Chapitre 10.6 : Yume

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« Maintenant, que tu comprends, est-ce qu'on peut y aller ?

‑ C'est que…, commença Astrid. Et s'ils s'en prennent à moi ? »

Le blondinet leva pour la énième fois les yeux au ciel.

« C'est bon, capitula-t-il, je te protégerai s'il le faut.

‑ Yunni, tu viens avec nous ? »

Cette dernière fit non de la tête.

« Si cela ne vous dérange pas, je pense que je vais rester en ville. La journée est déjà bien avancée, et nous n'avons toujours aucune indication quant à la localisation de la Chimère. »

Yunni jouait nerveusement avec la bague de River.

Yume se pinça la lèvre inférieure. Il n'en revenait toujours pas de ce que l'Ancien avait fait pour eux. Pour lui. Il espérait que tout irait bien pour lui. Cela se voyait que Yunni en était morte d'inquiétude, elle aussi.

« De plus, ajouta-t-elle, il faudrait que quelqu'un reste ici pour trouver un endroit où passer la nuit. Je doute que vous voulez une fois de plus dormir en pleine forêt.

‑ Je comprends, acquiesça Yume avec un large sourire. Tiens, prends ça, tu en auras besoin. »

Le jeune homme détacha l'une de ses sacoches et la donna à sa meilleure amie. Cette dernière l'ouvrit pour regarder ce qu'il se trouvait à l'intérieur. Elle sourit.

« Et ne le dépense pas n'importe comment ! plaisanta-t-il. Je compte sur toi ! Déjà qu'elle m'a coûté une fortune…

‑ Hé ! J'y peux rien moi ! C'est pas de ma faute si les armes sont aussi chères ! »

Yunni rigola faiblement.

« Ne t'en fais pas pour ça, je ne suis pas du genre dépensière ! »

Les trois compagnons rirent une dernière fois de bon cœur, ce qui leur attira le regard des passants quelque peu curieux. Puis le groupe se sépara de nouveau.

Yume et Astrid empruntèrent la sortie Nord, en direction du lac Aneco.

À peine eurent-ils fait un seul pas dans la forêt, le jeune homme matérialisa son épée dans sa main droite. Il se mit à courir à travers les arbres immenses. La jeune fille peinait à le suivre.

« Hé ! Tu pourrais m'attendre quand même ! »

Elle accéléra le pas pour le rejoindre rapidement.

« Ils sont forts ? demanda celle-ci une fois à se hauteur.

‑ Qui ?

‑ Les monstres, abrutis ! »

Un sourire narquois étira les lèvres de l’Épéiste.

« Tu le découvriras par toi-même. »

Il accéléra volontairement le pas de course. Personne n'arrivait jamais à le rattraper une fois dans sa lancée. Abandonner Astrid et la laisser seule face aux monstres était son but. Elle devait apprendre par elle-même à se débrouiller toute seule. Il l'assisterait tout de même, et viendrait l'aider en cas de soucis. Mais uniquement si la situation devenait critique.

Restée en arrière, Astrid protestait et lui implorait de l'attendre. Mais Yume faisait comme s'il ne l'entendait pas. Il continuait toujours droit devant lui, ne se préoccupant plus que d'une chose : s'éloigner le plus vite possible. Ainsi, il testait par la même occasion l'endurance de la jeune fille. Elle ne survivrait pas bien longtemps si elle s'essoufflait rapidement.

Une fois qu'il ne l'entendait plus protester, Yume s'arrêta net devant un imposant arbre. Il s'agissait encore d'un Herazonier, l'arbre où poussaient les Herazons. Le blondinet fit disparaître son épée puis attrapa une liane et se hissa sur une branche pas très haute mais solide. Il attendit patiemment la venue de son amie.

En attendant, ce dernier en profita pour se désaltérer un petit peu. Courir donnait soif, et faim aussi un petit peu. Il tendit la main pour attraper un fruit. Il en croqua une bouchée. Le jus frais du Herazon le revigora immédiatement. Il en prit un deuxième morceau.

Jetant les pépins au sol, Yume entendit soudainement un cri à glacer le sang venir de derrière lui. Il se retourna vivement, croyant à un monstre. Il ne voyait rien. Peut-être s'était-il trompé. « Ce doit-être un singe » pensa-t-il. L’Épéiste s'allongea de tout son long sur la branche d'arbre, se languissant – ou pas vraiment – de la venue d'Astrid.

Fermant les yeux, le jeune homme profitait d'un certain petit moment de liberté. Étant désormais un fugitif, ce genre de moment de détente risquaient de devenir de plus en plus rare. Le deuxième en une journée seulement. Il trouvait cela presque anormal. Comme annonciateur d'une tragédie à venir.

Les faibles rayons du soleil qui passaient à travers le feuillage des Herazoniers sur son visage l'apaisaient. Le jeune homme aimait beaucoup les bains de soleil. Le gazouillis des petits oiseaux tout autour de lui amplifiait également cette sensation de bien être. « Si seulement la vie pouvait être aussi douce et agréable » se fit-il la réflexion. Yume ouvrit à demi les yeux. « Elle serait bien vite ennuyante. Il n'y a plus aucun intérêt à vivre dans un monde où le moindre petit danger n'existerait pas. Finalement, c'est un peu contradictoire, la vie. On cherche constamment la paix, mais une fois que l'Homme l'a atteinte, il se rend compte à quel point ce peut-être lassant. » Un des nombreux paradoxes de la vie.

Soudainement, les horribles images de son rêve lui revinrent en mémoire. La cruauté de la scène le frappa de plein fouet.

Se redressant rapidement, la tête entre les mains, Yume repensa à Yunni. Il s'insulta de tous les noms possibles et inimaginables. Le blondinet regrettait fortement de l'avoir laissée seule à Buxih. Que se passerait-il si des Miliciens passaient justement dans le village aujourd'hui et qu'ils la trouvaient ? Elle se ferait arrêter ! Son rêve deviendrait alors réalité !

Yume s'apprêta à descendre de l'arbre, mais Astrid arriva, complètement essoufflée. Les mains sur les cuisses, elle peinait à reprendre sa respiration. Yume avait l'impression de la revoir lors de leur fuite de Fikternand. Une mèche de ses cheveux barrait une partie de son visage à cause de la sueur, et cachait ainsi son œil gauche.

« Tu en as mis du temps » releva sournoisement Yume.

Ce dernier s'assit en tailleur en face d'elle pour mieux la regarder.

« Je ne… cours pas… aussi vite… que toi… » articula-t-elle difficilement.

Le jeune homme entendit une branche se craquer tout près d'eux et s'effondrer lourdement au sol. Il ne releva pas l'anomalie, pensant de nouveau qu'il s'agissait juste d'un singe.

Tout à coup, Astrid se redressa. Elle décocha vivement une flèche et l'arqua à la corde argentée de son arc. Elle le pointa en direction de l’Épéiste.

« Yume, derrière-toi ! » s'écria-t-elle pour l'avertir.

Il eut à peine le temps de tourner légèrement la tête que quelque de lourd et imposant s'écrasa contre son crâne. Yume sombra dans l'inconscience.

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