarde derrière toi, dans le pré, dis-je.

- Oh oui, je l'ai déjà vu ce matin.

- Ça change de la ville ici.

- Elle me manque, avoua-t-elle.

- Qu'est-ce qui te manque exactement.

- Le confort : les douches chaudes, les toilettes, un lit confortable, la musique...

- Nous aurons bientôt tout ça, enfin peut-être pas tout, c'est vrai. Mais nous avons aussi des avantages.

- Ah oui lesquels ? me demanda-t-elle.

- Et bien, la liberté, les coquineries et surtout ici, pas de mensonges.

- Enfin tout ça, c'est surtout pour toi.

- Que veux-tu dire par là Charlotte.

- Et bien, tu as pu choisir ton compagnon, tu es libre de dormir et de faire des câlins avec celui qui te plaît vraiment.

- Pourtant Fabien à l'air tellement gentil avec toi.

- Je sais, mais ce n'est pas lui que je désire le plus.

- Je crois que je sais de qui tu veux parler.

- Oui, j'ai du mal à m'en cacher, avoua-t-elle. Mais au début nous avions parfois fait des coquineries à trois ou quatre et maintenant, c'est chacun son partenaire. Pourquoi ?

- C'est comme ça, même si rien n'est interdit.

- Tu serais d'accord pour recommencer ?

- Et bien, c'est un peu délicat, je crois que Tommy ne le souhaite pas.

- Ah bon et pourquoi ? me demanda-t-elle interloquée.

C'était compliqué de lui dire que Tommy était mal à l'aise en sa présence. Elle aurait pu mal le prendre. Je choisissais donc une option moins désagréable.

- Heu... je lui demanderai si tu veux ?

- Oui, je veux bien. En plus, il faut que tu te reposes.

Je n'aimais vraiment pas cette situation. Lui mentir ainsi était risqué, je le sentais. Mais je manquais vraiment de courage, pour être plus honnête. Au moins, Charlotte avait un peu retrouvé le sourire et l'après-midi fut beaucoup plus décontracté.

Vers quinze heures, Fabien revenu avec le premier chargement. Il avait la bonne idée de construire un système ingénieux de deux grandes branches souples, sur lequel il en avait fixé de plus petites, qui formaient un support pour y déposer sa cargaison.

- Fabien, viens te reposer à l'ombre, lui proposai-je. Il y a de l'eau fraîche et un peu à manger.

- Merci, c'est gentil, mais pas trop longtemps, sinon, je ne pourrai pas faire un autre aller et retour.

- Non pas question, tu ne vas pas revenir de nuit, ordonna Tommy. Ça peut attendre demain.

- Oui, tu as raison, en plus, j'avoue être fatigué.

- Et puis j'ai autre chose à vous proposer. Une nouvelle répartition des tâches. Comme tu as rapporté la grosse cocotte en fonte et des ustensiles de cuisine, j'aimerais faire nos premiers essais de pain.

- Du pain ? Mais nous n'avons pas de four ni de levure, s'étonna Charlotte.

- Pas besoin. Il y a trois jours, j'ai confectionné un levain artisanal qui repose dans le garde mangé. J'ai une recette de pain en cocotte. Il faudrait réaliser un feu, préparer le pain, le faire lever et le cuire. Je pense que pour commencer, il faudrait faire une petite quantité, pour ne pas gâcher la farine, en cas de raté. Vous voudriez faire ça tous les deux, dit Tommy en s'adressant à Charlotte et Fabien. Je crois que vous aimez tous les deux faire la cuisine.

- Oui, je veux bien, répondit Charlotte et nous pourrions aussi préparer le repas du soir.

- Parfait ! dit Tommy. Et cette soirée sera l'occasion de fêter notre nouvelle vie.

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